Les territoriaux de 1914-1918

Gardes-voies, cantonniers, plantons de faction devant les innombrables dépôts, convoyeurs, ceux que l’argot de la guerre a baptisé les « pépères » , subiront de lourdes pertes dues à l’ennemi ou aux conditions sanitaires.

Les territoriaux ou pépères de 40 ans et plus

Les territoriaux ou pépères de 40 ans et plus

Les territoriaux sont souvent appelés avec une affectueuse ironie les « terribles taureaux ». Le début de la guerre avait transformé les plus âgés en gardiens des voies de communication (les G.V.C.), quand ils n’assuraient pas le service de place dans les garnisons. Mais, lors de l’avance des Allemands par la Belgique et le nord de la France, puis, dans la bousculade de la course à la mer, certaines divisions territoriales bouchèrent les trous et prirent souvent part au combat, même si elles n’étaient armées que de fusils Gras, au lieu de Lebel. Plusieurs d’entre elles tinrent les tranchées, notamment dans le secteur de Verdun, qui passa longtemps pour calme et où elles éprouvèrent de sérieuses pertes en février 1916 avant d’être relevées.
Beaucoup de ces divisions, après avoir servi à la sépulture des morts et à l’enfouissement des chevaux, furent utilisées à la préparation de deuxièmes et troisièmes lignes, ou aux travaux de terrassement sur les routes et les voies ferrées.

Les territoriaux utilisés aux tâches les plus ingrates

Dissoutes de 1915 à 1917, on en affecta les régiments à des divisions normales ou à des secteurs déterminés, et particulièrement à celui de Verdun, en 1916, où nous retrouverons les territoriaux utilisés aux tâches les plus ingrates : ils y assurèrent la plupart des transports de munitions et de ravitaillement jusqu’aux dépôts de l’avant et l’entretien pénible et souvent dangereux de la fameuse « Voie sacrée ».
Formés en bataillons de pionniers, ils participaient aussi à l’aménagement des secteurs d’attaque, aux fortifications improvisées quand le front était ou risquait d’être rompu ; et leur rôle, dans des zones proches du front et fortement bombardées, pour modeste qu’il fût et sans gloire, ne se révéla pas moins indispensable. Il arriva du reste souvent, en 1916, que des territoriaux fissent partie de renforts pour des régiments qui n’étaient plus de réserve et où ils s’estimaient obstinément placés « par erreur ». Là, comme ailleurs, leur dévouement et leurs pertes leur valurent bien souvent l’hommage mérité de leurs camarades plus jeunes. D’autant que ces derniers, lorsqu’ils étaient retirés de l’action, se voyaient bien souvent assigner, à leur tour, au prétendu repos, les tâches pénibles qui faisaient l’ordinaire des territoriaux.

Un régiment de territoriaux dans la grande guerre

Le 18e RIT est un régiment particulièrement attachant, qui a connu tous les secteurs du front au cours du conflit. A la différence de beaucoup d’unités territoriales, il s’y développe un esprit de corps très marqué, dû en grande partie à la personnalité de son chef, le colonel Rat. Il suffit de lire l’historique écrit en 1921 par le lieutenant Deugnier pour s’en convaincre.
Dès le 2 août 1914, les hommes affectés au 18e RIT commencent à arriver à Evreux, où se forme le régiment. Il est composé en grande partie d’hommes appartenant aux plus jeunes classes de la territoriale (1899-1896). Il est de ce fait considéré comme une unité dite « de campagne » et sera engagé au début du conflit comme une unité d’active. Son effectif de 47 officiers et 3 208 hommes est un mélange de Parisiens et de Normands. La débrouillardise des uns et le solide bon sens des autres vont sans tarder créer un alliage de choix. Engagé le 30 août devant Amiens, il connaît ce jour-là le baptême du feu. Le sergent Perreau, fils du proviseur du lycée d’Evreux, est le premier mort du régiment. Après avoir retraité, le 18e RIT participe à la course à la mer. Le 26 septembre, il livre un combat violent à Flers (Somme) et les deux jours suivants à la ferme Beauregard. Les pertes sont sévères et quelques-uns des défenseurs de la ferme sont faits prisonniers en couvrant le repli. Le front s’étant enfin stabilisé, le régiment, qui a perdu 314 hommes tués, blessés ou disparus en une dizaine de jours, s’installe le 5 octobre dans les tranchées d’Hébuterne (Pas-de-Calais), où il va demeurer jusqu’au 22 janvier 1915.
le 18e est définitivement rattaché au 2e CAC (corps d’armée colonial) le 2 juillet 1815. Une traversée, hélas sans étape, de la région parisienne alimente les rumeurs les plus folles, mais c’est en définitive en Champagne — où se prépare la grande offensive — que le régiment arrive début juillet. Les territoriaux ne sont plus cette fois-ci utilisés pour la garde des lignes, mais à des travaux pour le compte du génie du 16e CA. Notamment dans les secteurs de Perthes-les-Hurlus et de Souain. Bien que ne faisant pas partie des troupes engagées dans l’offensive, le 18e perçoit le nouveau casque Adrian dès le début septembre. Chargé du ravitaillement des troupes en première ligne sous les ordres de la division marocaine, le premier bataillon se distingue particulièrement. Après les dures épreuves de la Champagne, suivent plusieurs mois de repos et de manœuvres jusqu’en février 1916. Par un de ces mystères propres à l’organisation des armées, le régiment, qui se trouve dans l’Oise, se rend à pied jusqu’à Abbeville pour participer à des manœuvres, puis retourne à son point de départ par le même moyen pour un nouveau repos, consommant lors de ces déplacements une quantité incroyable de godillots (dixit le lieutenant Deugnier).
Dans la nuit du 15 au 16 février, le 18e RIT prend possession du secteur de Tilloloy (Somme), en face de Beuvraignes. Il y demeure jusqu’en août 1916, connaissant de fréquentes alertes aux gaz. Au cours de cette période, par détachements successifs, les officiers et hommes du rang des classes 1899, 1898 et 1897 sont versés dans des régiments actifs, et remplacés par des soldats de ces mêmes régiments, de classes plus anciennes. Les fraternités d’arme vieilles de deux années de souffrances communes sont ainsi rompues et le 18e y perd un peu de son âme.

Une mission obscure et sans gloire

Après un court repos, le 18e remonte au front, toujours dans la Somme. La tâche est de déblayer le champ de bataille et de ravitailler la 10e DIC en ligne. Dans cette zone de boue et de mort, le 18e remplit une mission obscure et sans gloire, mais non sans périls. C’est avec soulagement qu’il quitte la Somme en janvier 1917 pour l’Aisne, où se prépare l’offensive Nivelle. Le régiment est divisé en détachements qui effectuent des travaux aux abords immédiats des premières lignes.
L’hiver est exceptionnellement rude et les hommes souffrent dans leurs cantonnements : « Les vivres gèlent et le vin dans les bidons se transforme en glace. » Après l’attaque du 16 avril, de nouveaux détachements sont prélevés, mais cette fois sans contrepartie. Le régiment est de ce fait réorganisé à deux bataillons. C’est en Lorraine que le 18e est ensuite envoyé de mai à septembre 1917. L’effectif étant encore réduit Les hommes du 129e RIT dissous sont incorporés au 18e. Un événement marque le régiment, qui assure des missions de ravitaillement des lignes dans le secteur de Verdun jusqu’en novembre 1917. Le colonel Rat, atteint par la limite d’âge, cède le commandement au colonel Lepetitpas.
De novembre 1917 à août 1918 dans la Meuse, la physionomie du régiment change, car au début février, tous les hommes des classes 1899 et 1897 sont sans exception versés dans des unités d’active, l’armée française souffrant d’un cruel manque d’effectifs. Les éléments spécifiques du 18e n’y survivent pas. Sa musique est dissoute et le Petit Echo cesse de paraître. Le colonel Lamirault, qui remplace le colonel Lepetitpas le 9 juillet, sera le dernier chef de corps du 18e RIT qui est finalement dissous le 10 août 1918.
Cependant, il est une dernière fois à l’honneur le 14 juillet 1919, lorsque son drapeau, précédé par le colonel Rat, passe avec orgueil sous l’Arc de Triomphe de l’Etoile.

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