La cavalerie, en tant que telle, et son esprit le fameux « esprit cavalier » souvent inspiré par ses officiers à particule, ne survécurent pas longtemps à la croyance en une guerre « fraîche et joyeuse ».
Des patrouilles de dragons, armés de la lance à flamme blanche et rouge et dont le couvre-casque cachant l’acier brillant était la seule concession à la prudence s’affrontèrent, dans les premiers jours d’août, sur la frontière d’Alsace-Lorraine, à quelques raids de uhlans prussiens, dont la lance portait une flamme blanche et noire, coiffés de la chapska, et qui revenaient, par-delà 1870, d’un passé plus lointain encore.
La cavalerie joua un rôle important à la Marne : après des étapes de 80 km en deux jours, où les chevaux perdirent leurs fers et leurs clous, ses divisions, composées aussi bien de cuirassiers et de dragons que de légère (chasseurs à cheval et hussards), vinrent combler les vides entre des armées étirées.
Dans la poursuite qui suivit, le capitaine Jenners, du 3e hussards, s’empara du drapeau d’un régiment de landwehr. Du 8 au 10 septembre, la 5e division de cavalerie exécuta un raid sur les arrières de l’armée allemande. Avec ses 2 000 cavaliers, ses mitrailleuses et ses canons (un groupe de 75 attelés), elle surgit entre La Ferté-Milon et Soissons, affolant les colonnes en marche, fantassins ou ravitaillement. L’escadron Wallace fait sauter 15 camions, en pleine forêt de Villers-Cotterêts ; l’escadron de Ravinel cueille 70 prisoniers. L’escadron du lieutenant de Gironde attaque de nuit, à la lance, un parc d’aviation, près de Montigny-Lengrain, à 50 kilomètres au nord de l’Ourcq et du front de bataille. Le chef est tué avec 25 de ses hommes, mais l’effet sur le général von Kluck est considérable. Craignant d’être tourné, il précipite sa retraite ‘. Pendant la course à la mer, les efforts demandés aux chevaux les crevèrent d’épuisement. Dans les journées glacées de l’automne, les cuirassiers aux lourds manteaux bleus couverts de neige rappelaient ceux de la retraite de Russie, dont ils conservaient presque l’uniforme.
L’offensive du 25 septembre 1915 en Champagne fut le chant du cygne de la cavalerie. Dans l’espoir, si souvent démenti, de la percée, on avait massé dans les villages crayeux que traversaient de minces rivières où s’abreuvaient les chevaux, 3 corps de cavalerie qui devaient exploiter le succès. Ils ne servirent malheureusement à rien, mais parfois « séchèrent sur le fil », suivant la macabre expression d’alors. Car, dans les instructions destinées à la cavalerie et inspirées des combats du début, les cavaliers devaient être prêts à charger « par-dessus les boyaux et les tranchées ». Par chance, les chevaux de 2 escadrons du 5e hussards, ainsi lancés le 27 septembre 1915, affolèrent les défenseurs, qui avaient arrêté de leurs mitrailleuses le 160e d’infanterie, et 600 Allemands se rendirent aux cavaliers.
Le 29 septembre, le 11 e chasseurs à cheval, placé derrière le VIIe corps pour le dépasser et poursuivre l’ennemi, se borna à une galopade meurtrière, stoppée devant la deuxième ligne par des barbelés intacts ; les survivants mirent pied à terre pour combattre avec l’infanterie ; ils y perdirent la moitié de leurs chevaux et le quart de leurs hommes.
Depuis lors, le destin de la cavalerie fut d’être démontée et de combattre à pied. Son sort se confondit avec celui de l’infanterie, où de nombreux officiers et sous-officiers de cavalerie en surnombre étaient déjà venus remplacer les cadres décimés. Ils y apportèrent souvent les allures élégantes et le panache qui caractérisaient leur arme. Une des deux divisions de cuirassiers à pied se distingua dans un des secteurs les plus difficiles et, du 7 au 9 mai 1918, reconquit magnifiquement le moulin de Laffaux.
Enfin et surtout la cavalerie allait fournir de précieux éléments à une arme qui contribua grandement à l’issue victorieuse de la guerre : l’artillerie d’assaut, l’A.S., la future arme blindée.
Si l’homme des chars de 1917 et 1918 fut un combattant d’exception, il en est de même de l’aviateur, ex-fantassin, cavalier ou artilleur, détaché de son unité pour une mission qu’on crut d’abord de peu de portée. A partir de 1916, l’aviation prit une part considérable aux événements. Ceux qui en firent partie menèrent, au reste, une vie bien particulière et si différente (oh combien !) de la vie quotidienne du simple « biffin », qu’elle ne saurait être traitée dans une vie quotidienne des soldats.