Carrier est un coupable condamné d'avance

Tout est anormal dans cet interminable procès, dont le déroulement montre à quel point il était difficile, après la Terreur, d’en revenir à l’état de droit et à des pratiques judiciaires normales.

Carrier, un coupable condamné d'avance

Tout est anormal dans le procès de Carrier qui est condamné d'avance

Il n’y a pas eu d’instruction préalable, à l’exception d’une hâtive collecte de témoignages par la Commission des 21, quand la Convention eut décidé de mettre en cause Carrier lui-même. Il n’y a pas eu non plus interrogatoire individuel des accusés. On n’a même pas cherché à cerner les faits : le président s’est embrouillé piteusement dans la chronologie des noyades et sur le nombre des victimes. Le Tribunal, en accord avec la Convention et le Comité de sûreté générale, qui suit l’affaire de très près, refuse à Carrier les moyens légaux de se défendre. Vainement demande-t-il le délai d’une décade pour préparer sa défense. Vainement tente-t-il de récuser le Tribunal et certains jurés. Vainement sollicite-t-il la comparution d’officiers comme témoins à décharge ; vainement demande-t-il à se défendre lui-même : on lui nomme un avocat d’office, qui ne fait que balbutier.
A l’exception de l’accusé lui-même, personne ne semble s’être avisé que certains faits reprochés à Carrier, la noyade de Bourgneuf, le massacre de Bouguenais, étaient postérieurs à sa mission à Nantes.
Il était, certes, coupable, mais un coupable condamné d’avance ; les derniers Montagnards, après avoir tenté de le sauver, l’avaient abandonné à son sort. Comble d’ignominie, Carrier fut condamné pour avoir agi dans des intentions contre-révolutionnaires. Cette thèse extravagante, qui avait beaucoup servi sous la Terreur, fut reprise, avant même le jugement, par un obscur député de Seine-et-Oise qui, dans une brochure intitulée Motifs de l’acte d’accusation contre Carrier , chercha à faire passer celui-ci pour un ennemi juré de la République.

Tous les habitants de Nantes savaient

Peut-être s’étonnera-t-on qu’une ville telle que Nantes ait accepté, sans soulèvement, cet inexplicable et inutile retour à la barbarie. Si quelque leçon devait sortir d’une si funèbre histoire, sur laquelle Napoléon, à Sainte-Hélène, se refusait d’arrêter sa pensée, il la faudrait tirer de cette néfaste docilité : quatre-vingt-dix mille honnêtes gens courbaient la tête devant une cinquantaine de coquins subalternes déchaînés et tenus en haleine par une dizaine d’énergumènes.
Cette proportion explique toutes les tyrannies. En cultivant la peur, on récolte la lâcheté, de même qu’on produit l’héroïsme en propageant l’esprit de noble abnégation. Or, sous Carrier, les Nantais avaient peur : Renard, le maire de la ville, le reconnut plus tard, sans autre honte. « Sans doute, disait-il, j’ai entendu parler des noyades, comme tous mes concitoyens; mais nous étions comprimés par la terreur… On se contentait de gémir en secret… »
Oui, tous les habitants de Nantes savaient à quoi s’en tenir et tous se taisaient : magistrats : généraux, bourgeois, peuple, soldats, riches, pauvres et les représentants qui traversaient la Bretagne, et le Comité de salut public, et la Convention tout entière, préféraient croire (ou faire semblant) que ces expéditions étaient des accidents, pour ne pas avoir à s’en indigné

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