A 21 ans, quand ma mère est morte, j’ai décidé d’émigrer. Je ne supportais plus l’Allemagne. […] Et je me sentais coupable des crimes commis pendant la guerre. Je suis partie aux Etats-Unis. J’ai eu la chance d’être embauchée au Metropolitan Opera, comme danseuse. […]
Un jour, j’étais sur scène, nous répétions La Flûte enchantée et les lumières se sont allumées. La musique s’est éteinte. La voix du régisseur a retenti, au fond de la salle : « Kennedy vient d’être assassiné. » Ça a fait l’effet d’une bombe parmi les danseuses. Kennedy était un héros. Il était beau, nous étions toutes amoureuses de lui. On s’est rué sur un poste de télé, devant lequel on a passé trois jours. Je me souviens des images de Jackie Kennedy en veuve éplorée, habillée de noir, avec ses deux enfants. Pour moi, Kennedy était un président intouchable, surtout parce qu’il s’était engagé dans la lutte contre le racisme.
Dans la troupe, il y avait un ténor noir, une célèbre cantatrice noire, Leontyne Price, et trois chanteuses noires dans le choeur. J’étais très amie avec eux. Un an auparavant, lors d’une tournée au Minnesota, nous logions dans un grand hôtel. Je voulais profiter de la piscine et j’ai proposé à deux chanteuses du choeur de m’accompagner.
« Katharina, on ne peut pas.
Pourquoi ?
Parce que les piscines sont interdites aux Noirs.»