Cette défaite marque une révolution dans l’art de la stratégie guerrière, puisque pour la première fois, la piétaille avait vaincu la chevalerie.
Crécy c’est la défaite de la meilleure cavalerie féodale, celle de France, par la piétaille des archers gallois.
Pas de quartier !
Les blesses sont achevés à la dague par les coutiliers anglais, des soldats armés d’une épée courte. Edouard III n’a pas les moyens matériels d’acheminer les prisonniers de haut rang jusqu’en Angleterre pour ensuite réclamer une rançon. Les Français sont choqués par cette violation des lois chevaleresques. Cette décision explique le grand nombre de nobles français morts à Crécy.
Le roi Philippe a eu deux chevaux tués sous et une flèche l’a blessé au visage. La nuit venue, voyant la bataille perdue, il a voulu se jeter au milieu des combats, préférant la mort au déshonneur de la défaite, mais les barons l’ont retenu. Sur leur prière instante, il s’est résolu à l’inévitable, i la fui afin d’éviter d’être prisonnier. Quand il quitte le champ de bataille, le roi de France n’a plus auprès de lui que quelques chevaliers. Galopant dans la nuit le roi gagne le château de Broye. Le lendemain, il a connaissance de l’étendue du désastre. Le désespoir au cœur il se retire à l’abbaye de Moncel. il y demeurera plusieurs jours, cherchant dans la solitude, l’oubli de l’épreuve qu’il vient de subir.
On se battait encore dans l’obscurité ; des piétons couraient, se pourchassaient sur la pente où, parfois, luisaient leurs armes. Le sol gorgé de sang se gonflait de brumes roussâtres. Des cris joyeux roulaient de Crécy à Wadicourt, alternant avec les hurlements des derniers corps à corps. Et la pluie, cette fois, se mit à tomber, forte, dure, crépitant sur les fers sans pouvoir les laver.
Dans les prés, les piétons de France hurlaient à la défaite et à la trahison tout en refluant vers Saint-Riquier et Abbeville. D’autres, égarés, mais voyant luire une voie pavée de place en place, s’engageaient sur la chaussée de Brunehaut, titubants, saouls d’horreur et de fatigue. Bien avant le début de la bataille, depuis la retraite de Rouen et le coupable abandon du pont de Poissy, ils n’avaient pas douté, eux, de l’inconstance du roi de France et de sa faillibilité.
Désormais, elles leur paraissaient éclatantes. Et sans doute leur déception et leur mépris s’assortissaient-ils d’une haine immense, inguérissable, envers ces vaincus que leur hautaineté et leur rage homicide avaient poussés à occire, pour hâter leur « victoire », des centaines de bons et hardis compagnons.
Avec l’aimable autorisation des éditions Aubéron
La mort du roi de Bohême, Jean de Luxembourg, est pathétique : bien qu’aveugle, il a tenu à participer à la bataille et il a fait attacher son cheval à ceux de ses chevaliers. Malgré son infirmité, il fit partie des chevaliers qui parvinrent jusqu’aux lignes anglaises, donnant de furieux coups d’épées, bien qu’un des chroniqueurs ait dit « qu’en raison de sa cécité, le Roi occit autant de ses propres hommes que d’Anglais » ! Le lendemain, on retrouva son corps lié à ceux de ses compagnons qui l’escortaient.
Le lendemain, on compte parmi les morts plusieurs centaines de chevaliers, et le propre frère du roi. Ce spectacle n’émeut guère Edouard III. En revanche, quand il découvre Jean l’Aveugle agonisant, il ne peut masquer sa douleur. Après l’avoir fait soigner en vain, le roi d’Angleterre ordonne qu’on chante une messe de Requiem en son honneur, et qu’on traite son corps avec respect, il sera plus tard enterré dans l’abbaye luxembourgeoise de Neumünster. Une légende tenace et sans doute fausse veut que le Prince Noir ait adopté, après Crécy, la devise du roi de Bohême : « Ich dieu » (je sers) et son emblème (trois plumes d’autruche), qui servent encore aujourd’hui aux princes de Galles. Cette légende prouve en tout cas dans quelle estime on tenait « le bon roi de Bohême », modèle de toute chevalerie. Car cette charge aveugle, irraisonnée, exemple même d’un suicide pour l’honneur, symbolise la quintessence de l’esprit chevaleresque et la bataille de Crécy.