Recherche du bien-être ou effet de mode, la balnéothérapie connaît aujourd’hui un engouement certain. Déjà, au Moyen Age, hommes et femmes se baignent, discutent, mangent dans un mélange de soins du corps, de sociabilité et de galanterie.
Les bains communs restent appréciés durant tout le Moyen Age. Charlemagne, qui séjournait volontiers dans les villes de cure, invite ses amis dans sa piscine d’Aix-la-Chapelle, et quelquefois même les soldats de sa garde, ajoute Eginhard, de sorte que souvent cent personnes et plus se baignent à la fois. Le maillot n’avait alors pas lieu d’être. Notons qu’ici aussi, il suffit pour sauvegarder la morale que la séparation des sexes soit assurée. Personne ne s’offusque de la nudité commune, pourvu qu’elle ne rassemble que des hommes, ou des femmes.
Les statuts des étuveurs de Paris donnés par le prévôt le 11 février 1399 fixent, par exemple, le prix payé par le client pour le drap. Il est donc permis de ne pas en vouloir !
A Baden, en 1415, les femmes se baignent nues, mais dans une piscine séparée des hommes. Ceux-ci, raconte le Pogge, peuvent cependant y accéder revêtus d’un drap de lin. Dans d’autres bassins, les femmes portent un vêtement si lâche qu’il ne cache pas grand-chose. Depuis la galerie, quelques hommes leur lancent des pièces pour voir s’entrouvrir leurs vêtements. Le drap semble donc le premier vêtement mentionné en ces lieux.
Dans la culture monastique du haut Moyen Age, le bain n’a pas vraiment bonne réputation. Saint Benoît, fondateur de la règle bénédictine, conseille aux membres de la communauté de ne pas trop en user car ses délices conduisent facilement à la perversion et au péché. Il faut donc se baigner au maximum une fois par semaine.
Plus tard, chez les clunisiens, la pratique n’est conseillée que deux fois par an, à Noël et à Pâques. La toilette personnelle n’est pas une préoccupation première des moines qui se consacrent entièrement à la méditation et à la prière, évitant ainsi toute tentation de coquetterie et n’accordant au corps qu’une fonction physiologique primaire.
Pourtant, Le recours au bain ne cesse de se développer. Les habitudes et les lieux se diversifient. Il y a tout d’abord le bain privé que l’on prend chez soi à condition, bien sûr, d’en avoir les moyens. Modeste ou luxueux, il fait partie intégrante de la maison ; il est normalement installé dans la chambre, près du lit et près de la cheminée afin de profiter de la chaleur ambiante.
Le récipient peut être rond ou rectangulaire, de petite ou de grande dimension, en bois, en métal, en argent ou même en or, chez les plus fortunés.
Froissart, par exemple, raconte dans ses Chroniques que le comte de Flandre dispose d’une superbe baignoire en argent et en or. Les registres du roi René d’Anjou font état, entre 1451 et 1481, d’au moins cinq baignoires dans son château d’Angers. Toujours dans les milieux aristocratiques, le bain peut avoir des formes plus sophistiquées et être amélioré par certains éléments qui en enrichissent le confort : des dais de velours installés tout autour pour une meilleure conservation de la chaleur.
On se baigne seul, à deux ou même à plusieurs. L’eau est chauffée sur des poêles puis versée dans la cuve. On utilise du savon, et on n’hésite pas à parfumer l’eau en y introduisant des plantes, des fleurs et des sels, ce qui procure une sensation olfactive des plus agréables.
De précieuses enluminures, comme celles qui illustrent les manuscrits de Valère Maxime, auteur romain des Faits et dicts mémorables, montrent la grande diversité des usages. On y voit des hommes et des femmes qui se baignent, discutent, mangent aussi, dans un mélange sulfureux de soin du corps, de sociabilité et de coquetterie. Les médecins répètent l’importance d’une hygiène corporelle pour le maintien d’une bonne santé. Les petits enfants, en particulier, doivent être lavés avec régularité trois fois par jour, en les frottant délicatement, dans une eau ni trop froide ni trop chaude.
Métier à part entière, la gestion de l’étuve est soumise à des règlements et des ordonnances précises sous contrôle du prévôt de Paris. Dans le Livre des métiers d’Etienne Boileau, composé vers 1268, qui recense tous les métiers exercés en ville, un chapitre est dédié exclusivement au métier d’étuveur : Quiconque veut être estuveur en la ville de Paris, il peut l’être franchement, pour tant qu’il œuvre selon les us et les costumes du métier, faites par l’accord commun qui sont les suivantes.
Cinq rubriques réglementent son exercice : on ne peut « crier les étuves », autrement dit, on ne peut pas faire d’annonce publique pour telle ou telle maison tant que le jour n’est pas levé ; il est également interdit de faire fonctionner les étuves le dimanche, jour consacré au Seigneur, ni aucun autre jour de fête. Le prix est fixé : le client doit s’acquitter d’une entrée de deux deniers. L’utilisation des bains chauds coûte plus cher car ils nécessitent de grandes quantités de charbon ou de bois. Tous ceux qui ne respectent pas ces obligations doivent payer une amende de dix sous parisis.
Dans les étuves urbaines, on ne fait pas que se laver, transpirer et se relaxer au chaud. Les étuveurs donnent aussi à manger et à boire aux baigneurs sur des planches de bois permettant ainsi de consommer tout en demeurant dans l’eau. Ces étuves, comme les tavernes, sont des lieux de grande sociabilité.
Le bain devient habituel, et doit être aussi fréquent que la confession ou la messe.
Le bain devient habituel, et doit être aussi fréquent que la confession ou la messe.