L'esclave, une main d'oeuvre soumise et peu coûteuse.

La case de l’oncle Tom, un best-seller qui dérange.

Harriet Beecher Stowe, l’auteur de La Case de l’oncle Tom, est mise en contact direct avec l’esclavage lorsque son père, le célèbre et excentrique prédicateur congrégationaliste Lyman Beecher, quitte Boston pour la présidence d’un séminaire de théologie à Cincinnati dans l’Ohio, un Etat frontière avec le Kentucky esclavagiste. Si chez des amis planteurs, elle voit des esclaves bien traités, dans le Middle West, elle est confrontée aux méfaits des lois sur les esclaves fugitifs qui interdisent à toute personne de race noire, libre ou non, l’entrée sur leur territoire.

Bien qu’en 1849, l’Ohio ait abrogé sa propre loi d’exclusion, les esclaves en fuite y sont mal reçus et certains habitants n’hésitent pas à prêter main forte aux chasseurs d’esclaves. Pour une protestante évangélique comme Harriet Beecher Stowe, l’idée même de l’esclavage est source d’horreur.
Mais si les Beecher sont farouchement opposés à l’esclavage, ils sont néanmoins hostiles aux abolitionnistes, persuadés que le fanatisme tue les causes les plus justes.

C’est sans doute la modération de Harriet dans l’indignation, sa sentimentalité dans le pathétique, qui fera le succès de La Case de l’oncle Tom, roman sur la condition des esclaves qu’elle écrit après avoir quitté l’Ohio pour le Maine. Il paraît d’abord en feuilleton en 1851 ; puis en livre en 1852. En un an, 300000 exemplaires sont vendus,rien qu’aux Etats-Unis. Dix ans plus tard, les ventes ont dépassé les deux millions d’exemplaires. Dans le Sud, en revanche, on dénoncera avec véhémence les «mensonges» et les «déformations» de l’auteur. Le New Orleans Crescent écrira: «Jamais on n’avait encore vu chez les femmes quelque chose d’aussi détestable, d’aussi monstrueux.»

Les Etats-Unis naissent dans l'ambiguïté

La Constitution fédérale des Etats-Unis, élaborée en 1787, reconnaît l'existence de l'esclave

En 1790, pour la première fois dans son histoire, la jeune république des États-Unis procède au recensement de sa population. Elle compte 3 929 214 habitants. Parmi eux, 19,3 % sont noirs; un sur cinq. Sur ces 757 181 Noirs, 697 624 figurent sous la rubrique « esclaves », dont 90 % vivent dans les États du Sud.
Des statistiques surprenantes, si l’on songe que, d’après la Déclaration d’indépendance, tous les hommes naissent égaux, […] leur Créateur les a dotés de certains droits inaliénables, parmi lesquels la vie, la liberté et la recherche du bonheur.
Il est vrai que la Constitution fédérale, élaborée en 1787, reconnaît l’existence de l’esclavage, fixe aux trois cinquièmes d’un Blanc le poids politique d’un Noir, et attribue au Congrès le droit d’adopter des lois protégeant les propriétaires des esclaves fugitifs. Bref, les Etats-Unis naissent dans l’ambiguïté.

L'esclave est indispensable car l'Amérique manque de bras

L'esclave est indispensable car l'Amérique manque de bras

Et l’on comprend pourquoi. L’esclavage est indispensable à la mise en valeur du pays. Les bras manquent. Il faut les importer quels que soient les moyens. Les tout premiers colons ont songé à faire travailler les Indiens. Peine perdue! La résistance des Natives (indigènes) est telle, leur rendement si faible qu’aucune plantation, comme on dit à l’époque, ne saurait prospérer grâce à leur travail.
Reste des solutions radicales et coûteuses. Démontrer, par exemple, aux Anglais, aux Gallois, aux Écossais, aux Allemands, à des huguenots français que, de l’autre côté de l’Atlantique, existe une Terre promise où coulent le lait et le miel. Faire signer aux plus pauvres un contrat à indenture. Ces serviteurs sous contrat conservent leurs droits d’hommes libres, mais pendant une période qui varie entre un et sept ans, ils cèdent leur force de travail à leur maître. En contrepartie, ils traversent gratuitement l’océan, reçoivent nourriture et abri, recouvrent ensuite leur totale liberté, et pourront à leur tour bâtir une maison, exploiter une propriété, vivre comme n’importe quel colon. Somme toute, ils ont choisi la servitude et savent qu’elle ne durera pas. Ce n’est pas le cas des Africains.

L'esclave peut être vendus et revendus

Raflés sur les côtes du Ghana, du Sénégal ou de la Guinée par des intermédiaires eux aussi africains, ils sont vendus à des négriers blancs qui viennent commercer dans les ports de l’Atlantique. Le trafic rapporte gros. Les Hollandais, les Anglais, les Français, les Portugais, les puritains du Massachusetts engrangent des bénéfices impressionnants.
Entassés sur des bateaux rudimentaires, les fers aux pieds, les Noirs endurent une traversée éprouvante, avec pour seule perspective d’être vendus et revendus, une fois qu’ils auront gagné le Nouveau Monde. Certes, les négriers ne souhaitent pas qu’une partie de la cargaison, donc des marchandises, disparaisse à la suite des mauvais traitements. Ils estiment qu’ils peuvent supporter 10 % de pertes. La proportion correspond, bon an mal an, à celles que subissent les bâtiments pour immigrants blancs. Ce n’est pas un génocide. C’est une déportation au plein sens du terme.

l'esclave est une main-d'oeuvre soumise et peu coûteuse

Au début, les colons américains placent les Africains dans la même catégorie que les serviteurs sous contrat ou les condamnés de droit commun dont la métropole se débarrasse. Puis, dans la seconde moitié du XVIIe siècle, ils cessent de croire, ou de faire semblant de croire, qu’un Noir puisse avoir vocation à la liberté.
De la Virginie à la Géorgie, sans oublier les Carolines, ils ont besoin d’une main-d’oeuvre soumise, peu coûteuse, capable de résister au climat subtropical. Les Noirs cultivent le tabac, le maïs, la canne à sucre, voire le chanvre et le lin. Ils servent aussi de domestiques. En revanche, au nord de la Virginie, de Philadelphie à Boston, la main-d’oeuvre des hommes libres suffit, encore que beaucoup tirent parti de la traite.

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