Pour l’armée allemande, cette chute brutale de température, inhabituelle à la fin de novembre, même en Russie, constitua une véritable tragédie.
L’offensive en direction de Moscou redémarra le 16 novembre à l’aube, sous un ciel « ni bleu ni gris, étrangement cristallin, très lumineux, mais dépourvu de chaleur et de poésie ». Les premiers jours, l’espoir remonta au zénith. Les panzers semblaient avoir retrouvé leur grand style. Au nord, le 3′ groupe blindé de Reinhardt, qui avait remplacé Hoth, pénétra dans Klin, le 23 novembre. Quarante-huit heures plus tard, Istra tombait et, le 29 novembre, la 7° panzers lança deux têtes de pont sur le canal Volga-Moscou.
La branche nord de la tenaille n’était plus qu’à 45 kilomètres du coeur de la capitale. Au sud, Guderian accomplissait lui aussi un effort considérable. Contournant, par l’est, Toula, transformée en forteresse, il tentait de se frayer un chemin vers les passages de l’Oka.
Ainsi, à fin novembre, une pression énorme se manifestait au nord et au sud de la capitale. Mais la résistance russe était acharnée et le froid, attendu comme un allié par le commandement allemand, favorisait le camp adverse ! Au début de l’offensive, le thermomètre oscillait autour de — 15 °C, mais au bout d’une dizaine de jours, on enregistra des — 20, — 25 et bientôt même des — 30 et — 35 °C. Pour l’armée allemande, cette chute brutale de température, inhabituelle à la fin de novembre, même en Russie, constitua une véritable tragédie. Par suite des insuffisances des transports, les troupes ne purent recevoir ni vêtements chauds ni antigel pour les véhicules. De jour en jour, le nombre de cas de gelures se mit à augmenter dans des proportions catastrophiques, s’ajoutant à une terrible épidémie de dysenterie.
« Il faut avoir vu, devait écrire Guderian, pendant cet abominable hiver, l’immensité russe ensevelie sous la neige à perte de vue et balayée par les vents glacés qui effacent tout sur leur passage ; avoir marché et conduit pendant des heures à travers ce no man’s land, pour n’aboutir qu’à un abri médiocre, avec des hommes insuffisamment couverts et à demi affamés, et avoir aussi réalisé quel contraste il y avait entre nos soldats et les Sibériens bien nourris, chaudement vêtus et parfaitement équipés pour se battre en hiver ; il faut avoir connu tout cela pour se permettre de juger les événements. »
Le 1er décembre, l’offensive était au point mort. Par un froid très vif, les armes refusaient de fonctionner, l’essence synthétique gelait, le caoutchouc devenait friable, les moteurs s’obstinaient à ne plus vouloir démarrer. Il fallait couper le pain à la hache. Ce jour-là, Bock écrivit à l’O.K.H. : « Un succès stratégique paraît fort improbable. Poursuivre l’offensive semble donc aussi insensé qu’inutile, d’autant que le moment approche où nos troupes seront complètement épuisées. » Le dernier sursaut eut lieu les 2 et 3 décembre. Dans un effort surhumain, les panzers réalisèrent encore quelques progrès. Au nord, certains éléments de Reinhardt arrivèrent dans les faubourgs nord de Moscou, au terminus de la ligne de trolleybus, et purent voir les coupoles du Kremlin. A l’ouest, les troupes de Kluge arrivèrent également à proximité des lisières de la ville, mais ne purent aller plus loin.