La différence entre les équipements d’hiver russes et allemands joue un rôle véritablement écrasant dans l’issue de la bataille. Moscou est sauvée. L’Allemagne a cessé d’être invincible. Adolf Hitler a perdu sa bataille de Moscou pendant l’hiver 1941.
Cette différence entre les équipements d’hiver russes et allemands joue un rôle véritablement écrasant dans l’issue de la bataille. Ce n’est d’ailleurs pas seulement une question d’ordre purement physique, mais aussi psychologique : le froid annihile l’esprit d’initiative du soldat allemand, ainsi que l’écrit un médecin de la 276.
Lâché dans cette nature sauvage. le Russe se sent chez lui. Donnez-lui une hache et un couteau: en quelques heures, il aura fait des tas de choses, un traîneau, un brancard, un petit igloo (…) un poêle avec deux vieux bidons d’huile. Nos hommes restaient lamentablement inertes, debout, à se chauffer autour d’un récipient dans lequel ils faisaient brûler de l’essence, pourtant bien précieuse. La nuit, ils se tassaient tous dans les rares isbas qui tenaient encore debout. Plusieurs fois nous trouvâmes des sentinelles qui s’étaient endormies et qui étaient littéralement mortes de froid.
C’était aussi la nuit que se manifestait le plus souvent l’artillerie russe : elle tirait sur les villages et provoquait de lourdes pertes; les hommes préféraient pourtant ne pas se disperser, de peur d’être ramassés par des cavaliers, réguliers ou partisans.
Au sud du front d’attaque, Guderian a encore essayé de faire tomber le pilier de Toula. Le 4 décembre, son 43° corps l’encercle totalement et sa chute ne peut plus être qu’une question d’heures. Mais Guderian sent imminente la contre-offensive russe. De gros rassemblements sont signalés sur l’Oka et des débarquements sont en cours sur la ligne de Riazan. Si ces masses tombent sur la II° armée blindée distendue et épuisée, elles peuvent la disloquer et la détruire.
Le soleil du dimanche 6 décembre, 168° jour de la campagne de Russie, se lève dans un ciel miraculeusement débarrassé de sa chape de plomb. Toute la plaine est du cristal. Les grandes forêts de bouleaux et de sapins étincellent sous leurs capuchons de givre. Mais jamais il n’a fait aussi froid.
A Yasnaia Poliania, le thermomètre accroché à l’extérieur de la maison de Tolstoï est tombé à —50°C. Guderian n’hésite plus. Il appelle au téléphone von Bock et lui annonce qu’il donne à son armée l’ordre d’évacuer le saillant de Toula.
Suspendu entre une bataille perdue et un Führer terrifiant, Bock essaie d’atermoyer. Il demande à Guderian de se rendre au front pour juger sur place avant de prendre une décision aussi grave.
— Vous me croyez à Orel répond Guderian ; je suis à Yasnaia Poliania et l’on se bat à côté de mon P.C…
Au même moment, comme si une télépathie existait entre les conducteurs de blindés, Hoeppner suspend également son offensive, décide de ramener son groupement sur l’Istra. Aux portes de la capitale ennemie, les Allemands font demi-tour ! Retraite coûteuse. Des centaines de chars et de camions sont immobilisés faute d’essence ou cloués au sol par le gel : il faut les faire sauter.
Dans les unités hippomobiles, on manque d’attelages et il est indispensable de sacrifier une partie du matériel pour sauver l’autre. Du 6 au 12 décembre, les Russes prendront 386 chars, 704 tracteurs, 305 canons, etc.
Le temps clair ne dure pas, le ciel se recouvre, le vent se relève, les soldats allemands s’en vont par petits groupes, l’arme à la bretelle, au milieu de l’espèce de crépuscule dont la poussière de neige emplit les heures du jour. Le terrible précédent qui n’a cessé de hanter les esprits depuis le début de la campagne s’impose avec une force hallucinante. La deuxième retraite de Russie est commencée.
Moscou est sauvée. L’Allemagne a cessé d’être invincible. Adolf Hitler a perdu sa bataille de Moscou, sa guerre de Russie, sa guerre tout court.