Les délinquants dans les prisons de l'Ancien Régime!

L’ère des réformes
En France, la Constituante, tout en réorganisant l’appareil judiciaire et en élaborant un nouveau Code pénal, tenta d’améliorer les conditions matérielles de l’emprisonnement (on sait pourtant ce que devinrent les prisons au temps de la Terreur). Sous le Premier Empire, le code napoléonien prévoyait, en dessous de la peine de mort et des travaux forcés, des peines de réclusion « pour cinq ans au moins, vingt ans au plus ». La prison était devenue punition légale.

Jeunes filles perverses, paresseuses ou rebelles

En 1656, la police de Louis XIV s’avisa que le nombre de mendiants, vagabonds et autres hères sans ressources se multipliait de façon dangereuse à Paris. On créa pour eux une sorte de lieu d’accueil appelé l’Hôpital général. Ce renfermement ne se fit pas sans difficultés. Sur quarante mille miséreux, cinq mille environ acceptèrent cet hébergement forcé. Les autres préféraient de beaucoup conserver leur liberté et s’ingénièrent à échapper aux archers du roi. A la fin du règne, l’Hôpital général comptait entre ses murs environ dix mille individus des deux sexes.
Parmi les divers établissements, le plus important était l’hospice de la Salpêtrière où l’on recevait les ménages de vieillards, les femmes seules et les jeunes filles sans foyer. Il existait même un bâtiment pour les folles. En 1684, la Salpêtrière devint réellement une prison : on y enferma les femmes condamnées en justice, les prostituées, ainsi que, sur la demande de leurs parents, les jeunes filles perverses, paresseuses ou rebelles.

Les prostituées dans les prisons de l'Ancien Régime

De nouveaux quartiers furent construits : les Communs pour les prostituées, la Correction pour les adolescents susceptibles de s’amender, la Prison ou la Grande Force pour les femmes condamnées à temps ou à perpétuité. Les grandes criminelles étaient enfermées (et parfois enchaînées) dans des cachots de 1,50 m sur 2 m. L’air et la lumière arrivaient par une lucarne de 30 cm, munie de solides barreaux. Le seul mobilier consistait en des montants de bois sur lesquels était jetée une paillasse. En 1758, trente détenues s’évadèrent, lors de la réfection d’un égout.
Les jeunes filles envoyées en pénitence par leurs familles jouissaient de cellules individuelles. Elles pouvaient se promener dans la cour. On leur apprenait un métier, généralement la couture. Les parents payaient pour elles une petite pension, faute de quoi elles devaient se contenter de la médiocre nourriture des pauvres de l’hospice. Leurs seules distractions étaient… la prière et la lecture à haute voix de livres pieux !
Les prostituées dormaient dans des dortoirs. On comptait un lit pour six détenues. En fait, quatre femmes y couchaient tête-bêche, les deux autres s’étendant par terre, à même le carreau nu. Ces femmes portaient une sorte d’uniforme : robe de bure grise, bas gris et sabots, bonnet rond cachant les cheveux coupés ras. Dans la journée, elles travaillaient en silence dans les dortoirs transformés en ateliers. Leur travail n’était pas rémunéré. Leur nourriture consistait en potage, pain et eau, parfois un plat de lentilles et un peu de viande le dimanche.
On imagine l’état d’esprit des malheureuses ainsi traitées, et les résultats d’une telle promiscuité pour les moins dépravées, celles qui auraient pu être récupérables. Il faut ajouter que l’hygiène était lamentable : les détenues souffraient du scorbut, de la gale, sans parler des nombreuses épidémies qui, de temps à autre, sévissaient.

Jeunes et vieux délinquants dans les prisons de l'Ancien Régime

Jeunes et vieux délinquants et malandrins condamnés par la justice dans les prisons de l'Ancien Régime

Si les femmes menaient triste vie à la Salpêtrière, les hommes n’étaient pas plus heureux à Bicêtre. A côté de l’hospice qui abritait vieillards, malades, paralytiques, déments, une prison d’État y avait été aménagée. Elle comprenait divers quartiers.
La Correction était réservée aux garçons encore mineurs, enfermés par ordre du lieutenant de police et sur la demande des parents ou des tuteurs pour expier quelque mauvais coup. Les plus jeunes (à partir de treize ans) couchaient en dortoirs, les aînés dans des loges individuelles. Ils travaillaient treize heures par jour sous la férule de maîtres ou de sous-maîtres. Deux heures étaient consacrées à l’étude proprement dite (ils apprenaient à lire, écrire, compter), les onze autres à des travaux manuels.
La discipline était très stricte, les manquements punis de fouet. Un règlement rappelait aux maîtres leurs devoirs envers les jeunes délinquants :
« On les fera travailler aux ouvrages les plus rudes que leurs forces et les lieux où ils seront le pourront permettre et, en cas qu’ils donnent sujet par leur conduite de juger qu’ils veulent se corriger, on leur fera apprendre autant que possible des métiers convenables à leur sexe ou à leur inclination, et ils seront traités avec douceur à mesure qu’ils donneraient les preuves de leur changement. »
En fait, la plupart du temps le remède ne faisait qu’empirer le mal, et l’on vit souvent des adolescents se dévoyer au contact des gibiers de potence.
Dans la prison proprement dite, étaient groupés les malandrins condamnés par la justice. Les prisonniers non dangereux couchaient dans trois grands dortoirs, pouvant contenir chacun soixante-dix détenus. Ils avaient des paillasses avec des couvertures. Vêtus d’une veste et d’une culotte de laine grise, chaussés de sabots, un bonnet sur la tête, ils travaillaient pendant le jour, soit à polir des glaces de Saint-Gobain (ils touchaient alors un petit salaire), soit à faire monter l’eau d’un grand puits à l’aide d’une mécanique.

De la paille, de l'eau et du pain

Au XVIIIe siècle, on créa à Bicêtre pour certains prisonniers au secret des cabanons, cellules de 2,50 m sur 2 m, pourvues d’une fenêtre grillagée. Le détenu n’en sortait qu’une fois par mois, le temps de se faire couper les cheveux. Sa nourriture était passée à travers un guichet. Il pouvait s’occuper à la fabrication d’objets en paille, travail qui était rémunéré.
Enfin, les grands criminels non condamnés à mort étaient incarcérés dans des cachots blancs ou noirs, selon le dégré de culpabilité. En 1770, Malesherbes qui visita les « noirs » fut horrifié.
« Ces cachots sont tels qu’il semble qu’on se soit étudié à ne laisser aux prisonniers qu’on y enferme qu’un genre de vie qui leur fasse regretter la mort. On a voulu qu’une obscurité entière régnât dans ce séjour. Il fallait cependant laisser entrer l’air nécessaire à la vie : on a imaginé de construire sous terre des piliers percés obliquement dans leur longueur et répondant par des tuyaux qui descendent dans le souterrain. C’est par ce moyen qu’on a établi quelque communication avec l’air extérieur sans laisser aucun accès à la lumière. Les malheureux qu’on enferme dans ces lieux humides et infects sont attachés à la muraille par une lourde chaîne et on ne leur donne que de la paille, de l’eau et du pain. »
Le roi ordonna la fermeture définitive de tous ces cachots.

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