La loueuse de sangsues
Il fallait être dans la dernière nécessité pour accepter cette besogne dégradante et dangereuse. Les loueuses (il n’y avait pas d’hommes) allaient sur les berges de la Seine, aux endroits marécageux où elles savaient trouver des sangsues. La Seine n’était pas encore endiguée et les marais étaient nombreux.
Les loueuses retroussaient leurs hardes et s’enfonçaient dans l’eau jusqu’à mi-cuisses. Là, elles attendaient que les sangsues s’agglutinent sur leurs mollets ou leurs cuisses. Il fallait savoir se retirer à temps. Si la loueuse sortait trop tôt de l’eau, les sangsues se décrochaient ; si elle tardait trop, les sangsues pompaient tant de sang que la malheureuse risquait l’évanouissement et la noyade. Les accidents n’étaient d’ailleurs pas rares. Une fois sur la berge, une grêle de bubons noirs sur chaque jambe, il restait à les décrocher soigneusement en se frottant les jambes avec du gros sel ou du jus de tabac.
Les sangsues étaient alors enfermées dans une jatte. La loueuse s ‘en allait les vendre aux apothicaires, qui les utilisaient pour purger et soigner les malades ou pour préparer drogues et onguents. Il existait deux espèces de sangsues : les grosses, fort recherchées, et les petites, plus résistantes mais moins efficaces. Comme il se doit, les premières étaient d’un meilleur rapport et incitaient les loueuses à user d’un subterfuge. Lorsqu’elles ne pêchaient que de petites sangsues, elles gavaient leurs bestioles de sang frais, chez l’équarrisseur, puis s’efforçaient de convaincre l’apothicaire que ces sangsues énormes mais curieusement anorexiques étaient bien de premier choix !
Ce métier disparut progressivement, vaincu par l’usage des saignées et les progrès de la médecine.
Ces petits métiers disparus ou oubliés des villes
De l'arracheur de dents au vitrier, en passant par le rémouleur, la porteuse de pain et les chanteurs de rue, des petits métiers qui ont fait le quotidien des Français des siècles passés.