La fusillade du Champ de Mars en juillet 1791

La fuite du roi avait montré aux Parisiens que la nation pouvait très bien subsister sans monarque. Les révolutionnaires les plus avancés réclamèrent avec véhémence la déchéance de Louis XVI. Mais les modérés, partisan d’une monarchie constitutionnelle, n’entendaient pas renoncer à leur constitution. L’opposition républicaine fut, pour un temps, désorganisée par la fusillade du Champ-de-Mars.

La famille royale sous une surveillance étroite

Au retour de Varennes Louis XVI était comme destitué. L’Assemblée donna les consignes les plus strictes à la fois pour que la garde nationale protégeât sa personne et le tînt en surveillance étroite. Les Tuileries se transformèrent en camp militaire. Nul ne pouvait entrer dans le palais sans être fouillé. Ces mesures étaient à la fois rigoureuses, et insultantes à l’égard des personnes royales.
Les chefs de bataillon avaient l’ordre de se tenir dans les appartements mêmes, en particulier dans le salon qui précédait la chambre à coucher. Les portes devaient rester ouvertes, même la nuit, afin qu’ils ne perdissent jamais de vue le roi et la reine, surveillant constamment leurs actes et leurs entretiens. La reine obtint cependant que sa porte fût fermée pendant qu’elle se lèverait et s’habillerait. Il advint qu’un des officiers osât l’injurier. Mais d’autres, comme Saint-Prix, qui était acteur au Français, allégeaient les consignes autant qu’il leur était possible. Cependant, les anciens domestiques purent reprendre leur poste, parmi lesquels Mme Campan. La reine la chargea de sa correspondance avec certains députés, notamment Barnave.
Si, pendant le triste retour de Varennes, elle avait réussi à apprivoiser Barnave, il l’avait convaincue de la différence existant entre le parti constitutionnel, qui était le sien, et le parti républicain, celui de son collègue Pétion. Bref, Barnave était devenu pour elle une sorte de conseiller ; il prenait la suite de Mirabeau, mais il avait plus de séduction et savait inspirer confiance.

Louis XVI ... Le non lieu

La Constituante avait prescrit une enquête sur les événements de Varennes. Elle était à la vérité dans un grand embarras. Les clubs, notamment celui des Jacobins, réclamaient la destitution de Louis XVI. On ne pouvait interroger le roi ; c’eût été le traiter en coupable et l’on voulait l’épargner. Il fut entendu que trois commissaires entendraient sa déclaration. Louis s’en tira, pour une fois, habilement : il répondit ce qu’on attendait de lui et, fort probablement, suivit en cela les conseils secrets de Barnave. Il déclara qu’il n’avait pas voulu émigrer, mais gagner Montmédy, afin de se soustraire aux menaces et aux outrages des clubistes et, par là, prouver à l’Europe qu’il était libre de ses actes. Qu’à Montmédy, il comptait prendre les dispositions utiles pour pallier tout risque d’invasion. Quant à Marie-Antoinette, elle se contenta de répondre qu’elle avait suivi son mari, comme c’était son devoir. Le 30 juin, l’Assemblée reçut une lettre de Bouillé se déclarant seul auteur du voyage de Varennes et menaçant les députés de terribles sanctions au cas où les personnes royales subiraient des sévices. Bouillé se sacrifiait pour sauver le roi et la reine, en se donnant le rôle d’ennemi public. Il fournissait sans le savoir le prétexte que l’Assemblée recherchait.
La thèse qu’elle adopta fut que Louis n’avait pas agi de son propre chef, mais qu’on l’avait enlevé dans la nuit du 20 juin. La Constitution était presque achevée ; les députés n’avaient aucune envie de redéfinir le pouvoir exécutif, soit en abolissant la royauté, soit en désignant un autre prince ou régent. Ils préférèrent maintenir le principe d’une sorte de présidence héréditaire et garder Louis XVI. C’était une solution de facilité, mais sans doute aussi de sagesse, car abolir la royauté c’eût été déclencher une guerre civile. Louis XVI eut alors l’adresse de faire savoir qu’il adhérerait à la Constitution, puisqu’elle répondait aux voeux de la nation. Apprenant ces bonnes dispositions, les Jacobins s’acharnèrent à demander sa destitution pour abandon de poste.

La fusillade du Champ de Mars

La Fayette marcha sur le Champ-de-Mars avec quelques bataillons.

Les Jacobins contre-attaquèrent. Ils rédigèrent une pétition exigeant l’abdication et la déposèrent au Champ-de-Mars. Le lendemain, 17 juillet, douze d’entre eux se tinrent en permanence sur l’autel pour recueillir des signatures. Il y en eut six mille ! Une foule considérable s’était rassemblée pour les soutenir. C’était une insulte à l’autorité de l’Assemblée, mais aussi une épreuve de force. Une lettre du président invita la municipalité à proclamer la loi martiale. Une fois de plus, le drapeau rouge fut arboré à l’hôtel de ville.
La Fayette marcha sur le Champ-de-Mars avec quelques bataillons. La foule les nargua : la populace était, depuis deux ans, habituée à voir les fusils s’abaisser devant elle. Mais la bourgeoisie était, avec raison, alarmée; les gardes nationaux en avaient assez, fort mécontents d’être sous les armes par une chaude journée de dimanche; La Fayette avait entraîné Bailly qui, aussi bien, devait être là. Celui-ci fit déployer le drapeau rouge, enseigne de la loi martiale.
Une volée de pierres accueillit général, maire, garde et drapeau. La garde, cependant, fit en l’air sa première décharge : un énergumène répondit à ce geste relativement pacifique en tirant sur La Fayette; les soldats énervés, à l’instant, firent une décharge qui, dans la foule, creusa de gros trous.
Ce fut alors une débandade éperdue : la cavalerie chargeait; la foule, entraînée à l’audace par l’impunité, puis à l’instant désillusionnée cruellement, se dispersait en fort mauvais arroi : les curieux se sauvaient, mourant de peur. Si, le 13 juillet 1789, Lambesc avait fait ce que fit, ce 17 juillet 1791, ce « démocrate » de La Fayette, jamais la Bastille n’eût été prise.
Le lendemain, on procéda à des arrestations. Les principaux factieux, Danton, Desmoulins, Fréron, Marat et Robespierre se cachèrent ; on ne fit rien pour les arrêter.

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