Des fonctions pittoresques dans le Versailles de l'ancien Régime

Que de fonctions pittoresques ne rencontrait-on pas à Versailles ! Le prince e Condé avait son « gouverneur des canaris », les rois de France avaient leur capitaine des levrettes, qui avait soin des bichons et des carlins pour lesquels le grand Roi avait une prédilection particulière.

La « Bouche du roi »
Il y avait 383 officiers dans la Bouche de la maison du roi sous Louis XVI…
Lisez donc dans l’Almanach les titres des offices et vous verrez se développer devant vous la solennelle hiérarchie des cuisines: maîtres d’hôtel, contrôleurs, gentilshommes, panetiers, échansons et tranchants, écuyers et huissiers de cuisine, chefs, aides et maîtres-queux, enfants de cuisine et galopins ordinaires, coureurs de vin et hâteurs de rôts, potagers, verduriers, lavandiers, pâtissiers, serdeaux, porte-tables, gardes-vaisselle, sommier des broches, maître d’hôtel de la table du premier maître d’hôtel, toute une procession de galonnés, de ventres majestueux et rebondis, des figures sérieuses qui, devant les casseroles. autour des buffets, officient avec ordre et conviction.

Beaucoup d'officiers ont deux fonctions à Versailles

Les animaux familiers logeaient dans des niches tendues de velours dans le cabinet aux chiens proche de la chambre du roi. Louis XIV leur donnait lui-même du biscuit deux fois par jour. Le porte-arquebuse (c’était sous Louis XIV le sieur Antoine, un vieux serviteur) assistait le capitaine des levrettes et prodiguait lui aussi ses soins aux petits chiens damerets. Mais sa principale charge était d’entretenir les fusils du monarque ; Louis XIV excellait dans la chasse à tir.
Autres officiers indispensables, les porte-chaises d’affaires ; ils étaient chargés d’entretenir le petit endroit où le roi satisfaisait les besoins de la nature. Louis XVI en avait deux ; l’un exerçait, quand il n’était pas en charge, le métier d’apothicaire à Versailles, nous apprend le comte d’Hézecques. Beaucoup d’officiers, hors quartier, avaient une seconde profession.
Les Heiduques, valets costumés à la hongroise, appartenaient aussi au service de la chambre. Ils couraient devant le carrosse du roi pour l’annoncer. La chapelle, placée sous les ordres du grand aumônier était un service privilégié, c’était un grand honneur que d’y être choriste ou violon. Les sommeliers s’occupaient du vin de messe et de l’entretien des vases sacrés. Les ciergiers fournissaient les cierges comme leur nom l’indique. La Bouche (cuisine du roi), comptait sous Louis XIV et Louis XV 400 officiers, tels les hâteurs de rôts, les coureurs de vin et les tournebrochiers.
A la veille de la Révolution, ce service, pourtant simplifié, engloutissait 2 900 000 livres annuels.

A Versailles, des trafics qui rapportent gros

A Versailles, des trafics qui rapportent gros

Le nombre des officiers superflus dans cette maison aux effectifs pléthoriques était inouï. Chacun d’entre eux tentait d’acheter pour son fils aîné la « survivance ». Il était ainsi assuré que sa charge resterait dans sa famille. Le survivancier remplaçait souvent son père à la Cour lorsque ce dernier était trop âgé.
Les princes du sang menaient grand état de maison. Telle princesse jeune accouchée avait dix-sept personnes à son service : dames pour accompagner, remueuses, berceuses, nourrices, etc. Les officiers du comte d’Artois, futur Charles X, étaient au nombre de 700, portant sa livrée verte aux parements amarante, tandis que les officiers du roi arboraient la livrée tricolore, bleu, blanc, rouge. Nos trois couleurs étaient donc celles de Louis XVI ! Le détail est à souligner.
La « gratte », plaie des grandes maisons, était à Versailles absolument prodigieuse. Tous les domestiques ou presque faisaient « danser l’anse du panier ». Certains privilèges étaient pourtant officialisés. Les femmes de chambre de la reine (Marie-Antoinette avait 500 personnes à son service) revendaient au poids les bougies à demi consumées qui avaient éclairé les appartements. Ce trafic rapportait à chacune d’entre elles 50 000 livres par an. Les valets du « serdeau », service chargé de dresser la table du roi et de la desservir, recédaient les restes des mets au marché de Versailles Les prix en étaient plus ou moins élevés, suivant le jour de vente. Si, en été, les reliefs avaient trois jours, ils étaient cédés à des prix très bas. Les serviteurs de la Cour se faisaient « regrattiers ». Il est vrai que leurs gages étaient maigres.
Dans toutes les grandes maisons, les cendres recueillies dans les cheminées étaient revendues pour être utilisées pour les lessives.

A Versailles, le gaspillage se transforme en droit

A Versailles, tout le monde trafique, de la plus grande dame à la femme de chambre la plus modeste. Un exemple : quand la cour est amenée à prendre le deuil et l’événement se produit fréquemment, il est d’usage que la famille royale offre aux dames qui l’entourent les robes noires de circonstance.
A peine le temps du deuil terminé, et celui-ci n’est parfois que de quinze jours, ces dames s’empressent de revendre ces robes par l’intermédiaire de leur femme de chambre qui prélève une petite commission. Chacun y trouve son compte sauf le budget de l’État. On solde au château comme chez les fripiers de la ville.

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