Goûteur de beurre salé, contrôleur du grenier à sel, hâteur de rôts, ciergier, gouverneur des canaris, capitaine des levrettes ou tout simplement palefrenier. Versailles abrite un nombre incalculable de domestiques au service de la cour : un véritable monde à part avec ses habitudes, ses jalousies et ses privilèges.
Les musiciens du Roi
Le roi (Louis XIV), soucieux d’associer la musique à sa gloire, perfectionna les grandes institutions inventées par les Valois : la Chambre, la Chapelle, l’Ecurie. Les effectifs sont considérables. En 1702, elle compte quatre-vingt-deux chanteurs, recrutés avec soin dans les églises parisiennes et provinciales… La musique de la chapelle joue quotidiennement celle de la chambre seulement « lorsque le roi le commande »… Deux cents artistes, dont cent vingt permanents, jouissant du titre envié d’officier de la maison du roi, composent la musique de Versailles.
Le fastueux François 1er avait succédé à l’économe Louis XII. Il lui fallait de l’or monnayé pour entretenir sa cour, construire Chambord et Fontainebleau, et mener sa coûteuse politique étrangère : aussi imagina-t-il de vendre les offices, les fonctions, au plus offrant.
Sous Henri II, son fils, le mouvement s’accentua. On vit bientôt la création des offices de jurés-goûteurs de beurre salé et de contrôleurs du grenier à sel. Peu à peu à la Cour, les rois conçurent ce procédé ingénieux et lucratif : leurs officiers serviraient par quartier, c’est-à-dire par trimestre, ce qui multiplierait les ventes de charges par quatre, opération fructueuse pour le Trésor, mais à la longue pesante pour le royaume.
Les menus officiers étaient donc innombrables; jaloux de leurs charges et de leurs privilèges (ils avaient payé très cher l’honneur d’être là) ils ne levaient pas le petit doigt pour accomplir une tâche qui n’aurait pas été dans leurs attributions.
Ce qui était vrai sous Louis XIV, s’avérait encore sous le règne de Louis XV, son arrière-petit-fils. Lorsque ce dernier reçut en 1757 le coup de canif de Damien, il y eut dispute entre la cuisine-bouche et l’apothicairerie pour savoir qui préparerait le bouillon pour le roi blessé ; chacun rejetait sur l’autre la responsabilité de le servir… et le Bien-Aimé se passa de bouillon !
La « mécanique royale », le mot est de Saint-Simon, commençait à s’enclencher à huit heures et demie du matin, lorsque le valet de chambre en quartier éveillait le monarque. Les huissiers introduisaient alors les petites entrées pour le petit lever, les grandes entrées pour le grand lever. Le roi se lavait et s’habillait en public (les ablutions de Louis XIV étaient rapides).
Après la grand-messe chantée, le roi recevait un à un ses ministres, à moins qu’il ne tînt grand conseil. Le Roi-Soleil dînait (déjeunait) seul dans son antichambre ou dans sa chambre. Le cortège de la viande du roi, salué par les roulements des tambours des cent-suisses, venait de ses cuisines personnelles situées au bout de l’aile du midi ; le puissant souverain, esclave de l’Etiquette qu’il avait instituée, mangeait le plus souvent froid. Louis XIV fit installer des chauffoirs sur sa table, puis il ordonna d’aménager des cuisines plus fonctionnelles près de sa salle à manger.
Il fallait l’intervention de quatre officiers pour servir à boire au souverain. Un échanson faisait l’« essay » avant qu’il ne but (l’officier absorbait quelques gouttes de vin pour s’assurer qu’il n’était pas empoisonné ; vieille précaution médiévale).
Après la chasse quotidienne et de nouvelles audiences, le roi, ayant soupé, ouvrait trois fois par semaine ses grands salons aux courtisans ; il donnait l’appartement (une réception). Puis il se couchait suivant des rites aussi compliqués que ceux qui avaient marqué le début de la matinée.
Certains très humbles serviteurs, côtoyant le roi chaque jour, étaient plus favorisés que d’autres. Louis XIV, qui ne passait jamais devant une femme de chambre sans toucher son chapeau, aimait à faire causer l’un de ses porteurs de chaise, dont il appréciait le langage imagé. Mais il se fâcha, lorsque le maladroit, soudoyé par un abbé, voulut solliciter une faveur pour l’ecclésiastique. Il ne lui pardonna qu’en lui faisant promettre de ne plus recommencer.
Il faut l’intervention de quatre officiers pour servir à boire au souverain
Il faut l’intervention de quatre officiers pour servir à boire au souverain