« Jamais, dans l’histoire des guerres, un si grand nombre d’hommes n’ont dû autant à un si petit nombre. » Winston Churchill, House of Commons, 20 août 1940.
Du côté de la RAF, 2 936 pilotes vont participer à cette épopée héroïque. Ils sont majoritairement originaires du Royaume-Uni (2 340) mais on dénombre aussi 145 Polonais, 89 Tchèques, 28 Belges, 13 Français et 9 Américains (soit 12% environ), le reste (312) étant composé de pilotes venus des Dominions de l’Empire. Le nombre important de Polonais et de Tchèques permet d’en réunir une partie dans des unités spécifiques, les N° 302 et 303 (Polish) pour les premiers et N° 310 et 312 (Czech) Squadrons pour les seconds.
Près d’un quart des Britanniques sont des « pilotes du dimanche », des réservistes effectuant leurs périodes au sein de la Royal Auxiliary Air Force, organisation qui a été incorporée à la RAF à la déclaration de guerre. Quatorze de ces Squadrons auxiliaires participeront à la Bataille d’Angleterre avec le Fighter Command. Leurs pilotes sont pour la plupart mal formés et souvent âgés; néanmoins, un certain nombre d’entre eux deviendront as à plus de 30 ans. Ces unités auxiliaires ne sont pas sans rappeler les fameux « clubs » qu’aiment tant à fréquenter les Britanniques. Les pilotes se connaissent bien entre eux et leur esprit de corps compensera leur manque d’expérience. Au fil des pertes et de l’arrivée de remplaçants, les Squadrons auxiliaires se fondront dans la masse et deviendront des unités comme les autres, gagnant en efficacité ce qu’elles auront perdu en charme d’un aéro-club de campagne.
Bien que la presse, que l’on n’appelle pas encore « people », se complaît à montrer un pilote de chasse sortant de sa belle voiture de sport décapotable en ajustant son superbe uniforme coupé sur mesure dans un drap luxueux par quelque tailleur londonien de renom, à peine 200 d’entre eux proviennent du « gratin » formé dans les grandes universités anglaises. La mieux représentée de celles-ci est Eton, dont seulement 22 pilotes en sont diplômés.
En revanche, au sol, il existe une véritable ségrégation entre les officiers et les sous-officiers. Par ailleurs, les jeunes arrivants qui arborent fièrement leurs galons tout neufs sont souvent regardés de travers par les sous-officiers de carrière plus âgés qui ont gagné les leurs à la sueur de leur front.
Néanmoins, le moral est plutôt élevé au moment où commence la Bataille d’Angleterre.
La majeure partie des pilotes allemands, qu’ils soient de chasse ou de bombardement, ont acquis une grande expérience en Pologne, puis en Europe de l’Ouest. En outre, un certain nombre de cadres ont été formés à la guerre aérienne moderne dans le laboratoire espagnol, où la Luftwaffe a fait tourner ses équipages pour aguerrir le plus grand nombre en vue du futur conflit.
Les tactiques de combat, en particulier celles de la chasse, sont bien rodées et incontestablement plus performantes que celles de la RAF. Günther Lützow a développé en Espagne la formation de deux paires de chasseurs : associant deux avions, le leader et son ailier. Elle s’avère beaucoup plus flexible, parce que simplifiant la procédure du virage en combat, et plus efficace, parce que permettant une couverture mutuelle entre le leader et son ailier.
La RAF, comme l’armée de l’Air, s’appuie sur la patrouille à trois parce que les avions forment un « V » en vol. Son grave inconvénient est d’obliger les deux ailiers à se croiser lors d’un virage.
Sous la pression de grands as comme Douglas Bader et « Sailor » Malan, la RAF en viendra au Finger Four, équivalent du Schwarm allemand, mais guère avant la fin de l’année 1940 et de manière timide.
Bien que reformée secrètement sous la République de Weimar, la Luftwaffe a rapidement subi l’influence du parti national-socialiste quand Hermann Göing en a pris le contrôle. L’endoctrinement des aviateurs à l’idéologie nazie a commencé très tôt. Même s’il a eu des conséquences moins visibles et moins néfastes que dans l’Armée, il est difficile d’affirmer que la Luftwaffe n’était pas politisée. Les jeunes aviateurs présents sur la côte ouest de la France, à l’été 1940, ont tous été élevés au biberon du nazisme, ainsi que le montre l’anecdote rapportée par Len Deighton :
« Nous sommes 3 000 jeunes idéalistes, écrivit un cadet de la Luftwaffe après un vaste rassemblement au Palais des Sports de Berlin, un jour de 1940, où Hitler s’était adressé à ces jeunes aviateurs venus recevoir leurs ailes. Nous écoutons ces mots envoûtants et nous les accueillons de tout coeur. Jamais nous n’avions encore éprouvé un sentiment aussi profond de ferveur patriotique envers l’Allemagne, la terre de nos ancêtres. Jamais je n’oublierai les expressions d’extase sur les visages qui m’entourent aujourd’hui ».
Les rapports entre officiers et sous-officiers sont beaucoup moins distants que dans la RAF et le fait que l’équipage des bombardiers soit concentré dans le même espace renforce la cohésion du groupe.
Tout cela concourt à maintenir un moral très élevé, conforté par l’extraordinaire succession de victoires que connaît la Luftwaffe depuis quatre ans et son implication dans la guerre d’Espagne.