Digne mais fatigué, le visage marqué, portant une barbe de plusieurs jours, Louis XVI comparaît devant ses juges, les élus de la Convention. Le souverain n’est plus le père de la nation.
La famille royale emprisonnée au temple. Une journée en captivité
Matin
6 h Le roi se lève. Son valet de chambre le rase et le coiffe. Après une prière, il lit
9 h Toute la famille prend son petit déjeuner dans la chambre du roi.
10 h À l’étage de la reine, le couple royal donne des leçons de littérature et géographie à ses enfants.
11 h La reine brode et tricote avec sa belle-soeur et sa fille.
Mi-journée
12 h Les femmes se retirent pour se changer.
13 h S’il fait beau, la famille fait une promenade dans le jardin du Temple, sous l’escorte de quatre gardes.
14 h La famille royale déjeune dans la chambre réservée au roi.
15 h Elle regagne celle de la reine pour jouer aux cartes.
Fin de journée
16 h Le roi fait la sieste tandis que la reine et les enfants lisent. Ensuite, les leçons et les lectures reprennent.
20 h On sert son dîner au dauphin Louis.
21 h Le roi dîne dans sa chambre et monte prendre congé de sa famille.
24 h Après avoir lu, le roi va se coucher, sous la surveillance d’un garde.
Le 3 décembre, la Convention décrète qu’elle jugera Louis Capet et désigne une commission chargée de dresser l’acte d’accusation. Marat obtient que chaque député se présente à la tribune et donne à voix haute son opinion pour le verdict. C’est un avantage évident accordé au parti de la mort, car les sans-culottes et les tricoteuses vont conspuer et menacer ceux qui ne voteront pas dans le bon sens. On le voit, le droit et la procédure permettant de juger Louis XVI rétroactivement s’improvisent au gré des jeux des factions et des majorités d’occasion. Ne cherchons pas là de justice.
Comme l’accusé n’a commis aucune infraction prévue par la Constitution de 1791, on décide de l’attaquer en tant que souverain de l’Ancien Régime sur ses crimes commis depuis 1789, sa trahison et ses conspirations contre l’État.
Le 11 décembre 1792, Louis Capet est traduit à la barre de la Convention, où il est accueilli par un silence glacial. Il ignore ce qui l’attend. Sa barbe de trois jours le rend pitoyable, mais, la tête haute, il garde un air de majesté. Le président de séance, le cynique Barère de Vieuzac, fait lire par un secrétaire l’acte d’accusation démontrant qu’il a commis une multitude de crimes pour établir sa tyrannie en détruisant la liberté. Puis il égrène les faits, parfois ahurissants, ajoutant après chaque article : Qu’avez-vous à répondre ?
Tout y passe: la suspension des états généraux, la défense de la Bastille, son refus de reconnaître la Déclaration des droits de l’homme, la cocarde nationale foulée aux pieds dans des «orgies» perpétrées sous ses yeux, ses relations avec les puissances étrangères, sa volonté de saboter la défense nationale, la journée du 10 Août, où il a fait tirer sur le peuple …
Louis explique, conteste, proteste, nie farouchement, démontre qu’il a toujours agi dans la légalité la plus parfaite. Il justifie même ses discussions secrètes avec Mirabeau, antérieures à son acceptation de la Constitution. L’interrogatoire dure quatre heures, sans notes, sans avocat ni audition de témoins à décharge. Malgré l’opposition de Marat et de Robespierre, la Convention accorde des conseils à l’accusé, mais le sépare de sa famille.
Louis XVI choisit pour conseil Target, l’illustre avocat qui fut le défenseur du cardinal de Rohan dans un procès célèbre, et qui fut représentant du tiers état de Paris aux Etats généraux, ou à son défaut Tronchet, avocat également réputé, qui avait été lui aussi député du tiers. Aussitôt prévenu, Target déclina la proposition. Il invoqua son âge, il
avait presque 60 ans, et ses infirmités ; il redoutait, expliquait-il, de trahir à la fois la confiance de son client et l’attente publique.
En revanche, Tronchet, âgé de 66 ans, fit connaître son acceptation, et l’ancien ministre du roi, Lamoignon-Malesherbes, cependant âgé de 77 ans, écrivit au président de l’Assemblée qu’il sollicitait l’honneur d’assister Louis devant la Convention.
« J’ai été appelé deux fois au conseil de celui qui fut mon maître dans le temps que cette fonction était ambitionnée par tout le monde ; je lui dois le même service lorsque c’est une fonction que bien des gens trouvent dangereuse… »
Les deux défenseurs ainsi désignés furent autorisés, quelques jours plus tard, à s’adjoindre le citoyen Desèze, avocat réputé, beaucoup plus jeune qu’eux, qui pouvait les aider dans leur tâche précipitée, car l’Assemblée avait décidé d’entendre la défense de l’ancien roi dès le 26 décembre.