L’exécution de Louis XVI ne fait qu’aggraver les tensions entre les différents partis de la Révolution. Tandis qu’une coalition européenne menace les frontières, les Jacobins instaurent la Terreur contre tous ceux qu’ils soupçonnent de sympathiser avec la monarchie.
La tragédie de l’avocat du roi
Ayant défendu avec ardeur le roi lors de son procès, Malesherbes devient suspect.
Accusé d’être un des serviteurs de la tyrannie royale, il est arrêté et jugé par un tribunal révolutionnaire, ainsi que sa fille, sa petite-fille et le mari de celle-ci. Tous sont guillotinés le même jour, le 24 avril 1794.
Les mains attachées derrière le dos, il se laisse couper sommairement les cheveux qu’il porte courts sous la perruque, puis, appuyé sur M. de Firmont, commence de gravir le roide escalier de Sanson. C’est pour un homme de sa taille et de son poids extrêmement malaisé. Un instant, on croit qu’il va faiblir. Cela tient seulement à la difficulté de se maintenir en équilibre. Dès qu’il parvient au faîte, il s’arrache pour ainsi dire à ses bourreaux et traverse d’un pas souverain la plate-forme dans toute sa largeur. D’un signe, il arrête les tambours, et, d’une voix tonnante qu’on entendit jusqu’au pont-tournant , il s’écrie :
Peuple, je meurs innocent de tous les crimes qu’on m’impute. Je pardonne aux auteurs de ma mort, et je prie Dieu que le sang que vous allez répandre ne retombe jamais sur la France…
Il va poursuivre. Des soldats pleurent. Le général Berruyer, et non pas son adjoint, Beaufranchez d’Ayat, fils de Morphise, ancienne maîtresse de Louis XVI, fait reprendre les tambours. Sanson demeure sans initiative. Son fils et son premier valet s’activent, bouclent les sangles. On entend un cri affreux, probablement occasionné par la compression du cou par la lunette. Le couperet tombe. Il est dix heures vingt-deux minutes.
Comme beaucoup de révolutionnaires, les principaux personnages impliqués dans le procès de Louis XVI connaissent un sort tragique. Charles Dufriche-Valazé est traduit devant le tribunal révolutionnaire et condamné à mort. À l’énoncé de la sentence, le 30 octobre 1793, il s’enfonce dans le cœur un poignard dissimulé sous ses vêtements. Le ministre girondin Jean-Marie Roland échappe à l’arrestation, s’enfuit à Rouen, mais, à la nouvelle de l’exécution de sa femme, se transperce avec sa canne-épée. Marat est assassiné par Charlotte Corday le 13 juillet 1793. Louis-Philippe Joseph, duc d’Orléans, dit Philippe Égalité est guillotiné le 6 novembre 1793, Saint-Just et Robespierre le sont à leur tour le 28 juillet 1794. Jean-Baptiste Mailhe, élu de Haute-Garonne, et le député vendéen Charles Morisson échappent au «rasoir national» et finissent leurs jours dans leur lit, tout comme Bertrand Barère de Vieuzac, l’un des grands pourvoyeurs de la guillotine, ou François Gamain, le serrurier, qui meurt à Versailles en mai 1795, après que la République l’a pensionné.
Les défenseurs de Louis XVI connaissent des destins différents. Le courageux Malesherbes (image), qui s’était porté volontaire pour défendre le roi, est guillotiné le 22 avril 1794. Romain Desèze devient sous la Restauration pair de France et académicien. Échappant à la Terreur, l’avocat Tronchet participe à l’élaboration du Code civil. Ses cendres seront transférées au Panthéon en mars 1806.