Cette petite noblesse est en symbiose avec le milieu rural environnant car elle n’est pas représentée, comme la bourgeoisie, par des régisseurs, et administre directement ses terres.
C’est une noblesse incarnée, revenue vivre au pays sans dilapider ses revenus en ville ou à Versailles, à la différence de la noblesse de cour ou de château.
Le noble vit dans son château, ou plus souvent dans de modestes gentilhommières. Riche ou besogneux, il entretient d’étroits rapports avec les paysans, d’autant que le système d’exploitation est le métayage qui implique le partage des récoltes et du bétail entre le propriétaire et le métayer. Le seigneur se montre attentif à ce qui touche la vie familiale du paysan.
Il vient aux noces, aux baptêmes, aux enterrements. De son côté, le paysan montre attachement et fidélité à son maître. S’il lui témoigne du respect, il affiche à son égard quelque liberté. Il traverse son parc sans autorisation et organise ses fêtes locales dans la cour du château. Si certains nobles ne se montrent jamais, tels les Colbert, implantés au XVIIe siècle dans la région de Cholet, ils sont assurés d’une complète indifférence qui se reporte sur leurs régisseurs souvent détestés.
L’abbé de Beauregard, du chapitre de Luçon, voit ainsi la noblesse vendéenne : Elle ne s’allie que dans la contrée : toutes les familles sont, en conséquence, unies par les liens de la parenté et forment une espèce de confédération dans laquelle règnent une égalité parfaite et même une extrême familiarité, malgré l’inégalité des fortunes. La noblesse vendéenne. sans être fière, a une grande idée de son rang ; elle ne va pas à la Cour et n’aime pas ceux qui s’y font présenter. Il n’y a pas plus de soixante ans qu’elle consent à envoyer ses cadets aux pages ; les aînés restent au pays.
L’hospitalité entre les gentilshommes est une loi commune ; les jeunes gens vont de
château en château et sont toujours bien accueillis les demoiselles voyagent également et font de longs séjours chez leurs amies. On aime les réunions, les foires, les balades. On se rend à ces réunions en troupe, souvent à pied, en chantant les anciennes chansons chemineresses. On aime aussi les danses rondes, les antiques gavottes animées seulement de la voix. On chante quelques anciennes chansons historiques comme celle de M. de Candolle (…)
La chasse est une des grandes distractions.
Les dames, les demoiselles s’y rendent et les vieux chevaliers, montés sur les petits chevaux du pays, les conduisent au passage du cerf et a la curée. Cette noblesse, qui consomme tous ses revenus dans le pays, est vraiment aimée du peuple, mais son éducation est loin d’être soignée et ses mœurs ne sont pas toujours exemplaires…
Les coutumes du paysan, son état d’esprit et surtout sa foi, on les retrouve souvent chez les artisans qui travaillent dans les hameaux forgerons, sabotiers, tisserands. En revanche, la ville et surtout la bourgeoisie ne vivent pas au diapason. Les bourgeois donnent souvent dans les idées nouvelles. Dans les masses insurgées on trouvera, aux côtés des paysans, des fabriquants et des ouvriers du textile de Bressuire, de Pouzauges, de Cholet, touchés il est vrai par une crise de longue durée. Mais les bourgeois, les négociants, les fonctionnaires seront presque à 100 % dans le camp des patriotes.
Aussi la position des Vendéens dans les villes qu’ils « libéreront », comme on dirait aujourd’hui, sera-t-elle fragile.