J'ai le droit de dire
qu'il y a là une ruse...
En cette fin d'année 1916, l'Allemagne
impériale joue son va tout.
Bousculé en octobre par la
contre-offensive du général Mangin et étranglé par le blocus que la France
et la Grande-Bretagne lui imposent,
le Reich propose soudain la paix à ses
ennemis. Berlin entend profiter de sa
récente victoire sur la Roumanie pour
se présenter en position de force.
Le 12 décembre, dans une note qu'il
remet aux représentants des Etats-Unis,
de l'Espagne et de la Suisse, le
chancelier impérial Bethmann-Hollweg
tend donc la main aux Alliés. Si
la paix que propose Berlin n'évoque
nullement la restitution de l'Alsace-Lorraine
occupée, elle est en revanche
assortie d'une menace à peine
voilée : en cas de refus, ce sera la reprise
de la guerre sous-marine que
!'Allemagne promet de mener à outrance.
Des torpillages qui, dans les
mols précédents, ont frappé indistinctement
les bâtiments militaires
et les navires de commerce.
A Paris
et à Londres, la proposition est accueillie
avec frilosité. Le 13 décembre
à la tribune de la Chambre des députés,
le président du Conseil, Aristide
Briand, lance: J'ai le droit de dire
qu'il y a là une ruse. Il y a là une tentative
de diviser les Alliés pour troubler
les consciences et faire chanceler
le moral des peuples.
Le fort de Vaux est repris
L'attaque du fort de Vaux se révèle
moins facile car l'artillerie française
n'a pas détruit toutes les tranchées
alentour. Les combats y sont longs et
sanglants. Le mauvais temps qui persiste
gêne l'avancée des troupes de
Mangin. Malgré les 4 000 obus de 75
tombés depuis le 22 octobre sur le fort
de Vaux. les Allemands tiennent toujours
l'ouvrage. La bataille se prolonge
jusqu'au 2 novembre quand les soldats
du Kaiser préfèrent se retirer. A
2 heures 30 du matin, le 3 novembre,
le 298e régiment d'infanterie prend
possession du fort .. quasiment vide.
Dans le communiqué qu'il rédige,
lui-même. Joffre triomphe et met en
avant une démoralisation certaine
de l'ennemi. Ce que le généralissime garde secrètes, ce sont les conditions
réelles de la victoire : la prise de deux
forts préalablement désertés. Quoi
qu'il en soit, la nouvelle fait la une de
tous les journaux qui rivalisent de superlatifs
pour raconter ces succès
dont le pays a tant besoin. Ce jour-là,
la France en est certaine, la bataille
de Verdun est gagnée.
Le 15 décembre 1916, Assaut de 4 divisions françaises
Le 15 décembre, vers midi, le commandant Nicola s'avance dans les trous d'eau sur les pentes de Louvemont. La préparation d'artillerie française, encore meilleure que la dernière fois, a tout écrasé. Partout, des avions français tournoient à faible altitude, signalant à l'artillerie les rares canons ennemis restés en action. Rares parce qu'une heure avant l'heure «H», l'artillerie allemande de la région est pratiquement annihilée par la contre-batterie. Le général Franiatte s'est surpassé. De plus, il a pris soin d'arroser avec autant de générosité toute la rive gauche de la Meuse. Si bien que l'ennemi, écrasé par 800 bouches à feu d'un côté du fleuve comme de l'autre, ne sait plus d'où va déboucher l'attaque. Ses rares tirs de barrage, dans la matinée du 15 décembre, vont surtout s'écraser loin à l'ouest des troupes d'assaut.
Celles-ci sont plus nombreuses que lors de l'affaire de Douaumont: 4 divisions de tête au lieu de 3. Sur le nombre, il y en a deux qu'on a déjà vues à Douaumont et qui entre-temps avaient repris leur entraînement spécifique à l'arrière, à Stainville: la division Guyot de Salins et la division Passaga, surnommée «la Gauloise».
La première fonce sur Louvemont, la seconde vient d'emporter les ouvrages d'Hardaumont, à l'extrémité droite du dispositif français, qui s'étend sur 7 kilomètres. Elle a quelque difficulté à pousser plus loin.
Entre ces deux grandes unités progresse la division Garnier-Duplessis, qui attaque à l'ouest de Douaumont et soutient de durs combats. Enfin, à l'extrémité gauche, c'est la division Muteau qui vient d'enlever sans trop de peine Vacherauville et la côte du Poivre. Derrière elles, 4 autres divisions de soutien.
La bataille de Verdun est terminée
Dès le lendemain, les troupes françaises reprennent leur assaut. La victoire est magnifique, plus belle encore que celle du 24 octobre. Les 4 divisions de Mangin ont pris toute la zone de couverture des forts, de Vacherauville à Bezonvaux, avec Louvemont et le bois des Caurières. Elles ont taillé en pièces les 5 divisions allemandes qui tenaient le secteur, fait plus de 11 000 prisonniers, mis la main sur plus de 100 canons, 44 Minenwerfer et 107 mitrailleuses, ainsi que sur un matériel considérable.
Mais surtout, l'Allemand se retrouve pratiquement à l'endroit d'où il est parti le 21 février 1916... pour Verdun. Il a perdu là 700 000 hommes pour rien et en même temps tout le complexe de supériorité de l'armée allemande.