La chute du fort de Douaumont

Verdun, 300 jours en enfer

La prise, le 25 février, du fort de Douaumont, événement capital qui donna aux Allemands une position privilégiée et dont la reprise sera l'obsession du Quartier Général, fut annoncée par les Allemands au monde entier dans un communiqué triomphal. Voici comment les choses se passèrent.
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Communiqués français 26 février, 11 heures du soir.
La position, enlevée ce matin par l'ennemi après plusieurs assauts infructueux qui lui ont coûté des pertes très élevées, a été de nouveau atteinte et dépassée par nos troupes, que toutes les tentatives de l'ennemi n'ont pu faire reculer...
28 février, 3 heures. ...
Situation sans changement au fort de Douaumont qui demeure encerclé...
A savoir
Le quartier Général français ment !

Sans un coup de feu

Le lieutenant von Brandis
Pour l'état-major allemand, c'est une certitude : le fort de Douaumont est la piêce maîtresse du
système défensif de Verdun. Alors ce 25 février 1916, le haut commandement impérial ne lésine pas sur les moyens : il charge un corps d'élite, la 5e division Brandebourg, de s'emparer de cette redoutable citadelle qui domine tout le front nord. Mais avant d'espérer faire tomber ce mastodonte que les Allemands pensent puissamment défendu, il faut le marmiter encore et encore. En attendant que l'artillerie finisse de l'écraser sous les obus. le 24e régiment Brandebourg a reçu pour instruction de s'arrêter à 800 mètres des murailles.
La 8e compagnie de ce régiment s'installe donc dans des trous d'obus et se prépare à passer la nuit là, en attendant le déclenchement de l'assaut. Le lieutenant von Brandis (photo gauche, assis), qui la commande, s'impatiente. Il scrute les abords qui sont étonnamment déserts.
Curieux, il désobéit aux ordres et part en reconnaissance avec ses hommes. Le détachement d'une vingtaine de soldats coupe les barbelés, dévale un fossé puis escalade les contreforts. Sans rencontrer le moindre défenseur, il pénètre au coeur du fort. Brandis est médusé. Il découvre que la citadelle ne compte, en tout et pour tout, qu'une minuscule garnison de 57 territoriaux et 10 artilleurs. Tous se rendent sans un coup de feu.

Une vaste opération d'enfumage

le fort douaumont
Le drapeau jaune frappé de l'aigle noir est immédiatement hissé. Le lendemain, toute la presse allemande
exulte. Douaumont est capturé claironnent les journaux. Dans toutes les villes du Reich, les cloches sonnent.
Brandis reçoit la croix du mérite militaire. Le haut commandement allemand se garde pourtant bien de révéler
la réalité moins glorieuse de l'exploit de la 8e compagnie.
Du côté français commence aussi une vaste opération d'enfumage menée par le Grand Quartier général.
Pour masquer le camouflet, l'armée fait circuler dans la presse un scénario imaginaire.
A la suite d'assauts répétés où lennemi a accumulé des monceaux de cadavres, le fort avait fini par être enlevé. .. L'ordre de la contre-attaque a déchainé une poussée irrésistible et nos admirables troupes reprenaient Douaumont, rapporte L'Echo de Paris, le 26 février 1916.
Le GQG ment pour cacher ses propres erreurs d'appréciation. Car, si Douaumont est tombé si facilement,
c'est parce qu'en août 1915, l'état-major français a convaincu le gouvernement de désarmer les forts
et d'envoyer les garnisons sur le front.

Personne ne sait ce qui s'est passé

Même au sommet de l'Etat, personne ne sait ce qui s'est passé à Douaumont. Le président de la République, Raymond Poincaré, tout comme le général Gallieni, ministre de la Guerre, sont tenus dans l'ignorance.
Intoxiqué par le GQG, le président du Conseil Aristide Briand affirme à la Chambre des députés que des contre-attaques heureuses ont refoulé l'ennemi. Les services du général Joffre s'enferrent dans un mensonge qui se prolonge plusieurs semaines. Il faudra attendre le mois de mai 1916 et une tentative avortée de reprise du fort, menée par le général Mangin, pour que le GQG reconnaisse que Douaumont est tombé aux mains des Allemands.