Entre la vie de famille, le travail quotidien et les obligations militaires, l’Athénien a fort à faire. Son emploi du temps est très organisé. Encore faut-il faire la différence entre le citadin, le commerçant et le paysan.
Sachant que des statistiques ne sont pas tenues régulièrement par les Athéniens, les chiffres qu’on avance sont des approximations modernes : entre le Ve et le Ir siècle av. J.-C., la communauté civique a varié de 20 000 à 50 000 citoyens. Des historiens du juste milieu optent pour 40 000 citoyens sur une population totale de 250000 à 300000 (chiffres incertains). La majorité de la population est donc composée d’esclaves, de métèques et d’affranchis. Les esclaves sont la main-d’œuvre essentielle à Athènes ; les métèques s’occupent du commerce.
S’il est assez riche pour en posséder, le citoyen est servi par des esclaves, et choyé par les femmes de la maisonnée. Il sort quand il le veut ou quand il le doit, plus ou moins bien vêtu selon ses moyens et selon ses goûts, en général drapé dans un chiton (tunique) et un himation (manteau) bien propres, tenant parfois une canne à la main ; il sort de temps en temps en famille, mais souvent seul ou accompagné d’un esclave qui porte éventuellement ses paquets ou les objets dont il peut avoir besoin, notamment une torche, la nuit. Il se rend souvent du côté de l’agora, pour retrouver des amis et bavarder.
Tant qu’il est jeune, il peut aller s’adonner à des exercices sportifs à la palestre, se faire masser, se doucher, et en profiter pour écouter les conférences souvent organisées dans le cadre du gymnase ; s’il est vieux, il peut aller admirer les jeunes gens dans leurs activités sportives (bien que la venue des hommes âgés à la palestre soit parfois réglementée, afin d’éviter que les homosexuels n’aillent importuner les éphèbes) et discuter avec eux ou avec ses contemporains. De temps en temps, s’il a une certaine aisance financière, il invite chez lui quelques amis, uniquement des hommes, des citoyens, pour un dîner suivi d’un symposium, c’est-à-dire d’une sorte de banquet où l’on devise en buvant, allongé sur un lit destiné à ce genre de réunions ; parfois, c’est lui qui est invité et qui va passer la soirée, entre hommes, chez un ami ; les seules femmes éventuellement présentes sont, s’il s’agit d’un banquet de riches, des danseuses ou des acrobates louées pour un spectacle, ou des courtisanes joueuses de flûte invitées pour le plaisir que peut procurer leur compagnie.
Les réunions de l ‘Ecclésia ont lieu sur la colline du Pnyx, face à l’Acropole. Le vote s’effectue à main-levée. L’Ecclésia se prononce sur tous les aspects de la vie politique. Elle élit ou confirme dans leurs charges les magistrats qui doivent rendre compte de leur action ; ils peuvent être démis à tout moment. Pour ce qui est de la politique étrangère, l’assemblée décide de la consolidation des alliances, de la déclaration de guerre et, si la situation l’exige, d’une contribution spéciale (cisphora) dans le domaine militaire.
Les magistratures principales, qui consacrent l’éclatement de l’ancien pouvoir royal, sont l’archontat (domaine religieux et judiciaire) et la stratégie (domaine militaire). Néanmoins, les stratèges, fort de leur succès et du prestige qu’ils en retirent deviennent progressivement les véritables dirigeants de la société athénienne. Périclès en est le meilleur exemple. Elu plusieurs fois stratège entre 454 et 444 av. J.-C., puis reconduit annuellement dans ses fonctions jusqu’à sa mort en 429, il incarne l’âge d’or de la démocratie athénienne.
Si chaque citoyen athénien fait naturellement partie de l »Ecclesia, l’accès à la magistrature n’est pas l’apanage de tous. La répartition en classes censitaires perdure. Quatre classes, les Pentacosiomedimnes, Hippeis, Zeugites et Thètes, ont été définies selon la récolte en blé, puis en drachmes. Toutefois, le système n’est pas fermé ; au Ve siècle l’enrichissement par les échanges fait diminuer le pourcentage des Thètes et des Zeugites. Avec l’avènement de Périclès, une nouvelle institution, la rémunération des fonctions publiques voit le jour. Elle permet à tous les citoyens, quelle que soit leur fortune, de participer au maniement des affaires publiques. Mais la charge de stratège, non rétribuée par un salaire, reste briguée par les plus aisés.
La vie militaire peut être très rude, comme en témoigne le passage célèbre du Banquet de Platon où Alcibiade nous raconte comment Socrate, lors du siège de Potidée, vers 430, endurait sans sourciller toutes les difficultés de la vie du combattant.
« Chaque fois que, coupés de nos réserves, comme il arrive fréquemment en campagne, nous en étions réduits aux pires privations, personne ne savait le supporter comme lui… Devant les rigueurs de l’hiver (car les hivers, dans cette région-là, sont redoutables), son endurance n’en était pas moins remarquable : ainsi, le jour qu’il y avait une gelée des plus terribles et que tous les hommes restaient à l’abri ou, s’ils sortaient, se couvraient de vêtements extraordinaires, les pieds ficelés et entortillés dans du feutre ou des peaux d’agneau, il sortit, lui, dans ces circonstances, vêtu de son seul manteau habituel, et il marchait pieds nus sur la glace avec plus d’aisance que ceux qui étaient chaussés ».
Toutes les expéditions ne connaissaient sans doute pas de moments aussi pénibles, mais un logement sommaire sous la tente, joint aux difficultés de soins et de ravitaillement faisaient que le soldat-citoyen ne devait que rarement apprécier sa situation, même s’il touchait, à partir du milieu du Ve siècle, une modeste solde. Le soldat doit évidemment obéir à ses chefs, l’autorité suprême appartenant à un magistrat à fonction militaire, le stratège. Le droit de la guerre reste en tout cas très dur pendant toute l’Antiquité. Le citoyen n’a pas le monopole de l’activité militaire : les troupes athéniennes comprennent aussi des métèques, parfois des esclaves, et quelques contingents de mercenaires ; mais c’est lui qui forme l’ossature de l’armée de la cité.
Parmi ces devoirs figure en premier lieu la participation à la défense de la cité. L’organisation militaire est liée à l’organisation civique. Et de même que celle-ci s’est mise en place progressivement, de même aussi la participation du citoyen à la guerre s’est mise en place en suivant des étapes. Dans les premiers temps de la cité, elle était réservée à ceux qui étaient capables de se procurer la panoplie de l’hoplite, du fantassin lourdement armé. À quel moment les rangs de la phalange hoplitique se sont-ils élargis? À l’aube du Ve siècle, les hoplites du « catalogue » se recrutent parmi les citoyens des trois premières classes, la cavalerie n’ayant alors qu’un rôle extrêmement limité. Ce catalogue est sans doute établi à partir des registres tenus par les dèmes, sur lesquels est inscrit, à l’âge de dix-huit ans, tout jeune de naissance athénienne.
En temps de paix, le citoyen athénien peut, et en principe doit, participer à la vie politique. Comme le régime est celui d’une démocratie directe, tous les citoyens sont appelés à se rassembler périodiquement (une quarantaine de fois par an environ) dans le cadre de l’ecclésia (l’assemblée du peuple) pour délibérer et voter sur les propositions qui émanent d’un magistrat ou d’un conseil restreint de citoyens (la Boulé ou Conseil des Cinq Cents) tirés au sort parmi les volontaires et renouvelables tous les ans, ou encore d’un simple citoyen.
En théorie, donc, n’importe quel citoyen peut siéger à l’assemblée, faire des propositions de loi, proposer des amendements et, s’il est favorisé par le sort, devenir temporairement un responsable politique en tant que bouleute (membre de la Boulè) ou encore prytane (bouleute en fonction permanente pendant un dixième de l’année) ou même épistate des prytanes (président tiré au sort pour vingt-quatre heures) ou proèdre (président) de l’ecclésia (au Ne siècle). L’égalité des chances est en principe totale, le tirage au sort passant pour traduire le choix des dieux.
Pendant longtemps, seuls ceux qui n’ont pas à travailler pour vivre acceptent de perdre plusieurs dizaines de journées par an en vue d’exercer leurs droits civiques, et d’ailleurs, selon Aristote : « La perfection du citoyen ne se trouve que dans l’homme libre qui est affranchi des tâches indispensables ». Pour tenter de remédier à cette forte abstention des citoyens les plus pauvres, la démocratie athénienne crée, à partir du début du IVe siècle, une indemnité journalière, le misthos, pour dédommager et encourager les citoyens qui sacrifient une partie de leur temps à l’accomplissement de leur devoir civique ; les oisifs de l’agora sont parfois même poussés par les archers scythes qui assurent les tâches de police municipale vers le lieu de réunion de l’ecclésia.
Alors se serait opéré, d’après certaines sources, un renversement de tendance : l’absentéisme progressif des citoyens les plus fortunés aurait entraîné une composition sociale nouvelle de l’ecclésia, où auraient désormais dominé, selon Xénophon, « des foulons, des cordonniers, des charpentiers, des forgerons, des laboureurs, des marchands, des trafiquants du marché », bref, des citoyens plutôt pauvres, des travailleurs manuels, dont ne tardera pas à se méfier Aristote, qui n’hésite pas à poser la question : « Doit-on aussi admettre comme citoyens les travailleurs manuels ? ». Non que l’on se défie de leurs idées, mais parce que, estime le philosophe, « on ne peut s’adonner à la pratique de la vertu, si l’on mène une vie d’ouvrier ou de manoeuvre » ; car la participation aux affaires de l’Etat exige, pense-t-il, des qualités morales qu’il croit réservées aux hommes qui ont eu le loisir de s’instruire et de se former. Quelle que soit la fraction sociale dominante à l’ecclésia, le citoyen de base se contente en fait, le plus souvent, de suivre l’opinion d’un tribun éloquent qui entraîne son adhésion.