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Chaque jour, une liste...

Le massacre de Katyn

En avril 1943, des soldats allemands ont découvert un charnier où étaient enterrés les corps de 4 500 officiers polonais, autrefois prisonniers des Russes. Pour la propagande de l'Axe, cela constituait évidemment une chance à ne pas laisser passer, une occasion de dresser les Alliés les uns contre les autres.

Que signifie un tel traitement ?

massacre de Katyn
Chaque jour, une liste pouvant comporter une centaine de noms, parfois beaucoup plus, sera dressée. Cependant que l'une d'elle s'allonge, des gardes courent prévenir ceux qui y figurent. Ordre leur est donné de prendre leurs affaires et de se réunir sur-le-champ dans ce local que l'on appelle le « club ». Après avoir restitué le matériel qui leur a été confié, ils reçoivent un déjeuner un peu plus substantiel que d'habitude et, pour le voyage, une ration de pain et des harengs enveloppés « dans du papier blanc neuf ». Cet emballage représente, à l'époque, un tel luxe que l'on en trouvera l'évocation dans tous les récits des survivants '.
Tout cela est si précipité que l'on n'a guère le temps de se poser des questions. Insidieusement, celles-ci commencent à se glisser au milieu de ce branle-bas : que signifie un tel traitement ? Pourquoi les évacuet-on ? Où va-t-on les conduire ? L'angoisse se fait jour, se précise, s'accroît. Cependant, un bruit commence à courir : peut-être va-t-on être libéré et, qui sait, renvoyé en Pologne ? Certains hasardent une hypothèse : les relations germano-soviétiques étant au beau fixe, peut-être va-t-on rassembler les prisonniers polonais en Allemagne ?
Ce qui conforte cet optimisme, c'est la sympathie sans réserve que manifestent les Soviétiques. Chaque groupe sort du camp sous escorte, applaudi par ceux qui restent mais aussi par certains officiers du NKVD. Quand le tour vient des généraux Minkiewicz, Smorawinski et Bohatyrewicz, les autorités leur offrent un dîner d'adieu au « club ».
Identique, l'ambiance qui règne au même moment dans les deux autres camps. Joseph Czapski, prisonnier à Starobielsk, s'en fera l'écho : « Quand, en avril, on commença à nous faire partir du camp par petits groupes, beaucoup d'entre nous croyaient vraiment que nous allions être libérés... Des hommes différents par leurs grade, milieu social, profession et opinions politiques étaient mélangés. Chaque nouveau groupe formé détruisait nos déductions précédentes. Nous avions une chose en commun : tous nous attendions fiévreusement l'heure où les noms de ceux qui devaient partir seraient appelés. Nous appelions cela "l'heure roulette" car, en cette heure, le hasard semblait bien présider au choix des noms, exactement comme les chiffres sortent aux tables de jeu sans raison ni possibilité de prévision '. »
A Kozielsk, le professeur Swianiewicz s'étonnera plus tard de n'avoir pas compris d'emblée le but réel de l'opération. A quelques pas de la balle dans la nuque, il n'a dû la vie qu'à un message parvenu de Moscou. Inculpé d'espionnage et attendu qu'il encourait la peine de mort, il fallait l'isoler des autres afin que l'on pût ouvrir son procès. Incroyable absurdité, logique admirable du système policier soviétique.
Quand, le 29 avril 1940, Swianiewicz a été emmené, le printemps faisait enfin son apparition. Il parle d'une « belle journée ensoleillée ». Il commence néanmoins à se poser des questions en remarquant l'attitude du commandant du camp. Pourquoi le colonel « au visage pourpre » surveille-t-il tout cela avec une attention aussi vigilante, « les mains dans les poches d'un long manteau » ? Pourquoi surtout ces « précautions extraordinaires », pourquoi ces baïonnettes ? Il reconnaîtra néanmoins : « A cet instant, devant l'éclat de cette journée printanière, l'idée ne m'effleura pas qu'il pût s'agir d'une exécution.
»
Un souvenir le hantera : celui d'un lieutenant de vingt-six ans, son camarade de combat en septembre 1939 et que l'on avait amené de Wilno avec une jambe blessée. Au moment où on l'a appelé à quitter le camp, « quelque chose d'étrange a paru dans le regard de ce garçon qui, jusqu'à présent, avait supporté avec humour et confiance en sa bonne étoile tous les coups du sort et toutes les souffrances. Ce n'était pas de la peur, mais comme si un abîme s'ouvrait sous ses pieds. Puis, il se domina et nous dit adieu avec humour, comme d'habitude. Ce fut le seul cas où j'ai vu, chez ceux qui partaient de Kozielsk, quelque chose comme le pressentiment du sort qui les attendait à l'aube du lendemain ».
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