Repos au tunnel de Tannaves (témoignage)
Le repos, on le prenait généralement dans le tunnel de Tavannes. C'était au mieux le purgatoire.
Arrivée au tunnel. Rien n'est prêt pour nous recevoir. Après bien des pas et des démarches, les hommes sont couchés sur des rails. Le sol est humide, encombré de détritus. Dans ce tunnel qui a près de 1 500 mètres, on n'a rien aménagé. Pas une prise d'air. On a commencé d'en amorcer une, il y a quelques jours seulement.
Jeudi 25 mai. Ce tunnel ! Quel séjour ! Digne du secteur !
Une haute voûte qu'ont noircie les fumées de train, des couchettes installées sur trois étages en travées de cent à cent cinquante mètres, travées séparées par des espaces vides, et où, pour se reposer, les hommes n'ont que les rails et les traverses.
Au milieu de ces espaces vides, des tinettes, des mares infectes d'urine. L'air est fétide, lourd d'une odeur de sueur et d'excréments à se trouver mal. Une nuit passée là et les hommes sont pâles, les traits tirés, ne pouvant tenir sur leurs jambes.
J'ai 53 malades ce matin, chiffre énorme. J'ai menacé du conseil de guerre ceux qui ne seraient pas reconnus. Les malheureux ! en réalité, c'est toute la compagnie qui est malade...
Ici règne l'affolement. Les hommes n'ont pas reposé, n'ont rien mangé, vivent dans la nuit sans air. Chaque soir, on les accable de corvées.
Consolant, le colonel : « Nous crèverons tous ici », me dit-il aimablement.
La tragédie du tunnel de Tannaves
Dès le début de la bataille, le tunnel
ferroviaire de Tavannes, qui
relie Metz à Verdun, est fermé.
L'ouvrage enterré, long de près d'un
kilomètre et demi, est aménagé par
l'armée française pour accueillir le
poste de commandement de plusieurs
unités. Le lieu sert aussi d'abri,
d'infirmerie d'urgence, de prison et
encore de dortoir. Au fil des opérations,
des chevaux, des marchandises,
du matériel et des munitions sont
stockés aux deux extrémités de ce
tunnel en proie à l'insaiubrité et aux
odeurs pestilentielles.
Le 4 septembre, vers 21h30, deux
formidables explosions retentissent dans la galerie souterraine.
Des fusées
transportées à dos de mules prennent
feu. L'incendie, alimenté par les cloisons
de bois, se propage à des bidons
d'essence puis gagne le dépôt de munitions.
La panique est totale: les soldats
sont prisonniers de l'épaisse
fumée qui envahit tout. Ceux qui ne
réussissent pas à s'échapper meurent
piétinés ou asphyxiés.
Le brasier est si intense qu'il faudra
une semaine aux équipes de secours
avant de pénétrer dans le tunnel.
Le 11 septembre, Ils dégageront
les cadavres carbonisés de près de
500 soldats. L'origine du drame n'a
jamais été élucidée avec certitude.