Le miracle de Souville
Verdun est sauvé

Verdun, 300 jours en enfer

Les Allemands se lancent à l'assaut du fort de Souville. Le 23 juin, ils buttent sur le fort qui reste hors de leur portée. Le 11 juillet, un ultime assaut échoue encore. Les Allemands se mettent sur la défensive.
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Le coin est d'une horreur sans pareille. Cette terre morte, chaos indescriptible de trous d'obus de tous calibres, prise et reprise seize fois, est bourrée de débris de toutes sortes, gorgée de cadavres à l'odeur pestilentielle et qu'il faut souvent déchiqueter à coups de pioche pour creuser boyaux et abris.
Témoignage
Un soldat écrit le 29 septembre

Objectif Souville

prisonniers français à Verdun en 1916
Du 24 au 30 juin 1916, la bataille se poursuivit décousue, désordonnée, toujours sanglante. Les attaques et les contre-attaques alternaient du côté de Fleury et de Thiaumont.
Le 1er juillet s'engageait la bataille de la Somme. Les Allemands gagnés de vitesse virent l'initiative des opérations leur échapper. Elle leur échappera pour longtemps. Elle leur échappera jusqu'au 21 mars 1918, jour où, à l'aide de toutes leurs forces ramenées de Russie, Ludendorff se jettera à l'assaut des Alliés.
Ce même 1er juillet, quand le canon grondait sur la Somme, le 248e d'infanterie reprenait partie de l'ouvrage de Thiaumont et les retranchements voisins du P.C. 119.
Cependant, le 3 juillet, c'était au tour des Allemands de remporter l'avantage. Un bataillon du 99e régiment s'emparait de la batterie haute de Damloup et faisait une centaine de prisonniers. Le 11 juillet, il poussait ses avantages. Les unités du 15e corps s'avançaient le long de la hauteur de la Laufée. 900 hommes, 19 officiers étaient capturés.
D'après Von Deimling, ce n'étaient là que des résultats partiels. Tout le monde ne pouvait tenir le coup sous le feu roulant de l'artillerie.
Cependant Nivelle avait projeté une opération de dégagement. Il la confia à Mangin, dont le commandement s'étendait alors jusqu'à Fleury. Mais les Allemands prévinrent sa décision. Le 11 ils se lançaient de nouveau à l'attaque sur l'axe station de Fleury-fort de Souville avec démonstrations secondaires dans les secteurs de Froideterre et de Damloup. Episode décisif, et épisode final, de la bataille défensive de Verdun.

Tout fumait, tout sautait

Le 10 juillet, les Allemands avaient préludé par un déluge d'artillerie. Toutes les liaisons françaises furent rompues. Plus de ravitaillement, plus d'eau. Une nappe de gaz s'étendit jusqu'à Verdun, stagna sur le champ de bataille.
Le 11, dés 4 heures, le feu s'intensifiait. Les tirs de barrage se succédaient sans discontinuer. La station de Fleury s'effondra sous ses occupants. A 5 heures, l'action s'engagea devant la chapelle Sainte-Fine.
L'attaque principale partant des abords de Fleury en direction du fort de Souville était menée par l'Alpen Korps et le 140e d'infanterie prussienne, une unité d'élite.
La Garde royale bavaroise, à Fleury et à flanc du ravin des Vignes, poussait vers l'objectif principal : le fort de Souville.
La ligne française occupée par une infanterie qu'avait éprouvée une semaine de combats, couvrait le ravin de la Poudrière. Le 7e et le 14e d'infanterie défendaient les avancées nord du fort de Souville jusqu'au P.C. des Carrières, vers le Bois de Vaux-Chapitre. Ce fut à cet endroit que l'Alpen Korps donna l'assaut.
Précédées par les lance-flammes, les unités de la Garde royale, après avoir submergé les Français, atteignirent la Poudrière et s'en emparèrent. L'historique de la Garde relate que des groupes entiers de fantassins se roulaient à même le sol, en hurlant, dévorés par leurs brûlures.
Le fort de Souville était occupé par une unité territoriale. Dès le début de l'attaque, la 3e compagnie du 7e d'infanterie, inondée par les gaz, monta à l'assaut sous le fracas d'un formidable barrage d'artillerie. Partout la mort. Soixante vivants, commandés par le lieutenant Kléber Dupuy, un instituteur pacifiste, parvinrent au fort.
Tout fumait, tout sautait. Un chantier de démolitions. Les fossés nivelés. Dans les souterrains, agonie des soldats intoxiqués.
Astruc, commandant la garnison. gisait sans connaissance. Souville avait perdu ses défenseurs.
Installé dans les ruines Kléber Dupuy rendit compte de la situation au colonel Borius : Souville, 11 juillet, 6 heures du matin. Le capitaine Soucarre, intoxiqué, m'a passé le commandement de la compagnie en me donnant l'ordre de me porter aux Carrières. Après avoir franchi de nombreux barrages et des nappes de gaz asphyxiants, nous avons péniblement atteint Souville. Ici, tout est bouleversé. Le commandant du fort est intoxiqué, la garnison est hors de combat. Sauf ordre contraire, je reste au fort et j'en assure la défense. Signé : Dupuy.

Kléber Dupuy et quinze spectres

Kléber Dupuy aussitôt dégagea les « gaines ». installa aux bons endroits des postes de mitrailleurs et des groupes de grenadiers, évacua les blessés et les intoxiqués, autant que c'était possible.
A 9 heures le capitaine Decap, adjoint du colonel Borius. montait à Souville et approuvait les dispositions prises. Pendant ce temps, 380 et 420 pilonnaient sans interruption les ouvrages bétonnés. On tenait sous une tempête d'acier.
Decap apprit que, sur la droite de la 226e brigade, en avant du poste des Carrières ('), le bataillon Gheysen (2) avait arrêté jusqu'à 5 heures du matin l'ennemi essayant de déboucher de la croupe que constituent le ravin de Chambitoux et le ravin des Fontaines. Tout ce qui était disponible aux Carrières, pionniers, sapeurs, ordonnances, cuisiniers, était en ligne. Aucun renfort ne pouvait être escompté : pas une seconde, les pentes descendantes de Souville ne cessaient de subir le plus impitoyable pilonnage.
La liaison restait assurée entre le 7e et le 14e d'infanterie tout au long de la nuit du 11 au 12, Kléber Dupuy installa aux bons endroits des postes de mitrailleurs et des groupes de grenadiers, évacua les blessés et les intoxiqués, autant que c'était possible.
A 9 heures le capitaine Decap, adjoint du colonel Borius. montait à Souville et approuvait les dispositions prises. Pendant ce temps, 380 et 420 pilonnaient sans interruption les ouvrages bétonnés. On tenait sous une tempête d'acier.
Decap apprit que, sur la droite de la 226e brigade, en avant du poste des Carrières, le bataillon Gheysen avait arrêté jusqu'à 5 heures du matin l'ennemi essayant de déboucher de la croupe que constituent le ravin de Chambitoux et le ravin des Fontaines. Tout ce qui était disponible aux Carrières, pionniers, sapeurs, ordonnances, cuisiniers, était en ligne. Aucun renfort ne pouvait être escompté : pas une seconde, les pentes descendantes de Souville ne cessaient de subir le plus impitoyable pilonnage.
La liaison restait assurée entre le 7e et le 14e d'infanterie tout au long de la nuit du 11 au 12, grâce aux coureurs, qui allaient de Souville aux Carrières. Cependant, de la route de Fleury-SainteFine au bois de Vaux-Chapitre, tout paraissait se désagréger. Ce qui demeurait du 7e était tronçonné. Des petits îlots d'hommes résistaient. Vers 3 h 30, à l'aube indécise, Dupuy vit surgir, à l'entrée des gaines du fort, l'aide-major Conte, un médecin. Ce dernier lui apprit que des Allemands, de l'importance d'un bataillon, se rassemblaient à Sainte-Fine. La capitaine Popis, de son observatoire, avait observé ce mouvement et, pour avertir le fort, avait dépêché deux coureurs qui furent tués tous les deux ; J'y vais avait dit le docteur.
L'alerte donnée, les derniers hommes de la 3e compagnie s'établirent en tirailleurs sur la superstructure du fort. Le sous-lieutenant d'Orgemont fit relever le pont d'entrée. A 6 heures une reconnaissance se lança sous son commandement vers la chapelle Sainte-Fine et bientôt reflua. Elle savait : l'ennemi avançait en colonnes denses.
L'action se précipita. Les Allemands réussirent à prendre pied sur la superstructure. Dupuy et Guisnier ripostèrent à la grenade, au corps à corps parfois. Couchés dans les trous d'obus, des moribonds chargeaient les fusils des camarades.
Cependant, tandis que Dupuy et Guisnier parvenaient à déblayer la superstructure dans la batterie Est, deux sections de mitrailleuses balayaient les vagues d'assaut. A 9 heures il y eut un instant de répit. L'assaut avait été brisé. La superstructure était jonchée de cadavres. Des survivants allemands se dissimulaient dans les fossés.
Une affreuse méprise se produisit alors. Une nouvelle rafale d'artillerie s'abattit sur le fort. Des hommes furent tués. C'était l'artillerie française ! Du fort Saint-Michel, des observateurs avaient vu les Allemands montés à l'assaut de Souville couronner la superstructure, sans distinguer la suite. On en avait conclu hâtivement à la chute du fort.
A force d'énergie, d'ascendant, Dupuy, aidé cette fois du lieutenant Roger, reprit en main ses hommes que le sort avait découragés. L'artillerie prévenue allongea enfin son tir. La contre-attaque française pouvait partir.
Elle fut déclenchée par le 25e bataillon de Chasseurs. Celui-ci attaqua sous les ordres du commandant Cabote. Bien que le fort ne fût pas perdu, il avait reçu l'ordre de le reprendre. A 11 heures l'action était terminée, le « nettoyage » de Souville, réalisé. Des soixante hommes qui avaient suivi Kléber Dupuy, il en restait quinze, des spectres. Les cadavres des adversaires avaient été abandonnés sur la superstructure et dans les fossés.

Le chemin de verdun passait par Souville

Poilu au fort de Souville pendant la bataille de Verdun
Au soir du 12 juillet, les Allemands avaient reflué vers la chapelle Sainte-Fine. Le plus grand nombre avait été fauché en avant du fort. Un aphorisme de Falkenhayn était que trois hommes et une mitrailleuse arrêtent une section. Les « trois hommes et la mitrailleuse » étaient français.
Les Français avaient pu perdre Thiaumont, Douaumont, Hardaumont, Vaux, La Laufée, la crête des Côtes, parce que Souville était un dernier barrage. Henry Bordeaux, historien des forts de Douaumont et de Vaux, a reconnu que c'était « la borne d'arrêt ».
La situation devenait grave, observa Pétain, car notre dernière position, des forts Saint-Michel à celui de Souville, se trouvait investie à très courte distance. Si nous venions à la perdre, Verdun apparaîtrait à découvert, au centre d'un vaste cirque, dont les bords seraient tenus par l'ennemi. Notre occupation de la rive droite, dans ces conditions, serait irrémédiablement compromise...
Le chemin de Verdun passait par Souville et la caserne Marceau.
En affirmant sa volonté de défendre jusqu'à la mort les ruines du fort, battu par l'un des assauts les plus féroces de cette guerre féroce, et en les défendant, Kléber Dupuy avait tiré le verrou.
Ainsi revint à un lieutenant l'honneur de mettre un terme à la bataille défensive de Verdun.
Après avoir lancé une vingtaine de grenades, je suis grièvement blessé et je m'abats, perdant mon sang en abondance. Je n'avais même pas la force de chasser les grosses mouches noires qui se posaient sur moi. Deux brancardiers passent et me disent qu'ils vont envoyer du secours mais ils sont tués peu après.
Témoignage
Poilu du 217e RI, au fort de Souville