Le labourage infernal des obus
L'armée allemande, qui jusque-là
avait concentré ses offensives sur
la rive droite de la Meuse, attaque
les Français sur la rive gauche au matin
du 6 mars. La 5e armée du Reich
espère ainsi prendre le contrôle des
buttes et crêtes afin de disposer d'une
vue panoramique sur Verdun et, qui
sait, percer enfin le front français.
Comme le 21 février, l'artillerie du général
von Falkenhayn arrose copieusement
les premières lignes. Si les
bombardements n'ont jamais cessé
depuis février, le pilonnage reprend
ce jour-là de plus belle sur un front de
4 kilomètres, délimité par les villages
de Béthincourt et des Forges que défendent difficilement les six régiments
d'infanterie du général Aimé.
A 7 heures du matin, les Allemands
canonnent violemment les ouvrages
défensifs. De tous les côtés, le labourage
infernal des obus crée de monstrueux
cratères. A 10 h 30, malgré le
brouillard et la neige, les forces d'assaut
allemandes traversent le ruisseau
glacé de Forges pour nettoyer le
terrain au lance-flammes.
Attaques et contre attaques
Malgré les tirs de l'artillerie française,
les Stunntruppen progressent
inexorablement. En fin de journée,
les Allemands ont gagné 3 kilomètres,
laissant derrière eux des bataillons
anéantis ou prisonniers. En urgence,
l'état-major français dépêche des renforts
aux bois des Corbeaux. Il faut
contenir à tout prix cette offensive.
Le lendemain, le village de Cumières
subit de nouveaux tirs destructeurs.
La bourgade n'est plus qu'amas de ruines fumantes. Des fantassins accrochés
aux murs du cimetière résistent
avec leurs mitrailleuses et
interdisent aux Allemands d'avancer
plus loin. Durant une semaine, de
jour comme de nuit, une avalanche
de bombes s'abat sur la rive gauche
de la Meuse A certains moments, il
tombe plus de 100 obus à la minute.
L'offensive est rythmée par les attaques
et les contre-attaques. Le bois
des Corbeaux est pris, perdu, repris,
à nouveau reconquis. ..
Des milliers de soldats périssent
dans ces combats. Faute de pouvoir
évacuer et enterrer les morts,
"les cadavres
sont entassés derrière le bois
des corbeaux", témoigne, horrifié, un
soldat en permission qui participe,
début avril 1916, à une réunion du
parti socialiste à Paris. On ne compte
plus, en effet, les unités décimées
dans ces forêts. 1er régiment de zouaves ou du 9e bataillon
de tirailleurs algériens, connaissent
des pertes de 80 à 90%.
Les récits sont plus effroyables les
uns que les autres. "On marchait sur
des morceaux de viande, c'était une
bouillie humaine", écrira plus tard
le capitaine Grand, du 211e régiment.
Mais,
Falkenhayn a beau déverser des tonnes d'obus et faire des milliers de
victimes, les Français résistent toujours
et encore.
Après la semaine sanglante
Joffre s'adresse aux soldats de la 2e armée :
« Le pays a les yeux sur vous. Vous serez de ceux dont on dira : " Ils ont barré aux Allemands la route de Verdun " ».
Les conquêtes allemandes sont médiocres. Bataille d'usure, bombardements intenses, attaques partielles sur des objectifs limités. Le commandement allemand espère que Verdun finira par tomber et que les réserves destinées à l'offensive alliée qu'ils ont prévue seront ainsi détruites. Les attaques seront locales et plus limitées. Le Kronprinz veut s'assurer des bases de départ. Les positions françaises s'accrochent à deux môles à l'Ouest : le Mort-Homme et la cote 304.
14 mars. Après cinq heures de bombardement intense, les Allemands attaquent le Mort-Homme, massif formé des cotes 265 et 295 (sommet du Mort-Homme), fermement défendu par les fantassins et les zouaves.
15 mars. Raids ennemis sur le fort du Vaux.
18 mars. L'ennemi resserre son dispositif et oriente ses assauts sur le front Damloup-Vaux. 19 mars. Les Allemands renforcent leurs bombardements qui rendent difficiles les relèves françaises.
20 mars. Les bois d'Avocourt et de Malancourt tombent aux mains des Bavarois, après des combats acharnés.
31 mars. Rive gauche : le village de Malancourt est pris par l'ennemi. Il échoue sur le Mort-Homme. Rive droite : l'ennemi conquiert une partie du village de Vaux. 2 avril. L'ennemi se glisse dans le ravin de la Caillette. Au milieu de violents combats, le terrain ejt pris et repris plusieurs fois.
Au bois des Corbeaux, on était tué sans même
savoir d'où le coup était parti. Le bruit avait couru parmi nos hommes
que le bombardement allemand durerait cent heures et tous attendaient,
avec une impatience mêlée d'anxiété, la fin de ces cent heures.
Mais les cent heures passèrent et le bombardement, loin de diminuer,
continuait toujours. Il devait continuer toute l'année.
plus de 100 heures de bombardement