A la suite de hasards et d'étonnantes imprudences, la plupart des membres du commando furent arrêtés dans les semaines suivantes. Leurs aveux et la capture de plusieurs armes ayant participé à l'attentat devaient permettre de comprendre ce qui s'était passé.
Dans l'Estafette jaune avaient pris place cinq hommes, dont deux armés de fusils-mitrailleurs dérobés le 7 janvier 1962 au camp de Satory par l'adjudant Robin, membre de l'OAS. Cent mètres plus loin, dans l'ID-19 bleue, trois hommes en renfort, armés de pistolets-mitrailleurs.
Le chef du commando, Bastien-Thiry, se tenait à trois cents mètres en amont. Au passage du cortège, il devait agiter un journal. A ce signal, le feu serait ouvert instantanément par les deux FM de l'Estafette, dont l'arrière avait été aménagé en conséquence. La voiture présidentielle devait donc être prise de face sous un feu d'enfilade, commencé loin devant.
Mais, à cette heure, la visibilité était médiocre. Les tireurs de l'Estafette virent trop tard le signal du journal. Au lieu de commencer le tir comme prévu, ils ne purent ouvrir le feu qu'au dernier moment, alors que la DS, filant déjà à leur hauteur, allait disparaître, ne s'exposant qu'une fraction de seconde à leurs coups incertains.
Un véhicule lancé à quatre-vingt-dix kilomètres à l'heure parcourt vingt-cinq mètres en une seconde. En face, le FM 24-29, avec sa cadence relativement lente (cinq cents coups à la minute) ne pouvait tirer que huit ou neuf coups par seconde, trop peu pour avoir des chances de toucher efficacement le bolide passant à très courte distance par le travers. Ce fut encore pire avec l'ID bleue, dont les pistolets-mitrailleurs tiraient des projectiles moins rapides et moins puissants que ceux des FM. Il est extrêmement hasardeux, pour ne pas dire impossible, de toucher une cible qui passe très rapidement et perpendiculairement au tireur et à courte distance. Tous les chasseurs savent cela.
Bien que minutieusement organisée, l'embuscade souffrait par ailleurs d'un défaut de conception. Si, à l'approche de la voiture présidentielle, un véhicule (l'ID bleue par exemple) avait coupé la route, le chauffeur Marroux, malgré son habileté, aurait été contraint de s'arrêter. Dès lors, le tir des FM eut été à coup sûr meurtrier.
Peut-être Bastien-Thiry (à gauche) songeait-il à cela à l'aube du lundi 11 mars 1963 lorsqu'il fut extrait de la cellule 23 au quartier des condamnés à mort de Fresnes pour marcher vers le peloton d'exécution du fort d'Ivry.