Devant le déchaînement de la contre-offensive fasciste, l’opposition est en pleine débâcle. Ecartée de son fait du Parlement, privée peu à peu de ses journaux, elle est chaque jour plus paralysée et impuissante. Ses quelques manifestations verbales sont sans portée. Tito Zaniboni, franc-maçon et député socialiste, désire frapper un très grand coup. Armé d’un fusil à lunette, il tente de tuer Mussolini le 4 novembre mais manque sa cible et se retrouve en prison. Il est immédiatement jugé et condamné à trente ans de réclusion. Même s’il a agi à titre personnel, la police fasciste découvre assez vite de prétendus complices, afin de faire croire à la thèse d’un complot, et le gouvernement y trouve un prétexte pour ordonner la dissolution du Parti socialiste. Benito Mussolini dose habilement son jeu, désireux sans cesse d’apparaître comme le seul élément modérateur et ayant l’art de manier la carotte et le bâton.
La Britannique Violet Gibson a tiré, le 7 avril 1926, sur Mussolini et l’a blessé légèrement au nez. Immédiatement après son arrestation, elle déclare ‘être rendue à Rome pour « tuer le Duce et le pape ». L’enquête révèle que c’est une déséquilibrée qui a agi seule. Benito Mussolini, qui désire préserver de bonnes relations avec la Grande-Bretagne, ordonne que la coupable soit relâchée et expulsée d’Italie. Il conserve durant plusieurs semaines un pansement sur le nez. Cet attentat, soigneusement exploité par la propagande fasciste, excite l’opinion en faveur de Mussolini et engendre un climat dans lequel le délicat passage de la démocratie à la dictature peut s’effectuer sans trop de problèmes. Le Duce veut faire de l’Italie une nouvelle Rome : « Rome est notre point de départ. Elle est la référence, dit-il à ses fidèles. C’est notre symbole, notre mythe. »
Après l’attentat manqué de Violet Gibson, Clara Petacci, alors âgée de 14 ans et fervente admiratrice de Mussolini, lui écrit une longue lettre : « Mon Duce, notre vie, notre idéal, notre gloire, comment peut-il exister une âme aussi vile pour attenter au destin fulgurant de notre belle Italie ? Oh Duce, pourquoi n’étais-je pas là? Pourquoi n’ai-je pu étrangler cette femme assassine qui t’a blessé, être divin ?… » Mussolini a adressé une photo dédicacée à cette jeune fille.
Gino Lucetti, un jeune anarchiste venu de France, a jeté une bombe sur la voiture de Mussolini, qui n’a pas été touché, mais il y a eu quatre blessés. Lucetti a été condamné à trente ans de prison. Aujourd’hui, à Bologne, un coup de feu est tiré sur la voiture du Duce. Un jeune garçon de 15 ans, Anteo Zamboni, a été lynché sur place. Ces deux attentats sont toujours le fait d’isolés, mais l’opposition au régime ne cesse de s’organiser à l’étranger, malgré les difficultés matérielles. Leurs milieux fourmillent d’espions fascistes et d’agents provocateurs. La diversité des opinions est grande. On trouve des républicains, comme le comte Sforza ; des radicaux, comme Nitti ; des chrétiens, comme Luigi Sturzo ; des socialistes, amis de Pietro Nenni ou encore de Giuseppe Saragat. Les communistes Palmiro Togliatti et Umberto Terracini sont réfugiés en URSS. Mais aucune action sérieuse ne peut être entreprise pour tenter de renverser le Duce et son régime, qui bénéficient de la confiance de la majorité des Italiens et surtout des élites intellectuelles. Si des agents fascistes sont parfois exécutés et des explosions visent, dans la péninsule et à l’étranger, des bureaux occupés par les organisations fascistes, les opposants se bornent surtout à la publication de journaux. Des agents communistes tentent d’infiltrer les corporations afin d’y susciter des manifestations de mécontentement, mais le régime se révèle, là encore, le plus fort et le plus habile.