Les tribunaux de l'inquisition au Moyen Âge

Le système de répression mise en place par l’église au cœur du Moyen-âge n’a rien à envier aux dictatures policières des temps modernes.

Les mots de l’inquisition.

Hérésie – Du grec hairesis (élire, opter). Au sens religieux catholique, c’est une interprétation de l’Evangile non conforme à celle admise par l’Eglise.
Abjuration – Pendant l’Inquisition, action de renier solennellement l’hérésie en prêtant serment lors d’un procès public.
Relaps – Désigne un récidiviste, celui qui rechute dans l’hérésie après avoir abjuré ou est seulement suspecté d’avoir repris contact avec des hérétiques. Le relaps subit son châtiment sans qu’il y ait besoin de nouveau procès.
Autodafé – Il désigne I’ acte de foi consistant à l’énoncé des sentences de l’Inquisition dans une cérémonie publique. Le sens actuel de « brûler des livres» n’est survenu qu’après l’apparition de l’imprimerie lorsque des ouvrages interdits étaient brûlés en place publique.
Mur étroit – Système d’incarcération utilisé par l’Inquisition en détention préventive ou en peine de longue durée, voire à perpétuité.
Dans la variante la plus dure le prisonnier, à l’isolement total dans un espace ne permettant que la station debout, entravé aux pieds et enchaîné, est condamné à être tourmenté à jamais par le pain de la douleur et l’eau de la détresse. Peu de détenus en réchappent.

L'hérésie cathare et l'inquisition

En pratique, les choses se passent brutalement s'il s'agit d'un hérétique avouéPériode de rigueurs implacables. L’hérésie est abattue militairement; mais les parfaits continuent de prêcher et le nombre des croyants est encore considérable. Les prisons inquisitoriales sont bientôt pleines. On fait périr par le feu les hérétiques endurcis, les autres sont condamnés à la prison perpétuelle. S’ils se repentent et passent franchement au catholicisme romain, ils peuvent se tirer d’affaire par un pèlerinage en Terre Sainte. Mais c’est à la condition de confesser spontanément son erreur. Si, au lieu de cela, l’hérétique se laisse dénoncer, tout change.
En pratique, les choses se passent brutalement s’il s’agit d’un hérétique avoué. Pour les suspects on prend des formes, surtout dès que la grande guerre religieuse du Midi a pris fin. Un homme n’est que soupçonné. Un bruit public a couru. Cela suffit. S’il s’y ajoute une dénonciation, l’inquisiteur, déjà alerté, n’a pas une minute à perdre. Il lance une citation. Untel est invité à comparaître devant le tribunal de l’Inquisition au couvent des Frères prêcheurs.
Le curé reçoit la citation. Et il la signifie à son paroissien en présence de témoins dignes de foi. Le dimanche suivant, il la renouvelle, du haut de la chaire, en présence du clergé et du peuple. Et il en est ainsi trois dimanches ou trois jours de fête consécutifs.
Si le suspect se présente au jour dit en personne ou représenté par un procureur, l’interrogatoire pourra commencer. S’il ne se présente pas, il est contumax et encourt l’excommunication provisoire.
Au bout d’un an (l’inquisiteur en ce temps-là, à Toulouse, n’est pas pressé) le suspect est cité à nouveau, et s’il ne se présente pas, il est frappé de l’excommunication définitive. L’excommunication définitive est grave; elle entraîne l’interdiction pour les fidèles de communiquer avec l’homme. Elle entraîne aussi pour les fidèles qui en sont avisés, l’obligation de le dénoncer.
L’inquisiteur requiert alors le pouvoir civil d’arrêter l’homme et de le remettre, soit à son messager, soit à un sergent désigné, ou à l’un de ses notaires, voire, plus simplement, au geôlier de la prison inquisitoriale. Si le pouvoir civil prête main-forte aux agents de l’inquisiteur, la requête est rédigée en termes comminatoires : l’inquisiteur se prévaut de l’autorité du pape et de celle du roi.

L'accusé devant l'inquisiteur.

Les tribunaux de l'inquisition au Moyen ÂgeVoici l’homme devant l’inquisiteur. Celui-ci a la dénonciation sur la table. Il ne la montre point au suspect, car le dénonciateur peut être parfois un hérétique qui veut se faire passer pour un bon catholique. Ou bien un père qui dénonce son fils, un fils son père, un mari sa femme, une femme son mari. Grégoire IX a permis ces horribles entre-égorgements familiaux (lettre à Robert le Bougre du 19 avril 1233). Mais il a averti les inquisiteurs qu’il fallait prendre soin que l’hérésie ne fût pas un faux prétexte pour condamner un adversaire.
L’inquisiteur ou son substitut entame l’interrogatoire en présence de deux religieux « doués de discernement ». Point d’avocat.
Un notaire ou deux personnes idoines pour transcrire les procès-verbaux. Les questions sont précises, établies à l’avance. Les réponses ne sont pas transcrites intégralement. Le notaire fera un analytique. Selon Bernard Gui, qui plus tard codifiera ces règles, on serre ainsi la vérité de plus près.
L’inquisiteur dispose d’un pouvoir discrétionnaire. Le point essentiel est de ne pas commettre d’irrégularité. Si l’inquisiteur en commet une alors qu’il s’agit de la vie d’un homme, de son honneur, de l’honneur et de la sécurité des siens, son assistant lui donne l’absolution, et tout est dit.

Le feu, la corde et l'eau

Le feu, la corde et l'eauLe suspect peut se reconnaître coupable. C’est l’aveu qui règle tout. S’il n’avoue pas, il peut être reconnu coupable par preuve testimoniale. L’inquisiteur accepte les témoignages d’infâmes : voleurs, assassins, prostituées, excommuniés. Ils sont valables. Mais les noms de ces témoins sont tenus secrets : le suspect, déjà inculpé, peut-être, ne sait pas qui l’accuse.
L’inquisiteur est libre, pour obtenir l’aveu, d’employer le système de contrainte qui lui plaît. La chose la plus simple et qui donne souvent (pas toujours cependant) de bons résultats à Bernard Gui, est de consigner le suspect, des jours durant à la porte de l’inquisiteur. La honte, la crainte des quolibets du public poussent l’homme aux aveux pour en finir.
Puis il y a la détention qui fait comprendre l’intérêt qu’on peut avoir à dire la vérité. On la combine avec le jeûne. Le séjour dans la nuit, l’humidité de cachots presque toujours affreux (dans certains, l’homme ne peut s’étendre; dans d’autres, en forme d’œuf, il ne peut pas se tenir debout), la présence des rats qui attaquent le malheureux incapable de se défendre, avec entraves aux poignets, chaînes aux chevilles, tout pousse le détenu à tenter de se libérer par l’aveu exigé.
S’il ne cède pas, l’inquisiteur emploie la torture à proprement parler, le feu, la corde (l’estrapade), l’eau, sous la seule réserve que l’inculpé ne doit être ni mutilé, ni mis en danger de mort. Cependant, les registres ne mentionnent jamais son application. C’est qu’au sortir des mains des tourmenteurs, le patient est interrogé à nouveau, et soi-disant librement, pour qu’il confirme ses aveux.
Clément V, alerté par les plaintes contre les excès de la torture (l’inquisiteur voulait à tout prix savoir, et le plus souvent, créait le crime par son obstination imbécile) essaya d’imposer la règle selon laquelle la mise à la question, ainsi que la surveillance des prisons appartiendraient conjointement aux évêques et aux inquisiteurs. Mais Bernard Gui, entre autres (et l’on peut croire que la réaction fut à peu près générale) cria, protesta. Et ses protestations n’ayant pas eu d’effet, il s’entendit avec les évêques, plus ou moins dominés par lui et qui lui déléguèrent leurs pouvoirs.

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