L'accident mortel de Henri II dans un tournoi

Héritier de François Ier, Henri II est décédé le 10 juillet 1559 des suites d’une blessure reçue lors d’un tournoi onze jours auparavant. Pendant ces quelques jours, le roi présente un tableau clinique évolutif très bien décrit par deux consultants de grande classe, Ambroise Paré et André Vésale, et résultant d’une plaie de l’œil sans fracture de l’orbite, d’une accumulation de sang, un hématome, situé dans l’occiput gauche, enfin d’une zone d’atteinte cérébrale à ce niveau.
Paré et Vésale, qui ont parfaitement analysé la symptomatologie et suivi avec rigueur l’évolution de la blessure, puis détaillé les lésions anatomiques constatées à l’autopsie, ont-ils laissé passer l’heure de l’intervention chirurgicale et mal posé l’indication ? Si leur démarche paraît le plus souvent proche de la pensée médicale actuelle, leur manque d’audace chirurgicale peut prêter le flanc à la critique. On peut regretter le manque de hardiesse d’Ambroise Paré qui a laissé évoluer la formation de l’hématome ; mais pouvait-il prendre le risque d’une telle intervention dans les conditions médico-chirurgicales du XVIème siècle ? Nous ne le pensons pas. Jusqu’au début du XX° siècle, l’ouverture de la dure-mère lors de semblables interventions était jugée extrêmement dangereuse vu le risque d’infection méningée. Aujourd’hui Henri II aurait probablement survécu, mais ce n’est pas absolument certain.

Chronique d’une mort annoncée
Un incroyable concours de visions et de prédictions avait prophétisé la mort en lice du roi Henri II. Ainsi l’évêque Luc Gauric, astrologue du pape, avait-il annoncé en 1552 que le roi devait absolument éviter tout combat singulier lorsqu’il aurait atteint sa quarantième année – Henri eut 40 ans le 31 mars 1559… L’oracle le plus saisissant, publié à Lyon dès 1555 – soit quatre années avant le drame – revient à Michel de Nostre-Dame, alias Nostradamus, qui, dans le trente-cinquième quatrain de ses fameuses Centuries astrologiques (1555), écrit : « Le lion jeune le vieux surmontera/ En champ bellique, par singulier duel,/ Dans cage d’or, les yeux lui crèvera,/ Deux classes [blessures] une, puis mourir, mort cruelle. » Faut-il préciser que Montgommery arborait les armes d’Écosse, un lion passant de gueules sur fond d’or ? Enfin l’empereur Charles Quint lui-même avait cru déceler, entre les deux yeux du jeune Montgommery, « un certain signe néfaste présageant la mort d’un des princes de la Fleur de Lys ».

Le tournoi fatal de Henri II

Le roi Henri II, cramponné au cou de sa monture, tombe dans les bras de ses écuyers

Le 30 juin 1559, jour du tournoi fatal. Ce jour-là, il fait chaud, terriblement chaud. Catherine et Diane voient Henri pénétrer dans la lice. Le roi arbore, comme d’habitude, les couleurs de la femme qu’il adore depuis tant d’années, les couleurs de Diane, blanche et noire, ainsi que les deux initiales H et D étroitement enlacées… Les deux femmes s’étonnent.
Comment? Le roi, amant de l’une, mari de l’autre, désire encore combattre alors qu’il a déjà ébranlé le duc de Savoie sur sa selle, puis résisté avec courage à l’assaut du duc de Guise? Mais Henri veut disputer une troisième course. La reine Catherine lui fait cependant demander d’arrêter la rencontre: C’est justement pour vous que je veux combattre, lui fait-il répondre galamment.
Son adversaire, le capitaine de la garde écossaise, le comte de Montgomery, souhaite, lui aussi, interrompre le combat. C’est un ordre ! lui rétorque le roi. Et pourtant, le cheval d’Henri porte le nom de Malheureux… N’est-ce pas là un présage ? Le cœur de Diane bat à grands coups. A-t-elle lu dans Les Centuries de Nostradamus cette prédiction concernant la fin d’Henri II et où le mot duelle rime avec mort cruelle?
Les deux adversaires foncent une seconde fois l’un vers l’autre. La lance de Montgomery s’est brisée lors de la première rencontre. Le capitaine aurait dû prendre une autre arme. Il semble n’y avoir pas pensé. Au grand galop, les deux cavaliers se ruent pour un ultime assaut. Tous voient avec horreur le tronçon de la lance glisser sur le casque royal, ouvrir la visière et pénétrer dans l’œil du roi. Henri chancelle puis vacille, tandis que les plumes noires et blanches de son casque se mêlent au panache noir et blanc dont est également coiffé Malheureux. Le cheval s’arrête de lui-même au bout de la piste. Le roi, cramponné au cou de sa monture, tombe dans les bras de ses écuyers.
Une clameur d’effroi monte de la foule. Dans la tribune, les deux femmes se sont levées, bouleversées… Livides, elles quittent leur place le cœur battant et descendent vers la lice. Quel spectacle !
La blessure du roi est atroce. La lance est entrée par l’œil droit et sortie par l’oreille ! Montgomery sanglote. Henri trouve encore le courage et la force de lui dire: Ne vous souciez pas… Vous n’avez pas besoin de pardon… Vous avez obéi à votre roi comme un bon chevalier..
Le blessé est transporté au château voisin des Tournelles. Avec courage, Henri exige de gravir à pied le grand escalier. On le soutient.

Les scrupules d'Ambroise Paré

Dans le château, ce ne sont que pleurs et gémissements. Diane, les larmes aux yeux, n’ose pas entrer dans la chambre du roi. Le dauphin François, bientôt le roi François, qui est tombé évanoui tout à l’heure, se tient maintenant debout, atterré, à côté de la si jolie Marie Stuart, toute pâle. Ils vont régner, et tous deux n’ont que 15 ans ! Des enfants, les futurs Charles IX et Henri III, la jeune Margot, qui épousera Henri IV, et le petit Alençon, errent dans la demeure à l’abandon.
Diane apprend que le premier médecin, Jean Chapelain, est en train de laver le visage du blessé avec du vinaigre et de l’essence de rose. Après avoir tenté d’enlever de nombreux éclats de bois de la lance qui se sont plantés dans l’effroyable blessure, les chirurgiens posent maintenant les premiers pansements.
Le 3 juillet, André Vésale, premier médecin de Philippe II, arrive de Bruxelles. Il prescrit de nettoyer la plaie avec des blancs d’oeufs et de servir au blessé de la rhubarbe et de la mumie. Mais il ne peut faire mieux que ses confrères. Les souffrances du roi sont épouvantables. Une seule fois pourtant, il pousse un hurlement de bête qu’on égorge, tandis que s’affairent toujours les médecins autour de lui. Enfin, Ambroise Paré, venant de Touraine, se rend au chevet du blessé. Connaissant l’affection que celui-ci lui porte, la crainte le paralyse. Il n’ose pas agir comme pour le Balafré à Dormans. Il s’était alors emparé d’une tenaille de maréchal ferrant et, s’arc-boutant du pied sur la tête de François de Guise, il avait arraché le morceau de lance de la plaie. Cette fois, il tremble et se contente d’enlever par le nez du roi quelques fragments de l’arme de Montgomery. Mais du pus s’écoule déjà de la blessure…
Le lendemain, on annonce à tous que le blessé va un peu mieux. On décapite alors bien vite quelques condamnés enfermés au Châtelet et on porte leurs têtes chez Ambroise Paré, qui enfonce un «trousson» de lance tronquée par chaque oeil droit et en direction de l’oreille. Mais ces affreux essais n’apportent aucune précision sur les méthodes à employer. On joue de la musique douce au chevet du roi…
Néanmoins, le soir du 5 juillet, la fièvre monte, un abcès s’est formé dans la tête et les souffrances d’Henri deviennent inhumaines. Le dimanche 9 juillet, le roi reçoit la communion. Le dauphin s’approche du lit et le mourant lui serre les mains en signe de bénédiction… Le futur François II perd à nouveau connaissance. Il est question de tenter l’opération du trépan… C’est-à-dire de percer la boîte crânienne, mais les chirurgiens ne parviennent pas à se décider à prendre cette terrible responsabilité.

Le mariage de Marguerite la sœur de François 1er

Henri II se sait perdu. Son corps ruisselle d’une sueur de mort

Henri II se sait perdu. Son corps ruisselle d’une sueur de mort… et il exige que soit célébré le mariage de sa soeur Marguerite, union prévue par le traité de Cteau Cambrésis. La cérémonie ressemblait mieux à un convoi mortuaire et à des funérailles qu’à tout autre chose, car, au lieu de hautbois et violons, ce n’étaient que pleurs, sanglots, tristesse et regret; et pour mieux représenter un enterrement, ils s’épousèrent un peu après minuit, en l’église Saint-Paul, avec torches et flambeaux.
Tandis qu’Henri II agonise, Diane demeure cloîtrée chez elle. Catherine a interdit l’entrée de la chambre royale à sa rivale et, le soir du 9 juillet, la reine lui a même envoyé un messager: Madame, je vous suis envoyé par Madame Catherine. La reine désire que vous lui remettiez les pierreries de la Couronne.
Très noblement, Diane se redresse et demande: Le roi est-il mort ? Non, Madame, mais on croit que Sa Majesté ne passera pas la nuit.
Je n’ai donc pas encore de maître ! Elle en aura un le 10 juillet. Ce matin-là, à une heure de l’après-midi, le roi expire. Il avait seulement 40 ans et un peu plus de 4 mois.

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