Son histoire est mouvementée. Avant 1940 on avait décidé d'adjoindre un 5" bureau aux quatre existant déjà au sein de chaque état-major. Son rôle était de s'occuper en particulier des menées antinationales. Cela n'avait pas très bien marché. Il avait été supprimé pour réapparaître en Indochine. Là encore il avait fait long feu. On ne savait jamais très bien quelles devraient être ses attributions.
En Algérie, c'était différent. Dès 1957, l'action psychologique lui avait été confiée. Dès 1958, le 5eme bureau se vit confier trois missions bien précises : la prise en main de la population, la protection du moral de l'armée et la protection du moral des populations: Lacheroy, puis Gardes donnèrent à ce 5eme bureau, dont ils avaient très vite saisi l'importance, une ampleur extraordinaire. Les slogans peints sur les murs des fermes, sur les rochers des djebels, les affiches de propagande, les émissions de radio les journaux du style Bled, les slogans hurlés par haut-parleurs, les contacts avec les musulmans fidèles, les campagnes contre les journaux progressistes qui protestaient contre les moyens employés pour la pacification, c'était le 5eme bureau.
Voulait-on la diffusion de cinq cents tracts dans tel douar ? C'était fait en un temps record par le 5eme bureau qui disposait de moyens énormes. La moitié de ses ressources financières venait d'ailleurs du service d'information du cabinet Delouvrier. Et Thibaud, qui devait par ce biais contrôler son action, avait reconnu que les moyens administratifs habituels par le canal des préfets et sous préfets n'arrivaient pas à la cheville du tout-puissant service du colonel Gardes. Ni l'efficacité ni la rapidité n'étaient comparables !
L'importance politique du 5eme bureau était essentielle. C'est lui qui était chargé de la diffusion, dans le cadre de l'action psychologique, des idées fortes du gouvernement. Dès le 13 Mai, le 5eme bureau avait suivi la ligne : l'Algérie, c'est la France, développant ainsi les thèmes de l'intégration. Très vite, Delouvrier avait constaté que le service d'action psychologique continuait à suivre cette ligne sans tenir compte des directives provenant de Paris à travers son cabinet. Alors qu'il ne faisait aucun doute que l'Elysée avait définitivement rejeté l'intégration, le 5e bureau continuait à en exposer et développer les avantages.
On avait l'impression que si la directive n'était pas strictement conforme à la politique du 5eme bureau elle ne passait plus. On sentait que cet outil parfaitement rodé échappait des mains du gouvernement. Ce bureau militaire risquait non seulement de ne plus être au service de la politique gouvernementale, mais encore de faire cavalier seul en propageant sa politique. On se rendait compte que cela pouvait donner jour à toutes sortes de mouvements. Il était pourtant impossible de le supprimer car il était utilisé sur d'autres plans par le commandement militaire et avec profit ! Il fallait le reprendre en main. Car c'était tout de même le seul moyen de toucher les populations locales.