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Un détonateur
L'affaire Stavisky

L'affaire Stavisky
et les émeutes
du 6 février 1934

Son nom reste à jamais attaché au scandale du Crédit municipal de Bayonne qui ébranla la IIIe République et s'acheva par la mort suspecte de l'homme aux cent visages. On le disait génial. Pourtant cet escroc perdait plus d'argent qu'il n'en volait!

Un détonateur : l'affaire Stavisky

Alors que Hitler est devenu, le 30 janvier 1933, chancelier d'Allemagne et que sous son autorité celle-ci va retrouver toutes ses forces et accentuer ses exigences, la France s'enfonce dans le marasme économique et politique.
Les derniers mois de 1932 avaient permis de constater des indices de ralentissement de la crise, voire de reprise économique, mais le glissement reprend nettement en 1933. Les prix agricoles continuent de s'effondrer. Dans tous les secteurs de l'industrie, la production baisse. Nos exportations chutent.
La dévaluation parait nécessaire, après celle de la livre en 1931 et du dollar le 19 avril 1933, mais à gauche comme à droite on ne veut pas en entendre parler. La tendance est plutôt à la déflation. Pour réduire le déficit budgétaire chronique, on ne songe qu'à augmenter !es impôts et à comprimer les dépenses. Le climat politique est tendu.
L'Union des Gauches se montre impuissante à faire face à la crise. De décembre 1932 à janvier 1934, quatre gouvernements radicaux-socialistes se succèdent : Paul-Boncour, Daladier (janvier-octobre 1933), Albert Sarraut (octobre-novembre 1933), Camille Chautemps (novembre 1933-janvier 1934). Le régime est de plus en plus discrédité. L'antiparlementarisme assoupi se réveille, les ligues recrutent. Une bonne partie des Français ressent confusément le besoin d'un ordre nouveau. Il suffira d'une étincelle pour provoquer l'explosion. L'affaire Stavisky va jouer ce rôle.

Stavisky ou Monsieur Alexandre

Stavisky ou Monsieur Alexandre
Né en 1886, à Slobodka, en Russie, Alexandre Stavisky a, depuis l'âge de vingt-deux ans, pratiqué tous les genres d'escroqueries. Plusieurs fois condamné, il s'est souvent moqué de la justice et de la police en changeant d'identité. Il est pourtant bien connu d'elles. Dès février 1914, une fiche le décrit en ces termes :
« Type parfait du chevalier d'industrie, capable d'entreprendre quoi que ce soit pourvu qu'il en tire profit. »
Et une autre ajoute :
« Sait utiliser avec une habileté incroyable les relations et les influences qu'il a su se ménager dans les milieux les plus divers. »
En 1926, son père, dentiste à Paris, s'est suicidé en apprenant les malversations de son fils. Celui-ci finit par être arrêté en juillet de la même année au cours d'une somptueuse soirée qu'il donne dans sa villa de Marly-le-Roi. En quinze ans, il a fait l'objet de vingt-quatre plaintes !
Le beau Sacha n'est pas homme à moisir longtemps en prison. Jouissant d'occultes protections, il est, en décembre 1927, remis en liberté conditionnelle. Six semaines plus tard, il épouse, à la mairie du VIIIe arrondissement, sa maîtresse, la belle Arlette Simon, un ancien mannequin de Mlle Chanel, dont il a deux enfants.
Il se redonne une virginité en se faisant appeler M. Alexandre. Le ménage mène grand train. On le voit à Cannes, à Deauville, à Biarritz. A Paris, il possède sa suite au Claridge. Il y est apprécié pour ses pourboires. Mme Alexandre est une des plus jolies femmes de la capitale. Le Tout-Paris se presse à leurs réceptions.
Et c'est alors que Stavisky-Alexandre va monter, avec l'aide d'une bande de complices, d'un ou deux députés et de l'intervention d'hommes politiques, la plus merveilleuse escroquerie de sa carrière : celle des bons des Crédits municipaux.

Le suicide de Stavisky

L'affaire Stavisky
Stavisky a disparu. Un mandat d'amener est lancé contre l'escroc en fuite. Le député Bonnaure finit par révéler qu'Alexandre s'est réfugié dans une villa de Chamonix dont il livre l'adresse. La police se met en branle avec une si sage lenteur, entoure si bruyamment la maison... qu'elle laisse à Stavisky le temps de se suicider. Il faut avouer que cette mort est entourée de circonstances si étranges que personne à Paris ne veut y croire. On a, affirme-t-on, supprimé Stavisky parce qu'il savait trop de choses et qu'il pouvait, en parlant, compromettre trop de gens. En effet, l'avocat de l'escroc n'est-il pas Albert Chautemps, le propre frère du président du Conseil, et le procureur général Pressard, le beau-frère de Chautemps? Plusieurs ministres et quelques députés ne sont-ils pas compromis?
« Le cadavre bafouille », écrivait Maurice Barrès lors du scandale de Panama, après un suicide aussi mystérieux. Le cadavre de Stavisky ne risque pas, lui, de bafouiller...
Mais, dans le pays, la fièvre monte. Dès le lendemain du drame de Chamonix, des manifestations se produisent autour de la Chambre. Les ligues nationalistes appellent leurs adhérents à descendre dans la rue. On crie : « Assassins! Voleurs! A la porte! » La police contient malaisément la foule.
On connaît la suite et comment l'affaire Stavisky déboucha sur les émeutes du 6 février et la formation du gouvernement Doumergue.
Mais l'affaire Stavisky n'est pas terminée. Tandis que, dès le 14 février, les commissions d'enquête se mettent au travail, on découvre quelques jours plus tard, sur la voie ferrée, près de Dijon, au lieu dit la Combe-aux-Fées, le cadavre décapité d'un homme qui n'est autre qu'un conseiller à la Cour d'appel de Paris, Prince, qui devait le lendemain déposer sur l'affaire devant les commissions. Sa serviette, qui contenait d'importants documents, a disparu. Le conseiller a sûrement été drogué. Il a été attaché aux rails par la cheville. S'est-il suicidé? L'a-t-on suicidé pour éviter de nouvelles révélations ? On en discutera indéfiniment. La lumière n'a pas encore été faite si jamais elle doit l'être.
Les commissions d'enquête n'aboutiront à aucun résultat. Les politiciens véreux ont disparu, chassés de leur parti. Quant aux complices de l'escroc, ils ne seront jugés que dix-huit mois plus tard, en novembre 1935. A ce moment, le Front populaire est constitué et lutte contre les ligues. L'affaire qui a provoqué sa formation semble loin, un peu oubliée. Après trois mois de débats, Arlette Stavisky et Dubarry sont acquittés ainsi que neuf autres inculpés. Tissier, le plus durement frappé, est condamné à sept ans de travaux forcés, les autres s'en tirent avec des peines de prison plus ou moins fortes.
Le plus grand scandale financier qui ait éclaté entre les deux guerres s'achève misérablement. Mais les conséquences politiques s'en poursuivront jusqu'à la chute de la IIIe République, qu'il a sérieusement ébranlée.

Le coup fantastique

Le mécanisme est d'une simplicité enfantine. Les Crédits municipaux (nom sous lequel se cachent pudiquement les anciens monts-de-piété) sont autorisés à prêter sur gages et à émettre en conséquence des bons à intérêt qui trouvent d'autant plus facilement preneur dans le public que leur valeur est représentée par les gages déposés dans ces établissements et qui sont vendus quand les emprunteurs ne peuvent pas les rembourser. Encore faut-il que le nombre de ces bons et leur montant n'excèdent pas la valeur des gages.
A Orléans, en s'assurant la complicité du directeur du Crédit municipal, Stavisky a pu faire émettre d'innombrables bons... et encaisser quarante-quatre millions. Un peu brûlé dans le chef-lieu du Loiret, il recommence l'opération à Bayonne avec l'aide du maire de la ville, d'un député radical-socialiste, Garat, et naturellement du directeur du Crédit, Tissier, un homme à sa dévotion. Les ministres du Travail et du Commerce, Dalimier et Jules Durand, ont donné leur accord. Le budget du Crédit municipal de Bayonne passe ainsi de quarante millions en 1931 à cent en 1932. Garat trouve en Stavisky un homme toujours prêt à l'obliger financièrement et de même Albert Dubarry, publiciste véreux dont la feuille, la Volonté, vit de chantage et des fonds secrets.
Aux élections de 1932, Stavisky et Dubarry font élire à Paris un avocat qui vit dans l'entourage de la bande, Bonnaure. On ne saurait avoir trop d'appuis au Parlement! Grâce à Dalimier, Bonnaure obtient que les bons de Bayonne soient placés auprès des compagnies d'assurances « en quantités aussi importantes que possible ».
Cependant, M. Alexandre commence à s'inquiéter. Le découvert du Crédit municipal de Bayonne atteint des proportions effarantes. Alors, il imagine un coup fantastique sur le fonds agraire chargé d'indemniser les propriétaires hongrois dépossédés par le traité de Trianon. Il voudrait se faire attribuer la distribution de ce fonds, se procurer ainsi plusieurs centaines de millions et rembourser de cette manière les bons de Bayonne. Mais le ministre des Finances, Georges Bonnet, se méfie et, malgré les efforts d'un homme de paille placé dans son cabinet, l'affaire échoue au moment où le scandale éclate.
Ce ne sont d'abord que quelques lignes dans la presse parisienne à la fin de décembre 1933. Arrêté, Tissier avoue que M. Alexandre n'est autre que Stavisky et, aussitôt, l'affaire prend une ampleur démesurée. On révèle comment le beau Sacha a bénéficié de dix-neuf remises de peine, de quelles protections il n'a cessé de jouir. Chaque jour, c'est un nouveau nom qui est livré en pâture au public.
bas
1886 : Naissance à Slobodka, en Ukraine, d'Alexandre Stavisky.
1898 : Il émigre en France avec son père, Emmanuel, et son grand-père, Alexandre. Il est naturalisé en 1900.
1914 : Première condamnation, amnistiée.
1926 : Séjour de 17 mois à la Santé.
1929 : Affaire du Crédit municipal d'Orléans.
1930 : Création du Crédit municipal de Bayonne.
1934 : Suicide dans un chalet de Chamonix.