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Vivre sous la dictature

Une dictature
militaire et policière

Les dictateurs
du XXe siècle

En trente-cinq ans de pouvoir, le Raïs irakien a établi un régime dictatorial et répressif, qui devait moins à l'idéologie qu'aux solidarités familiales, tribales, régionales et religieuses. Conduisant l'État à sa déliquescence.

Une dictature militaire et policière

La réalité de ce régime, c'est une dictature qui ne tient que par le nombre des forces militaires et policières. L'armée régulière comprenait cinq corps, tous reliés à un état-major, soit 450000 hommes avant la guerre du Koweït— elle ne comptait plus après la guerre du Golfe et les sanctions internationales que 280 000 hommes (sur une population, à l'époque, de 22 millions d'habitants). Saddam Hussein était le chef suprême des armées. De fait, il refusa d'écouter les généraux dans la guerre contre les États-Unis en 2003, précipitant le désastre irakien.
Cette armée régulière était doublée par la garde républicaine : une unité militaire comprenant douze divisions (plusieurs dizaines de milliers de soldats d'élite) ; cette organisation était dirigée par Saddam Hussein en personne, par un membre de sa famille ou par une personne originaire de la ville natale de Tikrit.
En 1983, pendant la guerre Iran-Irak, Saddam Hussein lui adjoignit la garde spéciale républicaine (quelque 20000 à 30000 hommes). Elle se distinguait de la précédente par un armement très moderne (chars, missiles ou avions), le tout sous le contrôle des services de sécurité et d'un membre très proche de la famille du dictateur. Les membres de cette garde bénéficiaient de larges prérogatives et de compensations financières importantes. Son siège se trouvait à l'intérieur même du palais présidentiel à Bagdad. Il ne faut pas s'étonner qu'une bonne partie des insurgés arabes sunnites actuels aient appartenu à cette force spéciale, leur savoir-faire et leur sang-froid profitant largement à la violence antigouvernementale et antiaméricaine en Irak.
Pour assurer la sécurité personnelle du président, il existait en outre la garde spéciale présidentielle (ou AlJihaz al-Khas) d'environ 15 000 hommes. Le commandement de cette organisation très sensible était placé sous l'ordre d'un parent direct de Saddam Hussein, et dans les derniers temps sous l'autorité de son fils cadet, Qoussaï. Cette garde était répartie sur tout le territoire, partout où Saddam Hussein pouvait séjourner ou se cacher. C'est elle qui contrôlait en particulier les 65 palais et lieux de la présidence.
Un membre type du Jihaz avait environ 25 ans, avait été recruté dans une ville modeste située dans le triangle sunnite. Après avoir subi six mois d'un rude entraînement physique, il passait deux autres mois à étudier intensivement les structures des différents mouvements d'opposition, les techniques d'assassinat, les procédés d'inspection électronique, l'utilisation des explosifs, les modes de protection des sites stratégiques. Il devait également recruter des collaborateurs. Outre des salaires généreux, les membres du Jihaz bénéficiaient d'appartements élégants à Bagdad dans une résidence sous haute surveillance, à proximité du palais présidentiel.
Aucun endoctrinement idéologique n'était nécessaire pour transformer l'envie qu'inspirait à ces hommes la vie luxueuse promise en sentiment de gratitude à l'égard de leurs dirigeants. Il s'agissait pour eux de suivre les traces de Saddam Hussein et de la plupart des autres personnalités influentes du régime, qui avaient quitté comme eux leur ville natale, privée de ressources, en quête d'une personne au bras long capable de leur procurer de modestes emplois à Bagdad. Ainsi se sont cimentées les solidarités familiales, tribales, confessionnelles, régionales, qui donnaient sa solidité au régime.
La fidélité sans borne des membres du Jihaz vis-à-vis de Saddam Hussein se traduisait par le fait qu'ils n'utilisaient jamais de titres officiels pour le désigner, mais le terme « Ammi », « oncle paternel ». C'est également le mot employé par les domestiques pour parler de leur maître...

Les services de sécurité

Milices saddam Hussein
Pour s'assurer du maintien de l'ordre, le pays comptait également deux milices. La Fedayin de Saddam (le « commando de Saddam ») fut de loin la plus importante. Elle comptait environ 60000 hommes. Placée sous l'ordre de Oudeï, fils aîné de Saddam, en 1994, elle fut dirigée par Qoussaï, deux ans plus tard, à la suite d'une tentative d'assassinat qui laissa Oudeï gravement blessé. Cette organisation fonctionnait de façon autonome, comme un État dans l'État, au point de posséder sa propre banque, ses sociétés de transports terrestres, ses maisons d'édition, ses journaux et ses chaînes de télévision.
Milice du parti Baas, la Al-Jaïsh al-Chaabi (« armée populaire »), fut confiée à un compagnon de Saddam Hussein, Taha al-Jazrawi. Ce dernier (originaire de Mossoul) faisait parti du noyau dur qui entoura le Raïs jusqu'à la fin.
Enfin, on comptait cinq à six redoutables services de renseignements et de sécurité. L'État policier fonctionnait selon un mélange efficace de modernité et d'allégeance.
Les archives des Renseignements généraux-Cinquième Section (AlShuba al-Khamisa) que les Irakiens ont pu découvrir après la chute du régime montre la méthode grâce à laquelle Saddam Hussein encourageait personnellement ce qu'il appelait le sens du devoir et le sentiment de loyauté chez les membres de ce système de terreur : conférences périodiques, cadeaux offerts par les hauts fonctionnaires et suggestions sur la manière d'améliorer les résultats. Les directives et les rapports que s'échangeaient les membres de ce service entre eux étaient truffés d'expressions qui visaient à accroître le sentiment d'appartenance à une famille soudée. Saddam Hussein pouvait ainsi qualifier les agents de « militants loyaux, purs, fidèles et glorieux ».
Au quartier général du service de renseignements de Bagdad a été créée une administration spéciale (idarat al-tablighat) dont la principale fonction semblait d'informer les officiers des événements qui survenaient dans la vie personnelle de leurs collègues (mariages, naissances, décès, etc.), de sorte qu'ils puissent s'envoyer mutuellement des télégrammes de félicitations ou de condoléances.
La multiplication de ces services de police, de renseignements et de sécurité montre comment le régime, perdant progressivement ses soutiens dans la population, ne dut sa survie qu'à la répression, la violence, la terreur. En ce sens, la guerre du Golfe marque un tournant décisif : l'absurdité d'envahir le Koweït, la logique tribale de razzia que cette opération révéla, finit de détacher la population du Raïs, déjà épuisée par la longue guerre contre l'Iran. A quoi s'ajoutèrent les effets dévastateurs de l'embargo imposé à la suite de la défaite de 1991.

Saddam Hussein, Geôlier et prisonnier

Saddam Hussein prisonnier
Le dictateur déchu se plaint de ses conditions de détention ! Des conditions pourtant
"confortables", juge un ancien prisonnier du régime baasiste.

Quand j'entends que Saddam Hussein et certains de ses complices se plaignent de leurs conditions d'emprisonnement, je ne peux m'empêcher de me remémorer les années noires que moi-même et mes amis avons passées dans les geôles de l'ancien régime, à Abou Ghraib ou ailleurs. Avec mon père et des dizaines d'autres membres de ma famille, nous avons été mis au cachot durant huit années, sans acte d'accusation, sans intervention d'un juge, sans procès. Selon le ministre des Droits de l'homme irakien, Bakhtiar Amine, qui s'est rendu à la prison où est enfermé Saddam Hussein, ce dernier bénéficie d'une cellule individuelle de quatre mètres sur trois, entièrement peinte en blanc et équipée d'une climatisation. Quant à nous, nous nous entassions dans un sinistre trou aux murs nus, où nous transpirions à grosses gouttes et respirions l'air saturé sans même oser rêver de climatisation, même durant les journées chaudes de juillet, même durant les nuits moites passées à nous demander quand sonnerait notre dernière heure. Je me souviens de l'un de nos camarades d'une cellule voisine qui s'était plaint un jour auprès du directeur général, venu montrer notre prison au chef régional des services de sécurité, de la dureté des conditions que nous subissions. Nous ne l'avons jamais revu.
Les petits déjeuners à l'américaine de Saddam
Dans la cellule du prisonnier Saddam Hussein, il y a un lit et un petit bureau avec une chaise en plastique. Quant aux cellules du bourreau Saddam Hussein, on s'y couchait à même le sol, les corps collés les uns aux autres. Le prisonnier Saddam Hussein commence sa journée par un copieux petit déjeuner d'une valeur nutritive de 1 300 calories et poursuit avec deux repas chauds garnis de riz, de pommes de terre, de légumes, de poisson ou de viande, le tout complété par des fruits. Quant aux prisonniers de Saddam Hussein, ils n'en pouvaient plus de leur bouillie verte à l'odeur écoeurante. Leur manière de surmonter le dégoût qu'elle inspirait était de compter le nombre de cailloux qui heurtaient leurs dents quand ils l'ingurgitaient. L'ancien président a "appris à apprécier" les petits déjeuners à l'américaine, selon l'expression du ministre des Droits de l'homme irakien, alors que nous appréciions notre gobelet de thé quotidien. Il était distribué à midi, mais nous le transvasions dans un T étrapak vidé et enveloppé dans des chiffons dans l'espoir de le conserver au chaud jusqu'au lendemain matin afin de pouvoir y tremper notre bout de pain sec. Le prisonnier Saddam Hussein reçoit chaque jour son eau minérale pure avec des glaçons. Quant à la gestion de l'eau dans la prison d'Abou Ghraib des années 1980, elle s'organisait à l'intérieur de chaque cellule : on désignait un responsable qui distribuait les rations d'eau en puisant dans un tonneau à l'aide d'un verre à thé, jalousement surveillé par chacun afin d'empêcher tout détournement de cette maigre ressource.
Saddam Hussein dispose d'une salle de bains avec douche, d'un kit de rasage complet, d'une brosse à dents, de dentifrice, d'un peigne, de shampoing et de déodorant. Quant aux prisonniers de Saddam Hussein, la seule installation sanitaire à leur disposition était un seau dont ils devaient évacuer eux-mêmes tous les matins ce qui y avait été accumulé durant la nuit par les incontinents, les diarrhéiques et tous les autres, souvent atteints d'infections intestinales sans qu'ils aient pu compter sur le moindre traitement médical.
L'ancien président a quotidiennement la possibilité de faire du sport dans un petit jardin planté de palmiers. Quant aux prisonniers de Saddam Hussein, on ne leur laissait pas voir le soleil un seul instant. Selon le ministre des Droits de l'homme irakien Bakhtiar Amine, Saddam Hussein bénéficie de soins médicaux de haute qualité. Quant aux victimes de Saddam Hussein, elles étaient des centaines à se partager un seul médecin, alors que la prison était un milieu idéal pour la propagation de toute sorte de maladies, de la gale à la tuberculose, dont souffraient plus de la moitié des prisonniers. Sans parler des plaies provoquées par les fouets qui s'abattaient sur les corps, les transformant en tas de chair sanguinolents.
Alors que Saddam Hussein peut lire ce qu'il veut, y compris les éditoriaux de "toute la presse", ainsi que les 145 livres mis à sa disposition par la Croix-Rouge, qui rend visite au détenu tous les quatre mois, il était interdit à ses anciens prisonniers de détenir le moindre bout de page jaunie de la presse officielle.
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