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Les folies des dictateurs

Kim Jong-il
Un despote à rire
ou à pleurer

Les dictateurs
du XXe siècle

Le satrape stalinien a gardé une âme
d'enfant. Sa passion ? Daffy Duck.
Ses malheureux sujets, eux, ne s'en remettent qu'au Programme
alimentaire mondial.

Kim Jong-il... Une âme d'enfant

On peut demeurer un stalinien de choc, défier le Pentagone, considérer ses semblables comme autant d'insectes, et conserver une âme d'enfant. Kim long-il a ainsi consacré une section entière de son imposante vidéothèque aux dessins animés. Tout spécialement à Daffy Duck, le canard irascible, qui, on ne sait pourquoi, le met en joie.
Son rejeton, Kim Jong-nam, partage sa passion des petits Mickey au point d'avoir été arrêté à l'aéroport de Hongkong, en 2001, pourvu d'un faux passeport. Il ambitionnait de se rendre au Disneyland de Tokyo. Promptement rapatrié, il doit, dit-on, son actuelle disgrâce à ce regrettable faux pas.
Kim Jong-il n'a jamais hésité à braver le qu'en-dira-t-on pour satisfaire sa passion du septième art. C'est encore à Hongkong qu'il avait fait enlever, en 1978, l'actrice sud-coréenne Choi Eun-hee, de même que son époux, le metteur en scène Shin Sang-ok. Pour leur malheur, le satrape les adulait et s'était mis en tête de s'attacher leurs services pour qu'ils sortent du néant le cinéma nord-coréen.
Car même si son père, Kim Il-sung, continuait à être le dictateur en titre, son fils détenait déjà l'essentiel du pouvoir. Pendant cinq ans, ses deux « protégés » sont donc gardés au secret dans une villa des abords de Pyongyang. Ils ignorent d'ailleurs chacun que leur conjoint est tombé, lui aussi, dans les griffes du despote. Bon bougre, Kim Jong-il se décide enfin à leur révéler ses vrais projets au cours d'un fastueux banquet de réconciliation.

Cajoleries trompeuses

Kim Jong-il... Une âme d'enfant
Humblement, il implore leur pardon et leur avoue même qu'il a rédigé à ses moments perdus un opuscule baptisé, en toute modestie, Théories sur le cinéma. Abreuvé d'éloges mais étroitement surveillé, le couple tournera sept films pour le régime. L'un d'eux, One Way ission, remportera même un prix à un festival tchèque, en 1985 ! C'est le salut pour le duo qui profite de son séjour à Prague pour fausser compagnie à son escorte, gagner Vienne et trouver refuge à l'ambassade des Etats-Unis.
Par la suite, ils conserveront curieusement une sorte d'indulgence amusée pour leur ravisseur. Kim Jong-il, ses rages de sale gosse, ses talonnettes et sa coiffure savamment crêpée pour lui faire gagner quelques précieux centimètres... Ses trompeuses cajoleries et sa fureur homicide lorsqu'il fait fusiller son ministre de l'Agriculture, tenu pour responsable de la famine qui décime la population.
Le tyran sait aussi se montrer généreux : il fait distribuer aux apparatchiks bien notés des Mercedes qui affichent sa date de naissance sur leurs plaques d'immatriculation. Il a bien des passions : les pizzas, le cognac français et les homards « livrés quotidiennement », précise le diplomate russe Konstantin Pulikovsky, par hélicoptère lors de ses déplacements dans son somptueux train blindé (il a peur de l'avion).
Ces toquades, on s'en doute, laminent la résistance nerveuse de ses « collaborateurs », si tant est que le mot ait un sens pour cet égolâtre atrabilaire. Un jour, le « Soleil du XXIe siècle » trouve les rues de Pyongyang tellement belles sous la neige qu'il défend de les balayer. Le lendemain, il interdit aux citoyennes nord-coréennes le port du pantalon rouge, ou de s'asseoir en amazone sur le porte-bagages des vélos...

Colères apoplectiques

Les colères de Kim Jong-il
Peu résistent à cette alternance de propos mielleux et de colères apoplectiques. « Il est toujours difficile, note le psychiatre américain Jerrold Post, de succéder à un père talentueux, mais cela tient du pari impossible lorsqu'il s'agit d'un dieu qui a fait édifier dans le pays pas moins de 34 000 statues à sa propre gloire. »
Le Parti aura pourtant prodigué à Kim Jong-il les encouragements nécessaires pour qu'il se délivre de cette ombre obsédante. En 1997, une pétition « spontanée » exhorte l'Apparat stalinien à le placer à sa tête. « Des arbres ont refleuri en automne, ce qui prouve, écrit l'organe du Parti, que Kim Jong-il est le dirigeant le plus génial qui ait jamais vécu !»
Reste que ce cabotin omnipotent souffre secrètement que les dieux l'aient privé d'un quelconque talent oratoire. La seule phrase qu'on l'ait jamais entendu prononcer en public remonte à 1992 : il avait lancé « Gloire à notre héroïque armée ! » lors d'un défilé militaire. Un peu court pour publier une édition de luxe de ses discours.
Culte de la personnalité
Dans la lignée de son père, le Grand Leader de la nation, Kim Jong-il est qualifié de « Cher Leader ». En 1987, la propagande officielle l'a crédité d'avoir « créé un paradis que même Jésus-Christ ne peut donner ». Elle lui a également attribué les titres de « génie de la révolution ”, de héros et d'étoile polaire.
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Témoignage
L'école commence à 8 heures précises. On fait rappel deux fois par jour. Quel que soit son état de santé, un enfant n'a pas le droit de s'absenter. Les exercices d'écriture consistent à expliquer comment on n'a pas réussi à travailler dur et à suivre les règles du Parti. En cours, on n'a pas le droit de poser de questions. On ne parle jamais de la géographie du pays, de ses voisins, de son histoire. Nous apprenons à additionner et à soustraire, mais pas à multiplier ni à diviser. L'éducation physique se résume à courirdehors. Je n'ai vu mon premier ballon de foot qu'à 23 ans, quand j'ai fui en Chine.