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Les folies des dictateurs

Les caprices de Bokassa

Les dictateurs
du XXe siècle

Les tyrans fous, ceux qui allient à la terreur l'excentricité délirante, sont une race en voie de disparition, Jean-Bedel Bokassa, en costume napoléonien, se faisant sacrer enpereur de Centrafique est un bon exemple.

Rejouer la cérémonie du sacre de Napoléon

Jean-Bedel Bokassa
Jean-Bedel Bokassa a 18 ans quand il entre dans l'armée française en tant que tirailleur. Il a passé plus de vingt-trois ans sous les drapeaux, avant d'être transféré dans la nouvelle année de sa patrie naissante. Il avait alors le grade de capitaine, et son imaginaire avait été formé au sein de ce qui fut autre fois la Grande Armée. Il en avait adopté les codes et les mythes. Et comme tout bon soldat, son idole restait Napoléon Bonaparte. C'est cette admiration sans bornes qui le pousse ce jour de sacre à rejouer la cérémonie du 2 décembre 1804, celle qui vit le général Bonaparte devenir empereur des Français.
Son costume, une réplique de celui du maréchal Ney, reprend la longue et démesurée traîne de velours et d'hermine que le peintre Isabey avait imaginée alors pour le retour de la France à la monarchie. Un décret règle dorénavant la manière dont on devra s'adresser à l'empereur : Toute personne saluant Bokassa devra rester à six pas, en effectuant une légère inclinaison de la tête en avant. Pour lui répondre, les Centrafricains devront utiliser le oui majesté impériale. Le texte précise même : Si la situation impose vraiment une réponse négative, éviter d'émettre un non brutal. Jean-Bedel ne supporte pas qu'on lui dise non. Un mot qui ne doit même pas exister dans la bouche d'une femme.

Comme Joséphine devant Napoléon

Bokassa et la cérémonie du sacre de Napoléon
Avant de pouvoir trôner sur son siège en forme d'aigle géant d'une envergure de près de 10 mètres, Bokassa doit se saisir de la couronne impériale. Répétant le geste de Napoléon, il la pose lui-même sur sa tête. Tout a été millimétré par Olivier Brice, de la maison Michel Tellin, qui a été engagé pour reprendre le rôle d'Isabey. Un couac imprévu se glisse pourtant dans le déroulement des opérations. Bokassa oublie d'ôter les lauriers d'or qu'il porte alors. Dans un geste maladroit, il retire en hâte la couronne impériale, se défait des encombrants lauriers auprès d'un chambellan, avant de placer sa nouvelle coiffe pour la deuxième fois de la journée sur sa tête.
Comme Joséphine devant Napoléon, Catherine vient s'agenouiller aux pieds de l'empereur et recevoir de ses mains son diadème. Un David n'aurait d'autre choix que de peindre un nouveau Sacre de Napoléon.
Le pastiche de la cérémonie du 2 décembre 1804 à Notre-Dame est de ce point de vue réussi. Les gestes impériaux, consignés dans de nombreux souvenirs et illustrations, sont fidèlement reproduits. Certains éléments sont venus se rajouter au rituel napoléonien : Bokassa avoua dans une interview qu'il avait été fort influencé dans son choix par deux cérémonies précédentes. Le couronnement du shah d'Iran et le jubilé de la reine Elisabeth d'Angleterre. Les carrosses sont donc la réplique de ceux de Buckingham, et les experts se querellent toujours pour savoir quel élément aurait été importé de Perse. Bokassa tenant beaucoup à la discipline du cortège, il a organisé à quelques jours de la cérémonie des projections des deux événements à sa garde rapprochée, comptant sur chacun pour tenir aussi bien son rôle. Il leur conseille vivement de regarder également le Napoléon de Sacha Guitry, afin de parachever leur formation accélérée de parfait bonapartiste. Tous connaissent la partition qu'ils auront à jouer, sauf Catherine, qui a été tenue à l'écart jusque-là.

Un caprice de Bokassa

Un avion présidentiel décolle de Bangui, en août 1974, en direction de la France. Atterrissant à l'aéroport de Châteauroux, Bokassa constate avec mécontentement que son escorte de motards est trop faible pour le grand chef d'Etat qu'il est. Il remonte aussitôt dans son avion. Il faudra la visite de son ministre des Affaires étrangères auquel on accorde une double haie d'honneur de gendarmes motorisés, la fermeture de la route entre l'aéroport d'Orly et l'hôtel Intercontinental, ainsi qu'une entrevue avec le président de la République le jour même pour que Bokassa accepte de venir séjourner à nouveau en France. Il est de retour dès le 15 septembre, et reçoit dans son domaine de la Cottencière le nouveau président et son ministre de la Coopération.

3500 invité au mariage de Bokassa

Le transport du couple et de ses invités n'a pas été une mince affaire. Il a fallu se procurer 60 Mercedes expédiées par bateau au Cameroun, et acheminées par avion sur les bords de l'Oubangui. Les chevaux traînant le carrosse aux allures windsoriennes proviennent du Haras du Pin en Normandie. Leur tolérance à la chaleur en est de fait limitée. On comprend le calvaire de ces chevaux de monte, plus habitués aux reprises de dressage qu'au trait. L'un d'eux s'écroule d'ailleurs en plein milieu de la cérémonie. La trahison du canasson met Bokassa hors de lui. Il commence à quereller Catherine, qui a pris place auprès de lui dans le carrosse : « Papa, c'est un grand jour, ne t'énerve pas aujourd'hui », lui glisse-t-elle. Les seuls mots prononcés durant toute cette journée. Elle sait que seule la flatterie calme les nerfs du nouvel empereur.
Les 3 500 invités accourus de 43 pays vont pouvoir peu après se délecter voracement avec les 240 tonnes de nourriture et de boissons qui ont été préparées par les meilleurs traiteurs de Paris. On lève des verres à la gloire de l'empereur, remplis de Château-Laffitte, ou de Mouton-Rothschild des plus grands millésimes. Pour s'ouvrir l'appétit, la cour de Bangui peut piocher dans les plateaux en argent contenant près d'un quintal de caviar, que deux chefs leur présentent. Pour le dessert, un gâteau vert à 7 étages non identifié est offert, au-dessus duquel sont lâchées 6 colombes en signe de paix pour ce régime incongru.
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