La folie du pouvoir des Ceausescu
Pendant cinquante ans, Elena et Nicolae vont
s'aimer à la folie. La folie du pouvoir, de la
démesure et du crime. Au lendemain de l' accession
cle Ceausescu au poste de Secrétaire
général du Parti communiste roumain en
mars 1965, le couple décide d'une stratégie à
quatre mains pour renforcer son emprise sur
la Roumanie, tout en affichant son autonomie
vis-à-vis de l'URSS. Nicolae s'occupera de la
politique internationale, tandis qu'Elena supervisera
les alîaires intérieures. Ensemble, ils apprennent
à organiser leur dictature. Elena, ancienne
ouvrière provinciale délurée sur laquelle
ont couru des rumeurs de prostitution, se rachète
une virginité physique et intellectuelle.
Titres fumeux et diplômes fictifs
La femme du génie des Carpates se fait décerner,
à partir de 1967, divers titres fumeux et diplômes
fictifs destinés à justifier son autorité sur la recherche
scientifique et l'équipement industriel de
pointe du pays. En 1975, elle prétend avoir soutenu
une thèse sur les polymères (validée par un professeur complaisant) et devient aussitôt miinistre de la
Culture et de l'Education.
Mais il lui faut plus. Elena
s'arroge une toute-puissance divine, avec droit de vie
et de mort sur autrui. Elle utilise les agents de la Securitate
pour surveiller et faire assassiner ceux qui ont
le malheur de lui déplaire: un soupirant de sa fille, des
femmes cle ministre trop belles, un médecin soucieux
de sa santé mentale ...
Elena est proclamée "mère du
peuple" par son président à vie de mari, qui lui passe
tous ses caprices. Son voeu le plus cher est d'obtenir un
prix Nobel ! Elle propose donc au jury de Stockholm une
nouvelle thérapie anticancéreuse à base ... d'extrait d'ail !
Pendant ce temps, elle et son mari mettent en place une
politique nataliste extrême, après avoir interdit la contraception
et l'avortement. Les orphelinats regorgent d'enfants malades et maltraités.
Les caprices d'Elena Ceaucescu
Juin 1975, golfe d'Aqaba, sur la mer Rouge. Le couple Ceausescu est l'hôte du roi Hussein de Jordanie, qui les loge dans sa résidence de vacances. C'est la première fois qu'Elena monte sur un yacht. Ce luxe flottant lui sied parfaitement. Lors d'une promenade sur la plage, après le dîner, elle commence à sangloter : Je veux ce yacht. [...] Je ne partirai pas sans lui... Nicolae trouve l'idée séduisante. Pourquoi ne pas posséder son propre yacht sur la mer Noire ? Quel grand pays communiste serait la Roumanie si elle ne pouvait offrir à son leader une babiole de ce genre ? Il confie immédiatement une mission de la plus haute importance à son interprète : convaincre le roi Hussein de leur céder son bateau. Le lendemain, le couple reçoit un coup de fil d'un roi visiblement embarrassé par l'insistance d'Elena : « Vous devez comprendre que ce yacht est un cadeau que j'ai personnellement fait à Alya [sa fille, princesse de Jordanie]. » Un silence s'installe. La rupture diplomatique est proche. Une conciliation est trouvée : « Mais je vais immédiatement ordonner qu'on en fasse venir un des Etats-Unis. Je propose de le nommer Amitié.»
Cela fait maintenant dix ans que son mari occupe la place de numéro un du parti communiste. Les voeux d'Elena sont désormais systématiquement comblés. Même les plus déraisonnables : « Regardons les choses en face, pouvait-elle déclarer avec assurance. Aujourd'hui, la Roumanie est plus connue à l'Ouest que la tour Eiffel, et plus respectée que la reine d'Angleterre. Et tout ça, c'est grâce au Camarade et à moi. »
Lors des voyages diplomatiques du couple, leurs hôtes font tout pour satisfaire sa soif de cadeaux. Elena veut agrandir sa garde-robe ? Les enfants ont besoin d'une nouvelle voiture de sport ? Rien de plus simple, il suffit de solliciter les chancelleries française ou allemande. Car Elena s'est donné des règles de vie strictes : on ne s'habille que français, et l'on ne conduit qu'allemand.
Souviens-toi des Allemands, dit-elle un jour à son mari devant le général Ion Pacepa, alors conseiller personnel de Ceausescu et responsable de la Securitate, il t'a suffi de lâcher le mot voiture dans une allusion, et tout le monde nous donna des voitures. Combien on en a eu déjà ? La limousine Mercedes 600 pour le Camarade, la 450 [...], un coupé pour Zoia [la fille du couple], et deux Audi pour Nicu. Et un mobil-home de presque 10 mètres pour servir de bureau roulant au Camarade.»