Tout le monde connaît le père de Staline
A Gori, petit village de Géorgie, chacun
connait le cordonnier Vissarion Djougachvili,
alias "Besso le dingue". Lorsqu'il ne
cuve pas dans une grange, l'ivrogne décharge
sa fureur sur sa feèmme Ekatérina.
dite Keke, beauté prématurément fanée
d'origine ossète. Du fond de leur taudis insalubre, il
bat comme plâtre leur fils unique, Iossif, né le 18 décembre
1878. Les trois précédents enfants du couple
n'ont pas survécu à la violence paternelle.
Le petit
dernier s'en sort de justesse: un jour, Besso le jette à
terre et le bourre de coups de pied si fort que le gamin
urinera du sang pendant plusieurs jours ...
Sa mère
ne lui est pas d'un grand secours, acceptant n'importe
quel travail pour survivre; couture, blanchisserie,
voire certains services moins avouables qu'elle tente
d'oublier en priant Dieu avec ferveur et désespoir.
Iossif Djougachvili n'a pas 12 ans lorsqu'il observe avec
un intérêt d'entomologiste l'agonie de son père, blessé
dans une querelle d'ivrognes. Son trépas est une vision
libératrice pour l'enfant martyr: la mort apporte une
solution à ses problèmes. Il s'en souviendra.
Du séminaire au banditisme
Juste après cette délivrance, Keke l'envoie pour la première
fois à l'école. Iossif s'applique, curieux et travailleur.
En 1894. il est admis au séminaire de Tbilssi.
capitale de la Géorgie. Sa mère le rêve en pope ! Loin
de son village natal, l'adolescent découvre une vie
austère, ponctuée par la prière, les châtiments corporels, l'étude et le cachot. Ce dernier supplice est parfois
préférable aux brimades et à la sodomie infligée
dans les dortoirs par les plus grands sur les plus petits ...
dont fait partie le futur Staline. Devenu adulte, il ne
mesurera quel 1m60 et tâchera de dissimuler ce défaut
avec des talonnettes et des estrades. Sous le pseudonyme
de Sosselo, le "garçon aux yeux brûlants" se
réfugie dans la bibliothèque du séminaire, dévore en
cachette les livres interdits de Zola ou Hugo et se met
à écrire des poèmes. La littérature et l'imaginaire lui
offrent un réconfort temporaire.
Une fois cette période
de transition passée, son tempérament se durcit, il
s'identifie à Koba (ours), personnage géorgien fictif
ainsi surnommé à cause de sa force ... et de sa grande
taille. Ce "superhéros" à la sauce paysanne est rebelle
aux tsars et exalte les valeurs patriotiques : lossif se
fait désormais appeler comme lui et s'enflamme pour
les nouveaux concepts qui commencent à se répandre
dans tout le pays; socialisme, marxisme, révolution.
Koba délaisse alors la poésie pour la diatribe politique
et noircit des cahiers qu'il fait circuler pour rassembler
des émules. On le chasse de l'établissement pour
propagande marxiste: il ne sera jamais prêtre.
A 20 ans, il continue son parcours résolument révolutionnaire
et antireligieux. Pour l'argent et le pouvoir,
il devient chef de bande, paranoïaque et sans
scrupule: hold-up, rackets, meurtres, enlèvements. Il
se travestit parfois en femme pour échapper à la police et se rebaptise Staline, "l'homme d'acier" !
En 1904, il rencontrera et
suivra Lénine dans son ascension politique avant de
prendre le pouvoir à la mort de ce dernier, en 1924.