Les bâtiments français arrivent

Le 17 septembre, les naufragés eurent la joie de voir poindre à l'horizon les bateaux venus de Dakar. Déjà le sous-marin italien Cappellini avait pris à son bord un bon nombre de compatriotes. Bientôt l'équipage du croiseur la Gloire ramassa les passagers d'un canot à moteur, parmi lesquels ils remarquèrent un homme sans nez : le capitaine Coutts.
L'aviso l'Annamite, arrivé à son tour, stoppa aux côtés de PU 506. La stupeur du commandant fut grande de voir près de trois cents passagers sortir du sous-marin : les Anglais remercièrent chaleureusement le commandant Wurdemann de sa généreuse hospitalité.
Pendant quarante-huit heures, les deux bâtiments français ratissèrent la mer à la recherche de canots en dérive. Ils découvrirent, sur des radeaux, des malheureux arrivés à un extrême point de détresse : femmes et enfants en loques, titubant de fatigue ; malades plus ou moins inconscients ; blessés dont des morceaux de chair avaient été emportés par des requins... Tous furent conduits à l'infirmerie et soignés avec dévouement.
Puis l'Annamite rejoignit la Gloire et fit passer tous ses passagers sur le croiseur. Ce furent alors de grands cris de joie de la part des malheureux retrouvant les membres de leur famille qu'ils croyaient avoir perdus à jamais. Ainsi Mrs. Davidson tomba dans les bras de sa fille, pour laquelle elle s'était tant tourmentée lors du torpillage opéré par le Liberator.
Après tant de souffrances physiques et morales, les passagers retrouvèrent avec joie une nourriture abondante, des hamacs, de l'eau et du savon. Certains malades moururent pourtant d'épuisement avant la fin de la traversée
A la fin, Dönitz s'enferma dans son bureau et, après avoir mûrement réfléchi, se décida à rédiger l'ordre suivant qui devait désormais servir de guide à tous les commandants de navires allemands :
1° Toute tentative de sauvetage des équipages des bateaux coulés en mer ou des canots surnageants, ou de remettre d'aplomb des canots renversés, ou la fourniture des vivres et de l'eau potable, est proscrite. Les sauvetages sont contraires aux conditions de base de la guerre qui est de détruire les bâtiments et les équipages ennemis.
2° Il faut être dur, penser que l'ennemi ne prend aucune précaution pour bombarder nos villes allemandes avec femmes et enfants.
Le texte était net : les torpilleurs n'auraient plus à s'occuper du sort des torpillés ; le but des marins de l'Axe était de détruire coûte que coûte les équipages ennemis. Néanmoins, l'amiral attendit, pour lancer l'ordre dit Triton null, que le sauvetage des rescapés du Laconia fût terminé.
L'affaire Laconia au procès de Nuremberg
À son procès de Nuremberg en 1946, l’ordre « Tritton
Nul » devient une pièce à conviction contre Dönitz
pour le chef d’accusation de crimes contre les lois de
la guerre.
Dans les minutes du procès, le grand amiral
justifie son ordre : « mon impression fut, à part le
grand souci que j’avais quant aux U-Boote et la forte
impression que me fit le peu d’aide rencontré chez les
Anglo-Américains malgré la proximité de Freetown,
que les submersibles avaient dépassé depuis longtemps
déjà le temps où ils pouvaient sans danger
rester en surface ; le danger qu’ils couraient(les deux
attaques aériennes l’ont démontré) était si grand que je
devais, en tant que responsable, interdire le sauvetage,
étant donné la présence constante et accablante, il
n’y a pas d’autre expression, de l’aviation anglo-américaine.
Ces deux
attaques aériennes eurent lieu par beau temps, malgré l’importance
visible des opérations de sauvetage qui les rendaient bien plus faciles
à déceler pour un avion que dans des conditions normales. Je voudrais
mentionner, à titre d’exemple, que tous les U-Boote qui avaient participé
à cette action de sauvetage furent, lors de leurs sorties suivantes,
coulés par des attaques à la bombe. Il était en contradiction avec la
raison la plus simple et les lois les plus élémentaires de la conduite de
la guerre de s’exposer aux coups mortels de l’adversaire pour recueillir
des naufragés ».
