Le Laconia coule

L'affaire du Laconia

Une immense explosion secoue une dernière fois
le Laconia. Les chaudières viennent d’exploser, dans un fracas épouvantable. Alors que les passagers, qu’ils soient britanniques, polonais ou italiens, cherchent désespérément une embarcation sur laquelle prendre place, le paquebot britannique s’enfonce doucement.
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Une formidable détonation

C’est alors, à 20 h 07, qu’une formidable détonation ébranle tout le navire. Les portes volent en éclats. On voit partout flotter une étrange poussière grise. La lumière baisse d’un seul coup. À peine commence-t-on à s’interroger sur ce qui arrive qu’une seconde explosion retentit. Les machines s’arrêtent. Il ne subsiste plus, à bord du Laconia, qu’un effrayant silence.
Toute une partie du navire n’est plus éclairée. Dans l’obscurité, on se hèle. Les officiers crient qu’il faut monter sur le pont : les équipes de sauvetage s’occuperont de tout. Peu à peu, le Laconia donne de la bande. On ne constate cependant aucune panique. Une telle situation, on l’a si souvent « répétée » !
Dans la partie encore dotée de lumière, les hommes, les femmes courent chercher les gilets de sauvetage dans leur cabine puis, pour gagner les ponts supérieurs, se retrouvent dans les escaliers. Chacun sait où il doit rejoindre l’embarcation qui lui a été affectée. Les mères rassurent leurs enfants.
D’autres vont jusqu’à plaisanter.
Tout à coup, les retardataires entendent un long cri qui, venant du bas, s’amplifie d’instant en instant. Finalement, on voit surgir, fous de terreur, bousculant tout sur leur passage, les prisonniers italiens. Lors des deux explosions, leurs cages étaient fermées. Ils ont supplié les gardiens polonais de les ouvrir. Sans ordre, les Polonais ont refusé. Les Italiens se sont rués sur les grilles. Les premiers s’y sont écrasés. Peu à peu, les barreaux de métal ont cédé. Bientôt, les grilles se sont abattues. Les Polonais n’ont pas tiré car leurs
fusils n’avaient pas de balles mais ils ont croisé les baïonnettes. Plusieurs Italiens en ont été lardés. Après quoi, les Polonais ont renoncé. Face à cette cohue tremblant de peur et vibrant de colère, ils étaient trop peu. Les Italiens se sont précipités dans les escaliers. Pour eux, le pont ne signifiait peut-être pas la vie sauve mais c’était au moins une mort à l’air libre.

Les femmes et les enfants d'abord

De minute en minute, la bande du Laconia s’aggrave. De ce fait, sur tout un côté du navire, les embarcations sont déjà inutilisables : bloquées contre le flanc incliné, il est impossible de les faire glisser à la mer. L’explosion a en outre détruit trois canots, endommagé plusieurs autres. On comprend vite qu’il n’y aura pas de place pour tout le monde. Loin de là. Dans les canots de sauvetage en état d’être manoeuvrés (ceux de l’autre bord) on s’entasse. Beaucoup de passagers les voient descendre devant eux sans pouvoir y
prendre place.
La foule court dans tous les sens, cherchant une embarcation, n’en trouvant point. Un officier du Royal Marine, le lieutenant John Tillie, comprend qu’il faut mettre de l’ordre :
Embarquez les femmes et les enfants d’abord !
Aux gardes polonais, il commande d’éloigner les Italiens qui veulent se précipiter les premiers.
D’autres tentent de mettre les radeaux et les flotteurs à la mer. On lance des échelles de corde, des cordages. Courageusement, les passagers commencent à les utiliser et se laissent glisser. En bas, ils ne trouvent qu’une mer noire, une obscurité opaque : c’est une nuit sans lune. Bientôt, des centaines
d’hommes et de femmes s’essoufflent à nager en pleine mer ou se laissent flotter grâce à leurs gilets de sauvetage. Chargés à ras bord, les canots s’éloignent. Comme toujours en pareil cas, on assiste à des spectacles affreux : des Italiens qui tâchent de s’agripper aux bordages sont repoussés à coups de hache. Certains, les poignets sectionnés, retombent en arrière.

Le Laconia s'enfonce dans un effroyable grondement

Il reste encore beaucoup de malheureux sur le navire. Outre les prisonniers, non encore libérés, les soutiers, les blessés ne sont pas encore embarqués. Et le bateau s'incline de plus en plus.
Les officiers sont naturellement à leur poste. Par ordre du commandant, Buckingham a jeté à la mer les livres de bord et les papiers secrets. Les radios ne se sont pas éloignés de leur clavier ils ont envoyé un appel de détresse, donnant leur nom, leur position.
Mais au lieu de lancer le classique S. O. S. ils ont formé les trois lettres S. S. S. Tous les postes comprendront le message : il signifie que le La confia a été coulé par un sous-marin, lequel est donc repéré par ses ennemis.
Le commandant Sharp sait parfaitement qu'il ne peut plus rien pour son navire atteint dans ses forces vives. Gardant tout son sang-froid il a dirigé de son mieux l'évacuation de ses passagers; maintenant il enjoint à ses officiers de songer à leur sécurité. Lui-même ne quittera pas son bâtiment.
Le temps passe et la gîte s'accentue. Certains canots sont encore tout près du Laconia. Leurs occupants considèrent avec inquiétude l'énorme masse qui, peu à peu, s'est couchée sur le flanc et dont l'avant s'enfonce dangereusement. Sachant que dans son agonie le bateau peut provoquer d'affreux tourbillons qui happeront tous les radeaux, ils rament de toutes leurs forces.
Une dernière vedette a été mise à l'eau. A peine s'est-elle éloignée de quelques mètres qu'un fracas étourdissant épouvante les naufragés. Ce sont les chaudières du Laconia qui éclatent. Les occupants de la vedette sont précipités à la mer et se débattent au milieu des remous.
Quelques secondes plus tard, l'arrière du navire se redresse, se découpant une dernière fois sur le ciel. Puis, brusquement, il s'enfonce dans un effroyable grondement. Un gouffre se creuse où l'eau se précipite, aspirant vers le fond les malheureux passagers. Il est alors 21 h 25.
la Laconia coule
« Je courus à ma ceinture de sauvetage et la mis. Je voulais me sauver… Oui, je voulais me sauver. Je pris dans mes bras un ami et nous nous embrassâmes en silence tandis qu’autour de nous régnait la terreur. Ils étaient fous. L’un jurait, menaçait du poing, un autre à genoux priait, un autre courait, frappait la cloison, tombait, se relevait, hurlait. Un autre encore s’arrachait les cheveux, pleurait. D’autres, muets de peur, stupides, idiots ou fous, allaient dans tous les sens,
l’un d’eux, véritable bête sauvage, grinçait des dents ».
Témoignage
Un survivant italien raconte