La leçon de Staline

Les convois de Mourmansk
Carnage en Arctique

Pour I' Armée rouge, la perte matérielle sèche équivaut à celle de deux divisions. Furibonde malgré ses propres manquements, elle s'en ouvre à la Royal Navy lors d'une réunion à Londrs le 28 juillet et demande le départ immédiat du convoi suivant !
Mais Churchill préfère cette fois-ci retarder le P0-18
jusqu'à septembre.
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Dans les hôpitaux soviétiques

survivants du convoi de Mourmansk PQ-17
1 300 survivants parviennent à Arkhangelsk ; ils y resteront plusieurs mois, minés par le découragement et recevant des soins insuffisants. Dans les hôpitaux, « des lits durs, inconfortables, aux draps d'une propreté douteuse, s'entassaient l'un contre l'autre. Le personnel, vêtu de blouses malpropres, méprisait l'usage des gants. Dans les salles sordides, mal ventilées, des planches clouées sur les fenêtres pour assurer le black-out ne permettaient guère aux diverses odeurs de se dissiper. De 7 heures à 23 heures, des haut-parleurs ne cessaient de hurler en russe. Les médicaments étaient rares ; chirurgiens et médecins manifestaient une indifférence bien orientale pour la douleur. Une nourriture médiocre, toujours la même, n'était pas de nature à réconforter les hommes. »

Du côté allemand, l'atmosphère n'est pas à la fête

C'est en fait Washington qui s'émeut peut-être le plus du désastre : sa marine marchande a particulièrement
souffert dans l' affaire, alors que le cuirassé USS Washington et les croiseurs USS Wichita et Tuscaloosa, mis à disposition de Londres, n'ont fait que croiser au large, en laissant le convoi se faire massacrer. Tirant la conclusion que la Royal Navy n'a plus le mordant d'autrefois, les Américains vont rapatrier leurs navires de guerre, laissant dorénavant le soin aux Britanniques d'escorter les futurs convois pour Mourmansk.
À Berlin, la propagande fait ses choux gras de la mise à mort du P0- 17, mais au sein de la Kriegsmarine,
l'atmosphère n'est pas à la fête. Jusqu'ici Raeder a plaidé pour une stratégie navale reposant sur les
grands bâtiments de surface. Or, il n'a pas su l'imposer à Hitler. De plus, les coups portés aux convois de
Mourmansk ne cachent qu'en partie les insuffisances tactiques rencontrées durant les opérations dont ils
ont été la cible : manque d'unités de combat, absence d'une vraie coopération marine-aviation, mauvaise
communication, chaîne hiérarchique trop complexe, ingérence du politique sur le militaire, etc.
Tout cela conforte le Führer dans sa pensée que la flotte de surface doit être désarmée pour laisser la place aux sous-marins. L' influence de Raeder décline donc. Il cédera bientôt sa place à Dônitz.

Une faute indiscutable

En Grande-Bretagne, malgré les consignes de silence, c'est la consternation. L'abandon des navires de commerce cause un malaise qui disparaît difficilement. Le drame du PQ-17 pose le problème du commandement; l'Amirauté, en donnant l'ordre de dispersion, n'a-t-elle pas enfreint une règle qui veut que la décision appartienne au commandement à la mer, sur la base de tous les renseignements transmis par les services à terre ? L'ordre de dispersion a été une faute indiscutable. L'Amirauté, fascinée par le Tirpitz, a sous-estimé le danger aérien.
Mais était-il possible de faire mieux? En fait, à moins de faire demi-tour, le PQ-I 7 ne pouvait échapper à son destin. Continuant sa route, il serait tombé sous le feu du groupe Tirpitz-Scheer et aurait été détruit. En tout cas, il ne semble pas que la présence de bâtiments américains dans les rangs de la Home Fleet ait eu une influence sur la décision du Premier Lord. Quant au repli des destroyers, il s'explique facilement. Ils avaient pour mission de protéger les croiseurs contre une attaque des navires de surface allemands, jugée alors imminente. D'ailleurs, avec la dispersion des navires de commerce, leur appui aurait eu un caractère symbolique... et leur ravitaillement à la mer serait devenu problématique. Bref, une conclusion s'imposait. Avec l'action combinée de la flotte, des sous-marins et de l'aviation, les Allemands étaient en mesure, pendant les interminables journées d'été, d'interdire la route de l'Arctique. Le désastre du PQ-17 confirmait l'opinion antérieure de Dudley Pound ; quelles que fussent les considérations politiques, il fallait interdire les convois jusqu'en septembre, d'autant plus que la situation critique de Malte exigeait un passage en force en Méditerranée.
Amiral Pound et Churchill

La leçon de Staline

Il ne reste plus à Churchill qu'à prévenir Staline de la décision de suspension des convois, au moment où l'offensive allemande d'été bat son plein : « ...Dans le cas du PQ-17, les Allemands ont fini par employer leurs forces selon la méthode que nous avons toujours redoutée. Mes conseillers navals me déclarent que s'ils avaient à leur disposition les navires de surface, les sous-marins et les avions allemands, ils garantiraient la destruction totale de tout convoi faisant route vers la Russie. C'est donc avec le plus profond regret que nous sommes parvenus à cette conclusion : faire partir le prochain convoi ne vous apporterait aucun avantage... »
La réponse de Staline piétine toutes les règles de la correspondance diplomatique. Le maître du Kremlin n'hésite pas à donner des leçons à la vénérable Amirauté britannique : « J'ai reçu votre message du 17 juillet. Nos experts navals jugent que les raisons avancées par les experts britanniques [...] ne sont absolument pas convaincantes. Ils estiment qu'avec de la bonne volonté et le désir de remplir les obligations contractées, ces convois pourraient circuler régulièrement. Nos experts n'arrivent pas non plus à comprendre ni à expliquer l'ordre envoyé par l'Amirauté [...]. En temps de guerre, on ne peut rien entreprendre d'important sans courir de risques ni éprouver des pertes... »