Les grands As
des U-Boote

Le 5 juin 1940, il reçoit le commandement du U-57, un Typ IIC avec lequel il va effectuer deux missions
de combat. La première le mène jusqu’à Lorient et lui permet de couler ses trois premiers navires. Il obtient
les mêmes résultats durant la suivante, mais est victime d’un accident lors du trajet retour le 3 septembre, à
l’entrée du canal de Kiel : lorsque les portes de l’écluse s’ouvrent, il est éperonné par le navire norvégien Rona. Sur ordre du commandant qui n’a pu éviter la collision, le U-57 est évacué en urgence, avant de couler
avec six membres d’équipage coincés à l’intérieur.
Il est renfloué et remis en service comme unité d’entraînement, mais Erich Topp, qui a assisté aux opérations de remise à flot, reste très marqué par la découverte des corps des marins décédés à bord. Pour avoir coulé six navires représentant 36 861 tonnes, il reçoit la Croix de fer de 1re classe, puis, le 4 décembre, le commandement d’un nouvel U-Boot : le Typ VIIC U-552. Sa première mission dans l’Atlantique Nord, pendant laquelle il coule deux navires, le mène jusqu’à son nouveau port d’attache, Saint-Nazaire, le 16 mars 1941. Il retrouve le chef de la 7e flottille, à laquelle il est rattaché, Herbert Sohler, ancien commandant du U-46
sur lequel il a commencé la guerre.
Quand leurs dates de missions coïncideront, il va aussi pouvoir passer du temps avec son meilleur ami, Adalbert Endrass, qui a pris le commandement du U-46 (puis plus tard du U-567). Ces deux inséparables (bien vite surnommés « Castor et Pollux ») habitent une villa réquisitionnée de La Bauleles- Pins, où ils invitent leurs amies parisiennes connues au cabaret Shéhérazade : Monique la chanteuse belge et Pati la danseuse russe, fille d’un général tsariste exilé à Paris.

Les deux sous-mariniers accumulent les succès sur mer : Bertl Endrass, décoré des Feuilles de chêne le 10 juin 1941, est d’ailleurs à ce moment-là le commandant en activité le plus décoré de la 7e flottille. Erich Topp est, lui, très régulier : à chaque mission dans l’Atlantique Nord, il coule une moyenne de trois navires. Suite aux bons résultats de sa 4e patrouille sur le U-552, il est décoré de la Ritterkreuz le 20 juin.
Aux premières heures du 20 septembre, lors de l’attaque du convoi SC-44, il réussit encore à couler trois marchands en moins de deux heures, pour un total de 18 687 tonnes !
Le 17 octobre, le U-568 torpille et endommage gravement le destroyer USS Kearny, causant 11 morts et
22 blessés, les premières pertes américaines de la bataille de l’Atlantique. Puis, le U-106 endommage
le pétrolier ravitailleur USS Salinas le 30 octobre. Le lendemain, lors de sa 6e patrouille, le U-552 d’Erich
Topp devient le premier U-Boot à couler un bâtiment de guerre américain : le destroyer USS Reuben James de
1 190 tonnes qui escortait un convoi dans l’Atlantique Nord.
Topp revient à Saint-Nazaire le 26 novembre 1941, en même temps que son ami Endrass sur son nouveau sous-marin, le U-567. Ce sont les dernières semaines que ces amis inséparables passeront ensemble. Le 18 décembre, alors que Washington vient d’entrer en guerre, Topp assiste au départ en patrouille de son ami ; le U-567 sera détruit trois jours plus tard par les escorteurs du convoi HG-76, il n’y aura aucun survivant…

Erich Topp continue ses missions. Lors de sa 7e patrouille au large des côtes canadiennes, il embarque comme commandant stagiaire un certain Albrecht Brandi… Sa croisière la plus réussie se déroule non loin des côtes américaines du 7 mars au 27 avril 1942 : le U-552 y coule sept marchands naviguant isolément (45 731 tonnes).
Le 11 avril, Topp peut ajouter les Feuilles de chêne à sa Croix de chevalier. Très photogénique, il est certainement le commandant de U-Boot le plus photographié par les reporters de guerre de l’époque ; il fait la Une de plusieurs magazines, et le cliché couleur pris à son arrivée à Saint-Nazaire le 27 avril 1942 est publié
en pleine page dans Signal. En 1944, un timbre le représentant à son périscope sera même imprimé !
La chasse aux convois reprend lors de la mission suivante : le 15 juin, en trois heures et demie, le U-552
coule cinq navires pour 15 825 tonnes. Le 4 juillet, Topp quitte Saint-Nazaire en direction de l’Atlantique
Nord pour sa 11e et dernière patrouille sur ce submersible.
Au sein de la meute « Wolf », il participe, malgré une mauvaise visibilité, à la délicate attaque du convoi ON-113 fortement protégé. Le 25 juillet, le sous-marin au diable rouge arrive quand même à couler un navire et à endommager un pétrolier. Après un ravitaillement de la meute au niveau des Açores, la ligne de surveillance « Pirat » est formée ; le 2 août, les veilleurs du U-552 signalent le convoi ON-115. Très tôt le 3 août, Topp coule le Britannique Lochkatrine avec sa dernière torpille. Mais il est rapidement repéré en surface par la corvette HMCS Sackville, qui ouvre le feu. Le sous-marin reçoit deux obus dans le kiosque, avant de plonger, puis subit un grenadage en règle : des traces d’huile et des débris remontant à la surface font croire à la corvette que le U-552 a coulé, ce qui sera annoncé à la radio britannique.
Il s’agit en fait d’une ruse du commandant, et le U-Boot arrive finalement sain et sauf à Saint-Nazaire le 13 août ! Quatre jours plus tard, Erich Topp est fait Korvettenkapitän et devient le second commandant de sous-marin à accrocher les Épées à sa Croix de chevalier. Les membres de son équipage doivent par
contre accepter le départ d’un chef qu’ils respectaient énormément et avec lequel ils avaient partagé tant
de succès. Ils auront plus de chance que beaucoup d’autres : après trois missions avec le commandant
Klaus Popp, le U-552 sera transformé en bâtiment d’écolage en avril 1944.

De son côté, le commandant Erich Topp reste à terre. Il a en effet accepté de partager son expérience avec les futurs « pachas ». Le 4 novembre 1942, il est nommé chef de la 27e flottille d’entraînement à Gotenhafen.
De huit à dix nouveaux équipages de U-Boot arrivent tous les quinze jours pour suivre une formation tactique
d’attaque de convois. Mais si les pertes de sous-marins restent relativement modérées jusqu’en avril 1943, elles augmentent sensiblement les mois suivants : 41 en mai, 38 en juillet…
Topp commence alors à douter de la victoire, même si, convaincu de se battre pour le bien de son pays, pour l’Europe et contre le communisme, il n’abandonne pas. En août 1944, le voici chef du groupe d’essai des U-Boote. Cinq mois plus tard, élevé au grade de Fregattenkapitän, il est chargé de travailler à l’entrée en service opérationnel des Typ XXI. Aidé par son adjoint Emmermann, il écrit le manuel d’instructions de combat
pour ces engins révolutionnaires.
Le 26 avril 1945, il est nommé commandant du Typ XXI U-2513, avec lequel il se rend en Norvège. Il y est fait prisonnier le 20 mai, mais est libéré en août par les Américains : ces derniers ont récupéré intact ce sous-marin ultramoderne et ont aussitôt entrepris de l’étudier. Erich Topp reprend ensuite du service dans la Bundesmarine en 1958 et est nommé attaché militaire à Washington au sein de l’OTAN, comme officier de liaison du commandement suprême des forces alliées dans l’Atlantique. Amiral en 1965, puis chef d’état-major de la Bundesmarine, il décède le 26 décembre 2005.