Karl-Friedrich Merten
l'As de trèfle

Les grands As
des U-Boote

Entré dans la marine marchande en 1926, KARL-FRIEDRICH MERTEN est déjà un officier expérimenté lorsqu'il demande à rejoindre l'arme sous-marine en 1940.
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Premier succés en Atlantique

L'U-68 de Karl-Friedrich Merten
Le 30 juin 1941, le U-68, affecté à la 2. U-Flottille, quitte Kiel pour une première mission en Atlantique Nord. Du 15 au 18 juillet, Merten participe à l'attaque d'un convoi à l'ouest de la Manche avec quatre autres submersibles, mais sans succès. Le 27 juillet, le convoi 0G-69 (Liverpool—Gibraltar) est signalé au large du Portugal pardes appareils de reconnaissance Fw-200 Condor. Composé de 26 bâtiments escortés par neuf corvettes et un chalutier armé, il est repéré par Merten, qui passe à l'attaque avec sept autres U-Boote. Mais l'une des corvettes s'en prend très vite au U-68 en lui lançant 24 charges de profondeur. Merten parvient à s'échapper non sans subir des avaries : il rentre donc à Lorient pour réparation.
Le 11 septembre 1941, remis à neuf, il lève l'ancre pour l'Atlantique central. Avec trois autres loups gris , il a en effet pour mission d'intercepter les convois alliés au large de Freetown (Sierra Leone). Dix jours plus tard, un premier convoi est signalé au sud-ouest des Canaries. C'est le SL-87 (Freetown—Liverpool) qui comprend 11 marchands et 5 navires d'escorte. Le 22 septembre dans la matinée, le U-68, arrivé sur place, coule avec trois torpilles le vapeur Silverbelle qui transportait 5 000 tonnes de phosphate. Le convoi est étrillé et perd sept bâtiments ! Merten poursuit ensuite sa route vers le sud en compagnie du U-67. Le 28, il est ravitaillé en torpilles dans la baie de Tarafal, près de Santo Antao (îles du Cap-Vert), par le Typ IXB U-111, mais l'opération est à peine terminée que les deux navires sont attaqués par le HMS Clyde, un sous-marin britannique justement en mission ASM dans le secteur ! Hélas, les deux torpilles qu'il envoie aux intrus explosent prématurément, et il n'a d'autre solution que de rentrer penaud à Gibraltar...
Merten n'a pas demandé son reste et s'est échappé en direction d'Ascension et de Sainte-Hélène. Le 22 octobre en pleine nuit, il torpille le Darkdale, un pétrolier britannique. L'attaque fait 41 tués parmi les 49 membres d'équipage endormis, et c'est le premier bâtiment coulé par un U-Boot sous l'équateur. Continuant toujours plus au sud, le 28 octobre, Merten envoie par le fond un cargo britannique à 900 nautiques à l'ouest de la Namibie. Le 1er novembre, il coule un autre cargo dans le même secteur. Après s'être ravitaillé au sud de Sainte-Hélène auprès de l'Atlantis, le sous-marin poursuit sa mission. Le 1er décembre, alors qu'il a rejoint au sud de Sainte-Hélène le ravitailleur Python, le croiseur HMS Dorsetshire leur tombe dessus. Les deux sous-marins plongent puis reviennent à la surface : l'importun est parti, mais le Python est en train de couler et, bientôt, les 200 survivants de l'attaque dérivent sur des embarcations de fortune. Les accueillir à bord des U.Boote est proprement impossible, aussi les canots de survie sont-ils amarrés au U.68, qui prend alors la direction de Lorient. À son arrivée fin décembre, Merten est décoré de la Croix de fer de 1re classe.

Un palmarès impressionnant

Le 14 avril 1942, le U-68 part pour une nouvelle patrouille, avec cette fois-ci la mer des Caraïbes et la zone du canal de Panama pour destination. Après avoir laissé son bâtiment d'escorte (un dragueur de mines) à la tombée de la nuit, Merten ordonne une plongée d'essai vers minuit, puis il refait surface et se dirige vers l'Espagne avec l'escorteur Gustav Fritz. Le lendemain, il accompagne le forceur de blocus Münsterland jusqu'à Bordeaux. Le matin du 16 mai, il est survolé par un avion au large du cap Ortegal et plonge, mais une avarie se déclare: les plaques d'obturation de l'échappement ne sont pas parfaitement étanches, et l'eau s'infiltre dans le sous-marin, ce qui rend toute plongée très dangereuse. Malgré les tentatives de l'équipage, il est impossible de réparer, Merten rallie le port espagnol de Ferrol, en Galice, pour y retrouver le pétrolier allemand Max Albrecht. Une fois les réparations effectuées et un complément de carburant apporté, Merten reprend la mer plein ouest.
Une fois dans les Caraïbes, il se met immédiatement en chasse et remporte de nouveaux succès. Le 5 juin, il coule le pétrolier américain J.L. Drake et le 6 juin un pétrolier panaméen au sud-ouest de Cabo Rojo (Porto Rico) ; Au cours de la seule journée du 10 juin, il envoie par le fond trois cargos britanniques totalisant 19 488 GRT à l'ouest de l'île de San Andrés. A la suite du torpillage du second de ces cargos, le Surrey, et voyant son équipage l'évacuer à la hâte, Merten récupère un survivant isolé : l'homme, du nom de Dankerman, raconte qu'au moment du torpillage, il était à la salle des machines et qu'il a juste eu le temps de se jeter à la mer, les canots de sauvetage ayant déjà quitté le bord.., L'incendie du Surrey pouvant faire repérer le sous-marin, Merten ordonne d'achever le bâtiment d'une nouvelle torpille : le projectile touche l'arrière du cargo qui coule aussitôt. Cependant, quelques minutes plus tard, une énorme explosion secoue le U-68. Le sous-marin est soulevé de la surface, et Merten et Dankerman, qui se trouvaient dans la baignoire, sont projetés avec une rare violence sur le rebord du kiosque et obligés de s'agripper au « jardin d'hiver » (la partie arrière du kiosque entourée d'une rambarde) pour ne pas tomber. Merten est persuadé que son Typ /XC vient d'être touché par une torpille et qu'il va sombrer. Le U-68 finit cependant par retrouver une assiette normale, mais il a subi un grand nombre d'avaries : le compas est déréglé, les moteurs des barres de profondeur sont inutilisables, le gouvernail et son indicateur sont hors d'usage, tout comme les instruments de guidage des torpilles, le périscope de veille est coincé, l'intérieur du sous-marin est jonché de bris de verre, etc. Mis à part quelques bleus, l'équipage, lui, est indemne, bien que choqué. Interrogé, Dankerman avouera que le cargo était chargé de 5 000 tonnes de dynamite ! Le sort du submersible aurait certainement été bien différent si la torpille avait frappé le centre et donc les cales du Surrey !
Le 13 juin, alors qu'il est toujours en mer, Merten apprend par message qu'il est décoré de la Croix de chevalier de la Croix de fer. La nouvelle est fêtée par l'équipage qui lui confectionne une croix avec les moyens du bord. Mais Merten refuse de l'accepter tant qu'il n'aura pas ramené son sous-marin endommagé à Lorient. Une fois les dégâts réparés, le U-68 poursuit sa patrouille. Le 15 juin 1942, il repère un pétrolier arborant pavillon français, le Frimaire. Or, ce bâtiment se dirige vers Panama, port ennemi, et n'arbore pas sur ses flancs le cadre de signalisation jaune ni le drapeau de même couleur identifiant un navire du gouvernement de Vichy... N'ayant pas été prévenu de la présence d'un neutre évoluant dans la zone, Merten décide de l'attaquer. Le Frimaire est donc torpillé ; mais après en avoir informé le BdU, la réponse tombe, tranchante comme un couperet : « Le fait de couler le Frimaire résulte d'une idée maladive - Je désapprouve cette action du commandant, signé Befehlshaber ». Ainsi, à la joie provoquée par l'attribution de la Croix de chevalier, succède donc l'amertume...
Sur la route du retour, Merten coule à la torpille et au canon un pétrolier panaméen au large de la Colombie. Le U-68 est finalement de retour à Lorient le 10 juillet 1942, après une croisière de 12 000 nautiques et avec un tableau de chasse impressionnant : 54 730 GRT ! Merten est convoqué par Dönitz, qui finit par passer l'éponge sur la destruction du Frimaire et qui lui remet avec solennité sa Croix de chevalier.

Dernière patrouille

Le 20 août 1942, Karl-Friedrich Merten quitte une nouvelle fois Lorient pour une cinquième patrouille avec le U-68. Il fait partie de la meute « Eisbar » qui doit opérer au large de Capetown (Afrique du Sud). Après avoir intercepté un premier convoi au large de la Sierra Leone, événement au cours duquel le U-156 coule un bâtiment, le groupe se dirige vers les îles du Cap-Vert, puis chaque sous-marin part patrouiller de son côté. Le 12 septembre, au nord-est d'Ascension, le U-68 torpille et finit au canon le cargo Trevilley, dont le capitaine et le chef mécanicien sont recueillis à bord. Le 15 septembre, c'est au tour d'un vapeur hollandais d'être envoyé par le fond. Le submersible passe l'équateur et arrive en vue de Sainte-Hélène le 19 septembre. Le 24, il se ravitaille avec sa meute auprès du U-459, sur lequel sont transférés les officiers du Treyilley. Merten rejoint ensuite sa zone de patrouille : lors de la seule journée du 8 octobre, il coule quatre bâtiments marchands, totalisant pas moins de 25 755 GRT !
Le lendemain, la chance continue de lui sourire, puisqu'il parvient à envoyer par le fond un cargo américain et un autre belge. Lors de la seconde attaque, Merten perd (un court instant et sans dommage) le contrôle de son Typ IXC, qui descend à 200 m avec une assiette négative importante ! Le 6 novembre, alors qu'il croise au sud de Sainte-Hélène, il torpille et coule le City of Cairo qui transporte alors 125 passagers, y compris des femmes et des enfants... Alors que sombre le vapeur britannique, le capitaine fait surface et donne aux naufragés entassés dans des canots de sauvetage un compas et la route à suivre pour rejoindre Sainte-Hélène.
Fin novembre, le U-68 est de retour à Lorient. Karl-Friedrich Merten passe le commandement de son sous-marin à l'Oberleutnant zur See Albert Lauzemis . Au cours de ses cinq patrouilles, il aurait coulé 27 bâtiments représentant un total de 180 869 GRT, ce qui le classe quatrième parmi les as de la U-Bootwaffe. Pour ce palmarès exceptionnel, le commandant reçoit les Feuilles de chêne le 16 novembre 1942 (il est le quinzième commandant de sous-marin à l'obtenir, et, après lui, seuls sept autres en seront récompensés). Le 30 janvier 1943, Dönitz remettra aussi à Merten l'insigne de combat des U-Boote en or avec diamants, une décoration exceptionnelle créée en 1941 et attribuée 28 fois au cours du conflit (et seulement aux commandants déjà titulaires des Feuilles de chêne).
Karl-Friedrich Merten décoré par Hitler et Dönitz

Retour en Allemagne

Le 19 janvier 1943, Karr Friedrich Merten prend le commandement de la 26. U-Flottille, une unité d'entraînement basée à Pillau et où il va enseigner le tir des torpilles. En mars 1943, il prend la tête de la 24. U-Flottille basée à Memel, une autre unité d'instruction où les élèves apprennent le tir des torpilles en plongée et les méthodes de détection sous-marine. Le 1er janvier 1944, il obtient le grade de Fregattenkapitân. À la fin de l'année, Merten participe à l'évacuation des 50 000 habitants de Memel menacés d'encerclement par l'Armée rouge. Le 11 mars 1945, il quitte définitivement la Baltique pour Berlin, où il représente la Knegsmarine au GQG du Führer et où il obtient, un mois plus tard, le grade de capitaine de vaisseau.
Fait prisonnier par les Américains à Biessenhotten, en Bavière, le 29 juin 1945, Karl-Friedrich Merten est livré à la justice française. Incarcéré à la prison parisienne du Cherche-Midi du 6 octobre 1948 au 8 mars 1949, il doit répondre de l'inculpation de crime de guerre. L'ancien commandant du U-68 est en effet accusé d'avoir coulé le Frimaire en toute connaissance de cause et de n'avoir pas porté secours aux naufragés. Laissé en liberté provisoire jusqu'au jugement, il est finalement acquitté sur sa bonne foi.
Ironie de l'histoire, Merten dirigera après la guerre une entreprise de renflouement des bateaux coulés dans le Rhin (avec un autre as des U-Boote, Heinrich Lehmann-Willenbrock) puis travaillera dans la construction navale. Il meurt le 2 mai 1993 à l'âge de 87 ans.