Wolfgang Lüth coule en moyenne trois navires par patrouille

Le 27 juin 1940, Wolfgang est nommé commandant du
U-138, un Typ IID qu’il réceptionne flambant neuf. Durant
sa première mission, le 20 septembre, Lüth réussit à
couler trois marchands en six minutes (29 499 t), puis
un 4e le lendemain (de 5145 t, soit un total de 34 644 t) !
Durant la croisière suivante, il coule un 5e navire et en
endommage deux autres : il se voit alors décerner la
Ritterkreuz à Lrient, en octobre, ce qui fait de lui, à
ce moment-là, l’unique commandant de Typ II à posséder
cette décoration ! Car, même s’il n’a pas atteint les
100 000 tonnes de navires coulés, ses succès sur ces
deux sous-marins côtiers justifient une telle récompense
aux yeux de ses supérieurs, qui comprennent qu’il est
maintenant temps de confier à ce fougueux commandant
un sous-marin moderne et adapté à l’Atlantique.
Justement, le 18 octobre 1940, le Typ IXA U-43 est
arrivé à Lorient. Jugé trop mou dans ses attaques par
Dönitz, son commandant, Wilhelm Ambrosius, est
débarqué et remplacé par Wolfgang Lüth le 21.
Durant sa première mission aux commandes d’un
U-Boot océanique, Lüth coule trois navires et en endommage
un 4e, avant de rentrer à Lorient le 17 décembre
1940. Mais le 4 février 1941, alors qu’il est à quai, le
U-43 est victime d’un accident : de l’eau s’engouffre
dans la salle des torpilles, où, malgré les ordres, des
panneaux sont restés ouverts… La conséquence est
dramatique, car, en quelques instants, le sous-marin
coule ! Après son renflouement, le U-43 devra encore
rester plus de trois mois en réparation et ne repartira
en opérations que le 11 mai.
Lüth effectue encore avec
lui quatre missions de combat, principalement dans
l’Atlantique Nord. Mise à part une sortie d’où il revient
bredouille, il est assez régulier, coulant en moyenne
trois navires alliés par patrouille. Mais le U-43 est
un sous-marin ancien, mis en service en août 1939,
qui a besoin d’une révision complète en Allemagne.
Une victime tous les 2 jours !
Wolfgang Lüth se voit confier,
en mai 1942, un nouveau sous-marin, le
Typ IXD2 U-181. Sa très grande autonomie
lui permet de parcourir 31 500 nautiques
sans escale ! Après quatre mois
d’entraînement en mer Baltique, il part
en mission pour l’océan Indien le 12 septembre.
Les trois autres sous-marins du
même type entrés en service pour l’heure
(U-177, U-178 et U-179) ont également
quitté l’Allemagne pour ce nouveau
théâtre d’opérations. Le U-179, parti un
mois avant les autres, n’arrivera jamais à destination : il est coulé au large du Cap le
8 octobre. Les trois autres, dont celui de
Lüth, auront d’excellents résultats dans cet
océan, où les Alliés n’ont pas encore mis
en place de système de défense. Le U-181
passe l’équateur le 16 octobre, ce qui est
l’occasion d’une grande cérémonie à bord avec les traditionnels déguisements et bizutages pour
ceux pour qui c’est la première fois.
Début novembre,
le sous-marin coule en deux semaines quatre
marchands naviguant isolément au large du Cap, pour
21 987 t. Le 16 novembre, un message radio annonce
au commandant qu’il peut ajouter les Feuilles de chêne
à sa Croix de chevalier. Durant les deux semaines
suivantes, il coule huit navires supplémentaires pour
36 394 t, soit quasiment une victime tous les deux
jours ! À cette époque de la guerre, aucun U-Boot
n’obtient de tels résultats dans un autre secteur. Le
2 décembre, le U-181 prend le chemin du retour.
Il atteint Bordeaux, sa nouvelle base et siège de
la 12e flottille de U-Boote, le 18 janvier 1943 ; sa
patrouille a duré 129 jours !
La seconde plus longue patrouille de U-Boot du conflit !
Wolfgang Lüth repart pour l’océan Indien le 23 mars.
Une semaine plus tard, le voici élevé au grade de
Korvettenkapitän. Arrivé à hauteur de Monrovia
le 11 avril, le U-181 tire deux torpilles sur le cargo
britannique de 5 983 tonnes Empire Whimbrel. Le
navire est touché et évacué par son équipage, mais
il ne sombre pas. Le commandant allemand décide
alors d’en finir au canon. Mais, au premier tir de la
pièce arrière de 3,7 cm, le tube explose, blessant trois
membres d’équipage ! Pendant que le médecin de
bord ampute l’un d’entre eux, la cible est finalement
coulée par des obus de 10,5 cm… L’arrivée du U-516
le jour même permet de transférer le blessé le plus
grave pour que le U-181 puisse continuer sa mission.
Le 15 avril, Lüth apprend par radio qu’il est le
4e commandant de U-Boot à être décoré de la Croix
de Chevalier de la Croix de fer avec Feuilles de chêne
et Épées, une nouvelle dignement célébrée à bord par
l’équipage, tandis que le U-181 entre dans l’océan
Indien.
Il y est bientôt approvisionné en carburant
par le pétrolier ravitailleur Charlotte Schliemann, puis
commence sa chasse. Du 11 mai au 12 août, il envoie
neuf navires par le fond. Avec un tableau de chasse
si rempli, la récompense ne se fait pas attendre : le
9 août, Lüth devient le premier sous-marinier à recevoir
la Ritterkreuz avec Feuilles de chêne, Épées et
Brillants. Le U-181 touche Bordeaux le 14 octobre 1943,
soit après 205 jours en mer : c’est la seconde plus
longue patrouille de U-Boot du conflit !

Depuis septembre 1939, Wolfgang Lüth a passé
640 jours en mer, en missions de combat comme
commandant de U-Boot, ce qui est considérable. Ayant
accumulé les succès sur plusieurs types de sousmarins,
il est maintenant débarqué : le 17 décembre
1943 à Weimar, il fait une longue conférence devant
des officiers sur la meilleure manière de commander
des hommes dans un submersible.
Il raconte les particularités
de la vie à bord, les problèmes de discipline
et les méthodes qu’il a mises en place pour occuper
son équipage durant ses deux plus longues patrouilles
et éviter que les hommes s’ennuient : il avait planifié
des activités régulières, comme la célébration des
anniversaires et des fêtes religieuses, rythmé les
journées par des morceaux de musique et un vrai
concert le dimanche, organisé des tournois de jeux,
tenu un journal de bord pour informer ses hommes
des événements internationaux, etc.
Lui-même prenait
régulièrement le micro pour commenter l’actualité. Il
explique aussi que les succès sont un bon moyen de
briser la routine : il décrivait en détail chaque attaque
à ses hommes pour les impliquer, les autorisant même,
quand la situation le permettait, à regarder à travers
le périscope à tour de rôle pour voir la cible. Chaque
action était ensuite commentée et discutée.
Le 15 janvier 1944, Wolfgang Lüth est nommé chef de
la 22e flottille d’entraînement de Gotenhafen. Il écrit alors un manuel pratique et détaillé à l’usage des futurs commandants de sous-marin, livret dans lequel est
précisée la conduite à tenir en toutes circonstances,
de jour comme de nuit, les attaques de convois,
l’utilisation des torpilles etc.
Fait Fregattenkapitän le
1er août, puis Kapitän-zur-See le 1er septembre, il devient
le responsable du « premier bureau » de l’école
navale de Flensburg-Mürwik le même mois. Comme
beaucoup d’officiers nés hors d’Allemagne, il est plus
nationaliste que bien des Allemands de l’intérieur ;
anticommuniste viscéral, il est plus engagé politiquement
que la plupart des commandants de U-Boot.
À 30 ans, le voici bientôt plus jeune commandant de
l’école navale, un poste jusqu’alors toujours occupé
par un amiral. Le Großadmiral Dönitz le pressent même
pour le remplacer comme nouveau chef de l’arme
sous-marine !
La guerre se termine le 8 mai 1945. Cinq jours plus
tard, alors que des soldats allemands continuent
de garder le périmètre de l’école navale où siège le
gouvernement Dönitz, Wolfgang Lüth est abattu par
erreur par une sentinelle. Un enterrement solennel est
organisé le 16 mai pour le marin le plus décoré de la
Kriegsmarine. En présence de son épouse et de ses
quatre enfants, son cercueil est porté par six commandants
décorés de la Croix de chevalier.