L'occupation de la Rhénanie

Les blufs de Hitler

1936 : les Allemands occupent la Rhénanie.
La France ne réagit pas.
Elle commence à perdre la guerre de 1939-1940.
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Le bluff d'Hitler réussit

L'occupation de la Rhénanie par Hitler
A l'aube du 7 mars 1936, dans la grisaille d'un jour incertain et froid, Adolf Hitler décide d'agir, sans se soucier des avertissements de ses généraux et de ses diplomates. C'est le plus grand pari de sa carrière. Jusqu'ici il n'avait lancé de défi qu'à l'Allemagne. En cette aube grise, il provoque le monde entier.
Dans quelques heures, il aura gagné ou il aura perdu. La moindre intervention militaire française serait un désastre. La nouvelle Wehrmacht ne donne pas à son chef suprême le droit de se tromper.
Hier, Hitler a écouté avec impatiente von Blomberg, Schacht, von Neurath. La même phrase revenait sans cesse. .
Nous ne sommes pas prêts...
Mais pour le Führer, il ne s'agit pas de guerre. Il s'agit de bluff.
Maintenant, les troupes allemandes avancent dans la zone démilitarisée. Le colonel Gallenkamp a dressé les plans de l'opération qui réussira à la seule condition de ne se heurter à aucune opposition. Les hommes n'ont même pas perçu de cartouches !
Le chancelier parle à la tribune du Reichstag :
En vertu du droit inaliénable que possède chaque peuple de garantir ses frontières et de sauvegarder ses moyens de défense, le gouvernement allemand a rétabli, à la date de ce jour, la pleine et entière souveraineté du Reich sur la zone rhénane démilitarisée. A l'heure historique où je vous parle, les troupes allemandes viennent de pénétrer dans les provinces occidentales du Reich, pour y occuper leurs garnisons du temps de paix...
Le Führer anticipe un peu : les soldats de sa Wehrmacht ont reçu l'ordre de ne pas pénétrer dans leurs anciennes casernes et de bivouaquer dans les faubourgs des villes rhénanes. En attendant les réactions éventuelles de la France.
Malgré les avertissements prodigués par François-Poncet et malgré les craintes exprimées par les députés hostiles au pacte franco-soviétique, la nouvelle provoque un moment de surprise. Hitler a osé !Le plus indigné est Georges Mandel, ancien collaborateur de Clemenceau et ministre des Postes du gouvernement Sarraut. Il prononce le mot que tous redoutent :
Il s'agit de savoir si nous considérons la violation de la Rhénanie comme un acte de guerre...
Albert Sarraut hausse ses énormes sourcils. Il soupire. Chacun devine ce qu'il pense : « La France ne va pas faire la guerre à trois mois des élections. » Pierre-Etienne Flandin tortille sa moustache : il sait que les Britanniques ne bougeront pas. Dans le monde entier, les journaux minimisent la nouvelle. Tout va se résumer à une manchette du Canard enchainé : L'Allemagne occupe l'Allemagne.

Une foule en liesse

L'occupation de la Rhénanie, une foule en liesse
Les soldats de la Wehrmacht sont accueillis par une foule en liesse. Les soldats défilent au milieu d'une haie de bras tendus. Les avions volent au ras des toits et tournent autour des flèches de la cathédrale de Cologne : la nouvelle Luftwaffe de Goering participe à cette gigantesque parade. Au début de l'après-midi, un détachement franchit le Rhin sur le pont Hohenzollern. Le bourgmestre de Cologne accueille les troupes. Jacques Benoist-Méchin écrit dans son Histoire de l'Armée allemande :
« En moins d'une heure, toute la ville de Cologne s'est transformée en une mer de drapeaux. La foule acclame frénétiquement les troupes qui défilent sur la place de la Poste. Des jeunes filles lancent des fleurs aux officiers et aux soldats. A la tension angoissée des premières minutes succède, à présent, un enthousiasme délirant. »
Des scènes identiques se déroulent à Coblence, à Mannheim, à Mayence. L'armée allemande, sans tirer un coup de feu, s'avance vers Aix-la-Chapelle, où repose l'empereur Charlemagne, et vers la Sarre, que le plébiscite du 13 janvier 1935 a rattachée à la nouvelle Allemagne.
Trente mille hommes marchent à travers la Rhénanie et le Palatinat. En fin d'après-midi, ils s'installent dans leurs nouvelles garnisons. Dans quarante-huit heures, toute la rive gauche du Rhin sera occupée.

La reculade de la France

En cette tragique journée du 7 mars, à 18 heures, la France n'a encore trouvé qu'une réplique : la réunion d'un nouveau Conseil des ministres. Il se tient au Quai d'Orsay, où Pierre-Etienne Flandin reçoit ses collègues avec un air plus funèbre que jamais.
Les ministres parlent. Ils parlent beaucoup. Mais personne n'est décidé à agir, et surtout pas Albert Sarraut. Le ministre des Affaires étrangères donne le ton de ce lamentable Conseil en annonçant à la presse :
La France a pris la décision de ne rien faire sans l'Angleterre, dit PierreEtienne Flandin, et de saisir le Conseil de 'la Société des Nations de la réoccupation de la Rhénanie.
C'est la reculade.
La France ne veut pas faire appel à son armée (qui d'ailleurs n'est pas prête) alors elle fait appel aux instances internationales. Dans le monde de la force qu'impose Berlin, Paris s'obstine à parler de droit.
Les signataires du pacte de Locarno se réfugient à leur tour derrière une nouvelle dérobade : la convocation du Conseil de la Société des Nations.
Jamais encore l'opinion française n'a fait preuve d'une pareille division dans un moment critique.
Les politiques sont dans l'incapacité d'agir et les militaires envisagent une opération seulement « dans le cadre de la S.D.N. ».
Tout doit se régler à Londres à partir du 19 mars, date à laquelle est convoqué le Conseil de la S.D.N., près de deux semaines après le coup de force de la Wehrmacht.
Personne ne veut la guerre. Personne ne veut le risque même de la guerre. Le bluff d'Adolf Hitler a parfaitement réussi. Un seul mot d'ordre : ne rien faire.
Le Conseil se contentera de constater que l'Allemagne a violé le pacte de Locarno, mais il se gardera bien de proposer la moindre sanction. Puisque les Français n'ont pas voulu prendre l'initiative d'une riposte, aucun gouvernement étranger n'est décidé à se montrer « plus royaliste que le roi »...

Une recette pour des initiatives futures

La remilitarisation de la Rhénanie fournit à Hitler une remarquable recette pour ses initiatives futures: faire étalage de protestations pacifiques et ensuite passer à une action militaire rapide comme l'éclair, lancée de préférence pendant un week-end, quand la plupart des dirigeants européens se reposent. Avec cette affaire, il venait d'inaugurer sa tactique de la démonstration de force pour atteindre l'objectif fixé. Elle révélait un joueur consommé, acceptant froidement de prendre le risque ultime, en un mot: la guerre.
Au cours des trois années suivantes, Hitler devait sans cesse augmenter sa mise et parier gros jeu sur des objectifs pouvant difficilement passer pour l'arrière-cour de l'Allemagne: l'Autriche, la Tchécoslovaquie, la Pologne.
A Paris et à Londres, et dans d'autres capitales encore, malgré la menace implicite contenue dans l'affaire de la Rhénanie, la plupart des responsables avaient du mal à voir dans l'Allemagne de Hitler un réel danger pour la paix. Certes, ils admettaient le côté fatigant et fantasque du personnage, complètement étranger aux traditions de la vie politique, mais ils trouvaient inconcevable qu'il pût souhaiter la guerre, ou même l'envisager. Ils préféraient croire que le Führer était simplement animé du désir d'effacer l'humiliation subie par l'Allemagne à Versailles.