Les troupes allemandes
pénètrent en Autriche

Les blufs de Hitler

Quand les troupes allemandes pénétrèrent en Autriche, le samedi 12 mars 1938, elles furent saluées avec des fleurs et des-drapeaux à croix gammée. Hitler arriva en fin de journée et reçut un accueil enthousiaste de Linz, sa ville natale, puis de Vienne, où il avait vécu des années difficiles.
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Entre-temps le chancelier Schuschnigg avait été arrêté et soumis à un traitement si humiliant qu'on ne peut s'empêcher de croire qu'il avait été ordonné par Hitler lui-même. Il fut d'abord retenu aux arrêts chez lui, du 12 mars au 28 mai, et, pendant ce temps, la Gestapo s'employa par les moyens les plus mesquins à lui ôter toute possibilité de dormir. Transféré ensuite au quartier général de la Gestapo, à l' Hôtel Métropole, il y demeura incarcéré pendant dix-sept mois dans une pièce minuscule, au cinquième étage. Là, avec la serviette qui lui était remise pour son usage personnel, il devait nettoyer les lavabos, les seaux hygiéniques et les latrines des gardes S.S. et accomplir toutes les autres basses besognes que les hommes de la Gestapo avaient l'idée de lui imposer.
Le 11 mars 1939, premier anniversaire de sa chute, il avait déjà perdu près de 30 kilos, mais le médecin S.S. le déclarait en excellente santé. Les années qu'il passa ensuite dans la solitude d'une prison, puis avec les « morts vivants » dans certains des plus terribles camps de concentration allemands, tels que Dachau et Sachsenhausen, ont été décrites par lui dans son livre Requiem autrichien.
A savoir
Traitement humiliant pour le chancelier Schuschnigg

Le plus courageux des Autrichiens

Le Roi sur l'échiquier, le président Miklas, n'allait pas tarder à être échec et mat. Tandis que Hitler préparait la
progression des forces armées du Reich au-delà de la frontière, Goering dirigeait au téléphone les derniers coups du jeu.
A Vienne, sur place, il disposait de Seyss-Inquart, maître de la police et des forces de sécurité, de Keppler, envoyé spécial du Fürher, du général Muff, attaché militaire allemand à l'ambassade de Vienne.
La destitution de Schuschnigg se fit en quatre temps.
1. Le chancelier autrichien réunit son cabinet et, après en avoir délibéré, décida d'annuler le plébiscite.
2. Après avoir hésité, il renonça à « verser le sang allemand », c'est-à-dire qu'il donna l'ordre de n'opposer aucune résistance en cas d'intervention de l'armée allemande.
3. SeyssInquart, Glaise-Horstenau et Keppler constituèrent un comité d'urgence qui s'installa à la chancellerie et envoya un télégramme (préparé d'avance par Goering) à Berlin réclamant l'envoi de troupes afin de rétablir l'ordre. Ce qui était totalement infondé, aucun désordre ne menaçant. Schuschnigg ne jeta pas dehors les intrus.
4. Ecoeuré, il présenta sa démission au président de la République et proposa Seyss-Inquart, comme l'avait demandé Hitler...
La déposition de Miklas fut plus difficile. Le président était un homme lourd et têtu, dont les Viennois disaient que sa principale vertu était d'avoir su faire quatorze enfants à sa femme. En tout cas, ce fut le plus courageux des Autrichiens en cette heure difficile.
Comme il avait refusé de nommer Seyss-Inquart chancelier, Muff et Keppler lui présentèrent un ultimatum aux termes duquel, s'il s'obstinait, les troupes allemandes entreraient en Autriche. Miklas finit par capituler. Il ne pouvait même plus disposer de la radio pour faire appel à ses concitoyens. Ses dernières paroles au pouvoir furent rapportées le lendemain par les journaux étrangers : « L'Autriche veut marquer devant le monde que, bien qu'elle n'oppose pas de résistance à la violation qu'elle subit, elle ne cède qu'à la force effective. »

Hitler célébra sa terre natale enfin retrouvée

discours de Hitler à Vienne
A 22 heures, le 11 mars, les premiers éléments de l'armée allemande pénétrèrent en Autriche, à Kufstein, Mittewald, Salzbourg puis Braunau, la ville natale de Hitler, les troupes autrichiennes se retirant au fur et à mesure de la progression.
On sait comment une majorité d'Autrichiens accueillirent le vainqueur. Comme l'écrivait alors l'envoyé spécial du Petit Parisien , ce fut une énorme « kermesse »... A partir de la frontière, le train (qui amenait les envoyés spéciaux de la presse internationale) avait été salué par un public de curieux « le bras levé ». La première impression était que le mouvement naziste paraissait surtout réunir des individus jeunes. Jouissance jusqu'ici interdite, ils pouvaient désormais porter la croix gammée et saluer du bras droit.
L'Autriche nouvelle, avant d'être soumise par la terreur de la Gestapo, fut conquise par le vacarme « moderne ». Pour la capitale de la musique qu'était Vienne, ce fut plus qu'un symbole. Un viol par le bruit...
Devant l'Opéra, un haut-parleur géant diffusa, au soir du 12, le discours prononcé à Linz par Hitler. A partir de 20 h 15, dans les célèbres cafés, le public écouta, debout. Ensuite, une retraite aux flambeaux défila sur les places et les avenues. Pendant une partie de la nuit, les Viennois favorables au nouveau cours chantèrent et vociférèrent en choeur. Une première division mixte austro-allemande était parvenue dans la capitale.
Rien n'effacera jamais la pénible impression que produisit sur les observateurs étrangers la délirante réception offerte à Hitler par Linz, la ville où il avait passé sa jeunesse. Il y eut effectivement de l'enthousiasme et pas seulement l'action de la propagande. Le discours du Führer, prononcé à l'hôtel de ville, fut haché d'acclamations interminables qui obligeaient son auteur à reprendre deux ou trois fois certaines de ses phrases. Ce n'était pas affectation.
Hitler célébrait sa terre natale enfin retrouvée. Il parlait du lien historique éternel entre le pays allemand d'Autriche et l'Allemagne. Il l'avait restauré par une action opiniâtre après qu'il eut été brisé en 1868 (par Sadowa)... Il disait combien il était heureux de fouler le sol allemand de son pays...

L'Anschluss : l'union intime

Le dimanche matin 13 mars, alors qu'aurait dû se dérouler le plébiscite à la manière Schuschnigg, Hitler se rendit à Leonding, petit village où étaient enterrés ses parents. A midi, il revint déjeuner à Linz.
Vienne l'attendait. Mais il y avait eu un fâcheux contretemps. Les colonnes de blindés, roulant vers Vienne comme à la parade, étaient tombées en panne. Ce fut, pour Hitler, une nouvelle occasion de s'emporter contre la Wehrmacht.
La loi promulguant l'Anschluss (l'union intime) fut annoncée sans lui au balcon de la chancellerie de Vienne. L'Autriche était désormais réunie au Reich comme pays allemand. L'armée fédérale autrichienne était incorporée à l'armée allemande après prestation de serment au Führer. Un plébiscite de ratification était annoncé pour le 10 avril. (Il aurait lieu comme prévu, accordant 99,75 % de « Ja » à la loi du vainqueur.)
Hitler entra à Vienne le lundi 14 mars, à 18 heures. Toutes les cloches de toutes les églises sonnèrent en son honneur. Des précautions extraordinaires avaient été prises. Les grands hôtels étaient gardés par des militaires en armes. Himmler et Heydrich avaient fait procéder à d'innombrables arrestations. Tous les opposants de gauche qui venaient à peine d'être libérés furent à nouveau arrêtés. Selon le témoignage de William Shirer, qui assista en journaliste à ces événements, ce fut une véritable orgie de sadisme . La conduite des nazis viennois fut pire que tout ce que j'avais vu en Allemagne...
L'autriche est réunie au Reich en 1938

La réaction des Alliés

L'Angleterre et la France furent ébranlées par le nouveau coup de force de Hitler. Lord Halifax, ministre des Affaires étrangères de Chamberlain, se frappa le front en disant: Affreux! Affreux! Je ne les aurais jamais crus capables de faire cela. Les deux pays adressèrent des protestations à Berlin et reçurent une réponse d'une insolence glaciale: les relations germano-autrichiennes ne concernent que le peuple allemand.
La nuit où les troupes allemandes se concentraient sur la frontière autrichienne, Goering, le commandant en chef de la Luftwaffe, présidait une réception à Berlin dans la nouvelle Maison du ministère de l'Air. Parmi les 1 000 invités présents se trouvait un envoyé de la Tchécoslovaquie en Allemagne; dissimulant mal son anxiété légitime, il s'approcha de Goering pour un bref entretien. Celui-ci lui donna l'assurance, au nom de Führer, que les événements d'Autriche ne constituaient aucune menace pour son pays. «Je vous en donne ma parole d'honneur, affirma-t-il. La Tchécoslovaquie n'a rien à craindre du Reich.»
Chaque jour on pouvait voir d'importants groupes de Juifs, hommes et femmes, gratter le nom de Schuschnigg inscrit sur les trottoirs et nettoyer les ruisseaux. Tandis qu'ils travaillaient à genoux par terre, surveillés de près par des S.S. ricanants, la foule s'assemblait pour se moquer d'eux. Des centaines de Juifs, hommes et femmes, étaient ramassés au hasard dans les rues et envoyés nettoyer les latrines publiques et les toilettes des casernes où étaient cantonnés les S.S. et les S.A. On en emprisonna 10 000 autres. Leurs biens furent confisqués ou volés. Par les fenêtres de notre appartement de la Plosslgasse, je voyais des escouades de S.S. emportant dans des camions : argenterie, tapisseries, peintures, tout un butin pillé dans le palais Rothschild, à côté de chez nous. Le baron Louis de Rothschild parvint par la suite à quitter Vienne en livrant ses aciéries aux Usines Hermann Goering. Quand la guerre éclata, la moitié peut-être des 180 000 Juifs de la ville étaient parvenus à acheter le droit d'émigrer, en abandonnant aux nazis tout ce qu'ils possédaient.
Témoignage
Une véritable orgie de sadisme