Destins tragiques

Le gigantesque exode

Ils ont survécu à l’abandon total d’un Etat devenu un territoire de grand banditisme, où l’on tue à loisir, où voler est une pratique généralisée, où l’on abandonne sans soins les fous et les malades.
Où médecins, policiers, pompiers, gendarmes, maires, députés, se sont évanouis dans la nature retournant par milliers à l’état sauvage.
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Les ponts de la Loire vont sauter

Réfugiés épuisés pendant l'exode de 1940 en France
Poussée par la peur, par l'incendie qui commence à dévorer les premiers morceaux d'Orléans, par le bruit des avions, la foule se rue en direction du pont George-V. A l'entrée nord d'Orléans apparaissent les dernières arrière-gardes françaises. Eléments disparates qui n'en peuvent plus de fatigue, qui « décrochent » depuis des jours et des jours et qu'épuisent la tension nerveuse et les mitraillages quotidiens. Peu de troupes homogènes, beaucoup d'isolés que plus rien ne lie à cette armée en décomposition.
Sur les ponts d'Orléans passent les Parisiens qui ont pu encore acheter quelques litres d'essence dans une épicerie de campagne.
Sur le pont d'Orléans passent des infirmières de l'hôpital d'Orsay qui, pour ne pas abandonner les intransportables aux mains des Allemands, viennent de tuer six grands malades. Parmi toutes les histoires affreuses de ce mois de juin, c'est l'une des plus affreuses.

Les enfants perdus

Les enfants perdus penadant l'exode de juin 1940 en France
Les  journaux de province regorgent d’avis de recherche, de parents éplorés ayant perdu leurs enfants, de couples  désunis, de vieillards perdus, comme ce maire de Crève-cœur, en Seine-et-Marne, dont l’épouse a disparu près d’un des ponts de la Loire, ou telle famille du Mans ayant confié, dans son désarroi, une enfant de dix ans à la sauvegarde de l’équipage d’un camion-citerne de l’armée.
Un ingénieur de la SNCF parcourt les quais de Matabiau à Toulouse à la recherche de son épouse perdue en gare de Troyes le 13 juin. Un percepteur de la Loire a vu disparaître toute sa famille, le 8 juin, du côté de pont-Sainte-Maxence. Il en est sans nouvelles depuis. Un émigré italien a perdu sa mère Philomène, soixante-deux ans, à Orly sur la route de Paris.
Les enfants pris en voiture par les convois militaires ne sont pas toujours signalés. Les réfugiés pouvaient-ils demander à rentrer sans avoir obtenu des nouvelles des membres de leur famille disparu ?
Longtemps les journaux français seraient à la recherche, sous forme de petites annonces, des enfants perdus de l’été 1940. 

Ceux qui restent

Il faut comprendre ce que représentaient la solitude et l’abandon de ceux qui étaient restés sur place, sans aucun recours ni secours, devant une armée étrangère qui s’annonçait, dans la débandade des dernières unités de l’armée française.
Les pillards rôdaient dans les villes abandonnées, prêts à faire un mauvais sort aux survivants qui les dérangeaient dans leur besogne de chacals. Aucune assistance médicale prévue en cas d’attaque aérienne.
De singulières rencontres au hasard des routes : les fous, les détenus ont quitté prisons et asiles, évacués ou évadés, ils se nourrissent en volant. Pas de lieux de refuge pour les enfants égarés, les écoles sont vides et les églises elles-mêmes ont perdu leurs prêtres. Les morts pourrissent sur les bords de la route, faute de fossoyeurs. Les corbillards en goguette ont chargé des familles entières sur la route de Gien.
Morts sur la route pendant l'exode de 1940 en France

Bordeaux, des jours tragiques

Destins tragiques des réfugiés en mai et juin 1940 pendant la Deuxième guerre mondiale
A Bordeaux, les différentes couches de éfugiés se superposent. Les premiers arrivés sont les moins mal logés. Les premiers arrivés, c'est-à-dire les Belges : dockers d'Anvers que le préfet a, un moment, l'intention de faire photographier et mensurer, policiers bruxellois, familles débarquées le 22 mai de l'Albertville et du Baudouinville. Les Belges et aussi les gens du Nord, les Alsaciens et Lorrains qui ont rejoint une partie de leur famille campée depuis l'hiver dans le Sud-Ouest.
Les autres s'installent comme ils peuvent. Liés aux camions et aux trains qui les transportent, ils en suivent le sort. Bien malgré lui, le dépôt du le train accueille ainsi quatorze vieillards et deux religieuses de l'hospice de Villebruel dans l'Yonne.
La gare Saint-Jean est un vaste caravansérail où 30 gardes mobiles (il en faudrait 120) sont incapables de remettre de l'ordre parmi les femmes, les enfants et les soldats errants.
Aboutissent là tous les convois qui, pendant des jours, se succèdent sur toutes les voies ferrées, s'arrêtant en rase campagne, bloquant aux passages à niveau la marée des véhicules, se touchant tous sans jamais pouvoir se dépasser, longue chenille noire que coupent et fractionnent les bombes.
Trains chargés de bagages (qui resteront en gare. jusqu'en juillet 1940 sans que l'on sache qu'en faire).
Trains sanitaires chargés de blessés civils et militaires, d'hommes qui ont longtemps souffert sous la chaleur des tôles, qui ont entendu, sans pouvoir fuir, les avions passer en rase-mottes, de femmes aux pieds malades, aux pieds énormes, gonflés, sanglants, comme usés à force de marcher.
Trains de troupes où se sont glissés des enfants perdus. Trains de réfugiés où se sont perdus des soldats en fuite.
C'est dans cette ville surpeuplée (700800 000 habitants) que Paul Reynaud précédant, sur des routes momentanément dégagées, un gouvernement assommé par la défaite, arrivera le 14 juin.
Très souvent, des enfants attachés avec une ficelle. Soit sous forme de harnais, soit par le bras, ou en ceinture. J'ai même vu toute une famille, une bande de petits, attachés les uns aux autres, comme une petite grappe, et la mère éreintée tirait après elle sa chaîne, sa charge, sa raison de vivre. [...] En trois jours, nous sommes retournés aux temps préhistoriques.
Témoignage
Ne pad perdre les enfants sur la route