Le coup de poignard
dans le dos

Histoire d'une défaite

Le 10 juin 1940, après la bataille de la Somme, la bataille de l'Aisne est également perdue. Notre dispositif est disloqué et nos armées vont fatalement être obligées de battre en retraite sans espoir de rétablissement. Mussolini juge le moment venu d'entrer en guerre à son tour et de voler au secours de la victoire allemande...
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Des massifs infranchissables

10 juin 1940, l'Italie entre en guerre
A la mobilisation, l'attitude de l'Italie étant douteuse, l'année des Alpes commandée par le général Besson, avait été fortement constituée. Elle comprenait alors onze divisions et trois « secteurs fortifiés » (de Savoie, du Dauphiné et des Alpes-Maritimes) équivalant chacun à une division, soit un total de quatorze divisions. Ses effectifs étaient de 500 000 hommes.
Mais la « non-belligérance » italienne s'affirmant, agrémentée à la frontière de contacts amicaux, les prélèvements au profit du front nord-est se succèdent en octobre, novembre et décembre. En mai 1940, il ne reste plus au général Olry, qui a succédé au général Besson le 20 octobre, que la valeur de six divisions avec un effectif total de 85 000 combattants.
Etant donné la faiblesse des effectifs, écrit le général Mer, chef d'état-major de l'armée des Alpes, on avait recherché avant tout l'économie des forces, en faisant état au maximum des massifs infranchissables et en ne barrant que les axes possibles d'invasion. Le tracé de la position défensive ne suivait donc pas les contours de la frontière et l'on abandonnait les saillants, tel celui de la haute Maurienne en amont de Modane. Sur la position, une série d'ouvrages permanents avaient été construits.
Pendant tout l'hiver, on n'avait relevé aucun symptôme inquiétant du côté italien. Mais, à partir de mars 1940, une activité anormale est observée de l'autre côté de la frontière. Le général Olry demande au G.Q.G. des renforts. On ne lui répond que par de vagues promesses, qui ne seront pas tenues. Il fait alors compléter le système de destruction des itinéraires d'invasion, afin de compenser notre infériorité numérique en bloquant l'envahisseur dans les vallées. On ne lui laissera ainsi que les sentiers muletiers ou glaciaires, sur lesquels nos alpins, et particulièrement nos sections d'éclaireurs-skieurs, qui connaissent bien « leur montagne », pourront arrêter un ennemi même très supérieur. En même temps, notre artillerie prépare ses tirs sur les vallées et les passages obligés.
Telle est la situation le 10 juin, quand l'Italie entre en guerre.

Dans le dos des français

Le 20 juin 1940, les italiens attaquent dans les Alpes
Dans la nuit du 10 au 11, le général Olry fait jouer le plan de destruction. Cinquante-trois tonnes d'explosifs font sauter les routes et ponts, de même que la sortie du tunnel du col de Fréjus.
La parole est maintenant à nos alpins, qui attendent de pied ferme la ruée ennemie. Mais, du 10 au 20 juin, rien ne se produit, sinon quelques rencontres de patrouilles à la frontière. Et cependant, la supériorité numérique des Italiens est écrasante !
En face de nos deux corps d'armée les Italiens ont deux armées en première ligne comptant ensemble vingt-deux divisions, dont dix-neuf en premier échelon. En arrière, dans la vallée du Pô, la VIIe armée, forte de huit divisions, doit s'engager à son tour quand les passages des Alpes seront ouverts par les deux autres.
Mais le commandement italien, qui connaît les difficultés du terrain et la valeur de nos troupes alpines, ne veut passer à l'attaque que lorsque les Allemands, qui descendent la vallée de la Saône, seront arrivés sur les arrières de l'armée des Alpes et en mesure, s'il y a lieu, de lui ouvrir les cols par l'ouest.
Mais, le 19, le Führer s'est déclaré prêt à recevoir une délégation française d'armistice, qui quitte Bordeaux le 20. Si les Italiens veulent être vainqueurs eux aussi, il leur faut se hâter !

Ne pas tenir compte des pertes

Le 20 juin, ils attaquent donc sur tout le front des Alpes, sans attendre leurs alliés. Mais l'échec est général. Notre artillerie exécute vigoureusement ses tirs préparés, fauchant les colonnes italiennes qui progressent en rangs serrés dans les étroites vallées de montagne, et nos sections d'éclaireurs-skieurs, postées sur des crêtes quasi inaccessibles, les harcèlent. Le nombre des assaillants ne fait qu'augmenter leurs pertes.
Le lendemain 21, l'attaque est reprise, sans plus de succès. Notre ligne de résistance n'est abordée nulle part et nos ouvrages d'avant-postes tiennent, même dépassés.
En Tarentaise, la petite garnison de la Redoute-Ruinée est encerclée, mais elle continuera, jusqu'à l'armistice, à battre les débouchés du col du Petit-Saint-Bernard.
En Maurienne, les Italiens ne peuvent qu'occuper la zone de Lanslebourg qui avait été évacuée auparavant.
Dans le Briançonnais, ils prennent pied au col-frontière du Mont-Genèvre, mais ne peuvent en déboucher sur Briançon, bloqués dans le bas-fond par les feux de quelques compagnies de chasseurs alpins de réserve qui tiennent les crêtes. Le 21 au matin, le fort italien du Chaberton, qui domine de sa masse le Mont-Genèvre, la haute vallée de la Durance et la ville de Briançon, ouvre le feu de ses huit tourelles ; mais notre batterie de quatre pièces de 280 mm riposte par un tir précis, réglé par l'observatoire latéral du fort du Janus. Le résultat du duel est que, dans l'après-midi, les huit tourelles, endommagées, sont réduites à un silence définitif. Les Briançonnais pourront dormir tranquilles !
Dans le Queyras, la petite garnison d'Abriès tient, mitraillant les assaillants. N'entreront à Abriès que des prisonniers.
En Ubaye, le 2e corps italien force le col de Larche, mais échoue devant le village.
Dans les Alpes-Maritimes, le 15e corps italien, qui a l'ordre de s'emparer de Nice, est bloqué par nos avant-postes devant Menton. Le 22 au soir, Mussolini lance ce télégramme radio en clair : « L'attaque sera reprise sur Menton avec le régiment royal n° 89 et poussée jusqu'à l'assaut, sans tenir compte des pertes. »
Le lendemain, en effet, l'attaque est reprise. En passant par la montagne, une colonne atteint Menton, qu'elle ne peut dépasser. Mais la petite garnison de l'ouvrage-frontière du pont Saint-Louis (un officier, un sous-officier et sept hommes) tient toujours, barrant la route côtière. Le 25 au matin, elle ignorera l'armistice et il faudra l'intervention de deux officiers français pour la faire sortir de l'ouvrage.
Bataille des Alpes en juin 1940

Le feu, le froid et la faim

La bataille des Alpes, qui n'a duré que cinq jours, se termine par un brillant succès pour nos armes. Grenoble et Chambéry restent inviolés. Le plan allemand de jonction avec les Italiens a échoué. Ces derniers n'ont entamé nulle part notre position de résistance et nous conservons la presque totalité de nos ouvrages d'avant-postes.
Durement éprouvés par le feu, le froid et la faim, écrit le général Mer, les masses italiennes avaient perdu tout allant et étaient dominées moralement par nos unités. Sans cet effort de volonté, l'ennemi aurait poussé jusqu'à Marseille et l'armée des Alpes aurait subi le sort des armées de Lorraine et d'Alsace. Le général Olry est un grand chef, parce qu'il a fait de grandes choses avec de bien petits moyens.
Quant aux Allemands, malgré leurs panzers, ils n'ont guère fait mieux que leurs alliés. Mais cela ne les empêchait pas de se gausser d'eux ! Le général Vernoux, président de la délégation française d'armistice, rapporte l'anecdote suivante :
Au cours d'une séance, le représentant allemand se faisait expliquer, sur une carte, l'articulation des unités françaises à l'armistice et, montrant les « olives » représentant les trois divisions déployées face à l'Italie,
il demanda : Nous voyons bien ici les trois divisions que vous aviez en réserve dans les Alpes, mais nous ne voyons pas celles que vous aviez en ligne. Nous avons besoin de connaître votre ordre de bataille complet.
Il n'y a pas d'omission, lui fut-il répondu. L'armée des Alpes ne comprenait, face à l'Italie, que les trois secteurs fortifiés et ces trois divisions.
Vous voulez dire que c'est avec ces trois divisions que vous avez arrêté l'armée italienne ?
Parfaitement !
L'officier allemand parut un instant incrédule, puis il se rendit à l'évidence et l'on vit un large sourire illuminer sa face. Vite, il s'empara de la carte et se dirigea vers ses camarades qui travaillaient dans un autre coin de la salle. Et là, on les vit se livrer à une mimique des plus expressives. C'est tout juste s'ils ne se tenaient pas les côtes !