Objectif Londres

Londres sous les bombes

Le 7 septembre 1940, les Allemands adoptèrent une nouvelle stratégie, et un nouvel objectif principal, plus éloigné encore que la plupart des aérodromes de secteurs, et plus vital à leurs yeux.
Il s'agissait de Londres.
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Londres "cible suprême"

Cette décision s'inspirait de trois idées. En premier lieu, des actions contre Londres susciteraient des combats aériens encore plus gigantesques, dont les Allemands attendaient un taux d'attrition encore plus élevé pour le Fighter Command. C'est pour cette raison que Kesselring se montra chaud partisan de ce changement de plan. Ensuite les bombardements de la capitale, doublés de raids nocturnes contre d'autres grandes villes, auraient un effet paralysant sur l'appareil gouvernemental dans les jours précédant l'invasion. Peut-être même suffiraient-ils à terroriser la population au point de pousser les Anglais à la reddition. Enfin, l'attaque de la métropole aurait la valeur de représailles aux yeux du peuple allemand.
La nuit du 24 au 25 août en effet, dans le cadre d'opérations isolées de routine, quelques bombes étaient tombées en plein centre de Londres. Erreur de visée ou largage d'urgence ? C'étaient les premières de toute la guerre. Churchill et le cabinet de guerre avaient ordonné des représailles immédiates sur Berlin, et les nuits suivantes des bombardiers de la RAF avaient frappé la capitale du Reich, une éventualité dont Goering avait garanti l'impossibilité au Führer. Fou de rage, celui-ci donna l'ordre de la vengeance et avec le concours empressé de Goering la Luftwaffe fut décuplée contre son objectif suprême, Londres.
Pendant la nuit du 4 septembre, des bombardiers allemands larguèrent des fusées éclairantes sur Londres. Les deux nuits suivantes, de petites formations lancèrent leurs bombes sur Rotherhithe et d'autres quartiers proches des docks. C'était la mise en train de l'opération.

L'après midi du 7 septembre

Londres bombardée en septembre 1940
Tard dans l'après-midi du 7 septembre quelque 300 bombardiers escortés de 600 chasseurs pénétrèrent par le Kent et le Sussex ou l'estuaire de la Tamise par grosses vagues successives. Quelques-uns attaquèrent les installations pétrolières de Thameshaven, qui brûlaient toujours à la suite d'attaques précédentes. Le reste, au lieu de bombarder les aérodromes de secteurs, objet de toute la vigilance des chasseurs britanniques, conserva son cap jusqu'aux faubourgs de la capitale. Bien que pratiquement tous les escadrons de chasse de la RAF mis en l'air soient parvenus au contact de l'ennemi, la majorité des assaillants put larguer ses bombes explosives ou incendiaires avant d'étre prise à partie. Le plus gros de l'attaque pesa sur le quartier des docks, à l'est de la Cité. D'énormes incendies se développerent dans les entrepôts, à Silvertown notamment, et leurs flammes servirent de balises lumineuses aux bombardiers allemands pendant plusieurs heures consécutives. Cette nuit-là, plus de 250 d'entre eux se relayèrent du crépuscule à l'aube au-dessus de la capitale, pour donner à quelques millions de Londoniens leur première expérience du Blitzkrieg qu'ils ne tardèrent pas à appeler le « Blitz ».

La gaffe magistrale de Goering

Au cap Gris-Nez, le téléphone sonna pour Hermann Goering. Sa femme, Emmy.
Comment, tu sais déjà, Emmy?... Oui, la journée a été vraiment extraordinaire. J'ai envoyé mes bombardiers sur Londres et la ville est en flammes.
Le Reichsmarschall ne se tenait plus d'enthousiasme. Kesselring ne put cacher sa gêne en le voyant saisir le micro d'un reporter pour dire à la nation allemande :
Nous vivons un moment historique ! Après tous les raids sur Berlin de ces nuits dernières, le Führer a décidé d'ordonner des représailles monstres contre la capitale de l'Empire britannique. J'ai pris personnellement le commandement des opérations... J'ai entendu le rugissement triomphant de nos bombardiers qui, pour la première fois, ont frappé l'ennemi droit au coeur !
Et il exprima sa conviction que le raid avait parfaitement réussi et que l'ennemi demanderait bientôt grâce.
Goering venait de commettre une gaffe monumentale de plus. Après avoir négligé le réseau radar, il négligeait maintenant les aérodromes, persuadé de vaincre le moral des Londoniens. Toute la nuit durant, 247 bombardiers relayèrent l'attaque, déversant leurs tonnes de bombes sur les incendies déjà allumés dans la capitale et sur leurs alentours.
Goering s'échauffa sur sa tâche de destruction. Il avait découpé Londres en deux parties : « A », l'East End et les docks, et « B », l'Ouest. La Luftwaffe avait si bien « matraqué » l'East End, qu'il ordonna le même traitement pour le West End, ses grandes gares et ses centrales électriques.
Tout cela faisait un énorme morceau et, du coup, une autre gaffe de Goering sortait de l'ombre où l'avaient reléguée les premières victoires. Car cette sorte de destruction « en gros » exigeait de plus grosses bombes et des quadrimoteurs pour les porter. Or, Goering lui-même avait annulé le programme de construction de bombardiers de ce type, en 1937.
Bombardement de londres par les bombardiers allemands en 1940

Le sang frois de Dowding

Dowding poussa un soupir de soulagement, le 7 septembre, en voyant la Luftwaffe se détourner des aérodromes de secteur. Ce jour-là, sur 28 pilotes abattus il en perdait 19. Chiffre infime en apparence, à côté du millier de Londoniens tués dans le massacre. Mais, à cette date, les escadrons de Dowding dans la zone des combats étaient décimés, au point qu'il était devenu impossible de maintenir les patrouilles de protection des convois.
Le 8 septembre, tandis que Goering découpait le gros gâteau de Londres en « A » et « B », Dowding aussi décidait d'étiqueter ses escadrons A, B et C dans son « plan de stabilisation ».
Ceux de la catégorie A resteraient à la 11e Région (couverture des flancs comprise); B formerait une petite réserve opérationnelle; quant aux escadrons C, basés loin du coeur de la bataille, ils seraient la pépinière qui fournirait en pilotes le front aérien.
Seule, l'extraordinaire force de volonté de Dowding lui permit de garder à ce point, en de tels moments, le contrôle des combats. Sa chasse avait vu poindre le visage de la défaite au cours de ces journées. Par miracle, il semblait que la situation pût être reprise en main.
Mais le salut de l'Angleterre continuait à dépendre précairement de cet homme. La bataille n'était pas encore gagnée; sa continuation exigeait tout son temps, toute son énergie. C'était sa bataille; il entendait la mener selon ses plans.