Le dimanche
15 septembre 1940

Londres sous les bombes

Ce nouvel échec du 15 septembre s'ajouta aux effets des bombardements britanniques sur les chalands de débarquement pour emporter la décision finale.
Le 17 septembre, Hitler n'avait plus d'autre choix que de reporter l'opération " Lion de Mer à une date indéterminée.
La menace d'invasion avait cessé.
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Hitler reporte à nouveau le jour J

Le 10 septembre. le temps était à la pluie et l'activité allemande demeura réduite. A la nuit il y eut le raid quotidien sur Londres, tandis que d'autres bombardiers attaquaient le sud du Pays de Galles et le Merseyside. L'après-midi suivante il y eut une tentative de brouillage des radars britanniques, tandis que la Luftflotte III attaquait Southampton et que la Luftflotte H envoyait trois raids massifs contre Londres. Beaucoup de bombardiers parvinrent jusqu'à la verticale de la Cité ou des docks, et la balance des pertes, 25 allemands pour 29 chasseurs du Fighter Command. pencha pour la première fois en faveur de la Luftwaffe.
Au retour de mission certains pilotes allemands rapportèrent que la chasse britannique semblait diminuer d'ardeur. La Luftwaffe espérait encore achever sa mission, mais on était déjà le 11 septembre et le Fighter Command vivait toujours. L'exigence d'un préavis de dix jours posée par la Kriegsmarine rendait désormais illusoire toute tentative d'invasion pour le 21 septembre, et Hitler fut amené à accorder trois jours de délai supplémentaire à la Lufwaffe, soit jusqu'au 14 septembre, en espérant pouvoir retenir la date du 24 pour l'invasion.
Le sort voulu que le temps des 13 et 14 septembre fut caractérisé par une visibilité médiocre, obstacle majeur à la plupart des actions offensives. Et même l'intensité des attaques de nuit demeura réduite sur un Londres dont le moral remontait avec la courbe ascendante du bruit de ses canons de DCA.
Le 14 septembre. Hitler ne pouvait que reporter sa décision au 17, ce qui repoussait le Jour J au 27, à peu près le dernier jour de la période des marées favorables, avant le 8 octobre. Cet ordre du Führer allait à l'encontre de l'avis des responsables de la marine allemande, favorables à un ajournement sine die, expression pleine de tact pour signifier l'abandon du projet. Leur inquiétude croissait en effet à la mesure de l'intensité des attaques de la RAF contre le parc des bateaux de débarquement, dont une forte proportion venait d'être détruite la nuit précédente.
La Luftwaffe s'efforça d'emporter la décision dans le court laps de temps restant à sa disposition. En dépit d'une météo défavorable. plusieurs raids frappèrent Londres dans l'après-midi du 14 septembre. Quelques pilotes allemands firent état de la faiblesse de l'opposition rencontrée, et le Fighter Command perdit autant d'appareils que l'adversaire. La nuit fut belle, mais la Luftwaffe n'envoya pas plus de 50 missions sur Londres.
Elle économisait ses moyens pour la suite des opérations.

15 septembre... La roue tourne

Les pilotes anglais pendant la bataille d'Angleterre
La matinée était belle. Dans le West End, les rais du soleil éclairaient des coins presque déserts. La nuit précédente, les sirènes avaient mugi, des hommes et des femmes pleuraient des morts, contemplaient des ruines. Cette partie de la cité, toutefois, n'avait été que relativement peu touchée. Dans Piccadilly, quelques personnes flânaient au soleil, d'autres s'en allaient à l'église.
De l'autre côté du détroit, l'animation régnait aussi. Le maréchal Goering avait ordonné une attaque de grande envergure sur Londres. Les aviateurs allemands prenaient leur petit déjeuner, d'autres écrivaient à leur famille. Ces équipages étaient composés d'hommes qui ne différaient guère des jeunes aviateurs anglais, mals ils s'étaient lancés dans cette longue bataille avec l'espoir d'en finir très vite, sûrs de leur victoire.
Très loin, là-bas en Angleterre, les radars entrèrent en action et signalèrent l'approche des premiers appareils. Toutes ces formations étaient en route vers Londres mais il leur fallait traverser la zone, profonde de 128 kilomètres, large de 68 kilomètres et haute de 8 ou 10 kilomètres, ce champ de bataille qui s'étendait au-dessus du sud-est de l'Angleterre, et dans lequel la plupart des engagements avaient eu lieu.
En levant les yeux, les pilotes anglais constataient que le temps se bouchait. Les premières heures de la matinée avaient été plutôt calmes mais lorsque les bombardiers allemands s'engagèrent au-dessus du Pas-de-Calais, les chasseurs anglais prirent l'air pour les intercepter.

Dans le tourbillon des chasseurs

La première erreur des ennemis fut de consacrer un long moment à rassembler bombardiers et chasseurs. Cette mesure était due à la décision qu'avaient prise les Allemands de partager leur offensive en deux grandes vagues. Le temps séparant ces deux attaques permit aux escadrilles anglaises, qüi ne pouvaient tenir l'air plus d'une heure sans refaire le plein, de regagner leurs terrains et de se réapprovisionner en munitions et en combustible.
De surcroît, les Allemands dédaignèrent de lancer ce jour-là des attaques simulées qui avaient, si souvent obligé Park à détacher des escadrilles loin de la zone du combat principal. La Luftwaffe avait peut-être trop confiance en ses possibilités.
Quoi qu'il en soit, vers onze heures du matin, les Britanniques comprirent clairement que l'ennemi préparait une attaque d'envergure. La chasse avait déjà mis en l'air, à cette heure-là, dix-sept escadrilles. Ces formations, que Dowding avait maintenues en première ligne et au prix de tant d'efforts, constituaient le nerf même de la défense, son épine dorsale, son groupe de choc.
A peine les premières escadrilles allemandes arrivèrent-elles à l'aplomb de la côte anglaise qu'elles furent prises dans un tourbillon de chasseurs. A hauteur de Canterbury, deux escadrilles de Spitfire attaquèrent. Trois autres escadrilles se jetèrent presque aussitôt dans la mêlée.
L'accueil qu'il avait réservé aux Allemands ne donnait pas entière satisfaction à Park, qui jeta six nouvelles escadrilles dans la bataille. Les milliers de gens qui, du sol, suivaient les évolutions des appareils et les péripéties du combat constataient que, pour une fois, il semblait qu'il y eût suffisamment de chasseurs anglais en l'air ; au quartier général du groupe n ° 11, on n'en était pas aussi certain.
Deux des six escadrilles envoyées en renfort prirent contact avec les Allemands au-dessus de la zone du Medway. Les Allemands encaissaient, serraient les rangs dès qu'un bombardier tombait hors de la formation et poussaient obstinément de l'avant. On ne leur laissait aucun répit. Alors que les bombardiers s'approchaient de Londres, ils furent assaillis par quatre escadrilles de Hurricane.
Les chasseurs et les bombardiers allemands leur livraient bataille lorsque surgirent dans le ciel les cinq escadrilles du groupe n° 12. Les trois escadrilles de Hurricane qui faisaient partie de cette formation s'en prirent aux bombardiers tandis que les deux escadrilles de Spitfire s'attaquaient aux chasseurs. En descendant du nord, ces cinq escadrilles avaient pris de l'altitude et se trouvaient à plus de 20 000 pieds.
Les Allemands avaient commis une nouvelle erreur ; contrairement aux instructions de Goering, les chasseurs volaient si haut que les bombardiers se trouvaient pratiquement sans protection.
La charge des Hurricane brisa littéralement la formation ennemie. Poursuivis par les chasseurs anglais, les Dornier et les Junker 88 cherchaient le refuge des nuages. Des panaches de fumée noire, que laissaient derrière eux les bombardiers en flammes, striaient le ciel.
La virulence de cette attaque, la plus violente qu'ils eussent jamais rencontrée, obligea les bombardiers allemands à larguer leurs bombes au hasard ; elles tombèrent dans les parties est et sud-est de Londres ainsi que dans les faubourgs. Déjà rudement malmenée, la formation des bombardiers allemands flt demi-tour, mais ce fut pour rencontrer quatre nouvelles escadrilles de Hurricane qui n'avaient pas encore pris part au combat et qui les attendaient au-dessus du Kent et du Sussex. Puis le ciel redevint calme.
Les escadrilles de chasse regagnèrent leurs bases. Mais on n'en était qu'à la mi-journée.
Ombats aériens au dessus de l'Angleterre en 1940

Au plus fort de la mêlée

Raid aérien allemand contre Londres en 1940
La seconde attaque allemande se déroula vers le milieu de l'après-midi. Pour la deuxième fois ce jour-là, Londres se trouvait visé et, comme ce même matin, les forces allemandes ne jugèrent pas utile de lancer des opérations de diversion pour dérouter la défense. Le quartier général de Park reçut le préavis des stations radar, mais cette fois il disposa de moins de temps pour réagir.
Les Allemands avaient divisé cet après-midi-là leurs bombardiers en trois formations d'attaque.
Celle de tête avait à peine atteint l'Angleterre qu'elle se heurta à un premier adversaire, à savoir aux deux escadrilles de Spitfire d'Hornchurch. A ces Spitfire vint se joindre tout un groupe de Hurricane.
La deuxième formation allemande tomba sur les Hurricane de Tangmere. Les chasseurs anglais attaquèrent avec une telle furia que, pour la première fois de la journée, bon nombre de bombardiers allemands jugèrent préférable de faire demi-tour ; les appareils de la Luftwaffe lancèrent leurs bombes et s'enfuirent vers des cieux plus sûrs.
Le reste de la formation se fraya un chemin vers Londres à travers une zone que les obus de la D.C.A. ponctuaient de petite nuages, et que les escadrilles de chasseurs, se ruant au combat, sillonnaient de longues traînées de vapeurs d'essence.
A leur arrivée au-dessus de la capitale, les bombardiers tombèrent nez à nez avec de nouvelles escadrilles de Hurricane parties de Northold et accourant elles aussi au combat ; pour la seconde fois, une partie de la formation allemande jugea préférable de faire demi-tour.
Ceux qui s'acharnèrent engagèrent un combat effroyable au-dessus de Londres, du coeur de la capitale à la banlieue ouest. Vers trois heures de l'après-midi, dix des escadrilles du groupe n° 11 et cinq escadrilles du groupe n° 12 étaient engagées dans la mêlée. La bataille était à son apogée.
Une bataille aérienne est étrangement impersonnelle et rien, en fait, aucun élément particulier, ne marqua le point culminant de l'engagement. Pour les pilotes, il s'agissait simplement de se jeter dans la mêlée, puis d'en sortir, de se lancer dans un tourbillon de bombardiers et de chasseurs, puis de décrocher.

La défaite du 15 septembre 1940

Trois faits étaient patents. Le premier, le plus évident, résidait dans la perte de soixante appareils, pour la plupart des bombardiers, lors de l'attaque diurne du 15 septembre contre Londres.
En second lieu, la chasse britannique, loin de se trouver au bord du gouffre, avait relevé le gant et jeté dans la bataille un nombre de Spitfire et d'Hurricane supérieur à tout ce que l'on avait vu jusque-là ; les chasseurs anglais s'étaient rués au combat avec leur habituelle férocité.
Enfin,. les quelques bombardiers qui avaient réussi à survoler leurs objectifs s'étaient trouvés engagés au-dessus de Londres avec tant de violence par la défense ennemie qu'ils avaient largué leurs bombes au hasard. Certes, ce bombardement avait peut-être aidé à affaiblir la volonté de résistance des Londoniens, mais, du point de vue stratégique, et compte tenu que l'opération entrait dans le cadre de la préparation du débarquement, ce raid était un échec.
La défaite du 15 septembre eut une conséquence, qui passa peut-être inaperçue à l'époque, mais qui se révéla très importante par la suite. La confiance en soi que possédait la Luftwaffe, et qui avait été un peu secouée par son évidente incapacité de chasser les Anglais du ciel britannique lors des attaques contre les terrains de la chasse, subissait une brusque chute.