La bataille des convois

L'Angleterre aux abois

Les pilotes allemands reçoivent la double tâche
de s'assurer la maîtrise locale de l'air au dessus
de la Manche et d'interdire celle-ci aux convois britanniques.
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Les débuts de la grande bagarre

Les débuts de la grande bagarre annoncée sont plutôt timides, voire apathiques. La mission de L'Oberst Johann Fink est d'appliquer la première directive de l'OKL : faire cesser le trafic maritime britannique dans la Manche. Kommodore de la JG 51, as de la Grande Guerre décoré de la croix Pour le Mérite, l'Oberst Theo Osterkamp voit dans cette phase la possibilité d'appliquer sa théorie du « pile je gagne, face tu perds ». Si la RAF sort pour protéger ses convois, elle est anéantie, si elle refuse le combat, ce sont les bateaux qui trinquent.
Cette première phase est riche en enseignements des deux côtés. Elle permet à chacun de faire connaissance avec les tactiques, les procédures et la réactivité de l'autre. Cependant, elle est loin de procurer à la Luftwaffe les occasions d'écraser la RAF.
Le pari d'Osterkamp place Dowding dans l'embarras. Les 10 et 11 juillet 1940 voient une intense activité aérienne au-dessus des convois dans la Manche et contre les ports jusqu'en Écosse. Le Fighter Command ne peut qu'engager que des formations légères pour escorter les navires et celles-ci sont susceptibles d'être à tout moment mises en état d'infériorité. Si les stations de radar détectent correctement les intrus, bien que sous-estimant fréquemment le nombre et l'altitude des avions allemands par manque d'expérience, le délai de transmission aux salles d'opérations (de 4 à 5 minutes) empêche les 10 et 11 Groups de s'organiser en fonction des forces engagées par l'ennemi.
Assez curieusement, la Luftwaffe ne tire pas profit de cette lacune.

Disparition d'un escadron

C'est le 19 juillet que le deuxième Squadron équipé en Boulton Paul Defiant, le 141, effectue sa première sortie. Neuf appareils survolent Folkestone pour protéger un convoi, quand les Bf 109 du III./JG 51, conduits par le Hauptmann Hannes Trautloft, plongent sur les néophytes. Deux sont instantanément abattus et les autres s'éparpillent dans la nature. Les 109 reviennent pour une seconde passe, évitant la tourelle des chasseurs britanniques en s'installant dans leur angle mort (derrière et légèrement en dessous). Seuls deux Defiant regagneront Hawkinge, dont un fortement endommagé. En une minute, sept appareils ont été abattus, faisant quatre tués et cinq blessés.
Le 141 est crédité de deux victoires, dont une est revendiquée par le Pilot Officer Halliwell, mitrailleur du Squadron Leader W.A. Richardson :
« Les Me 109 ont surgi du soleil. Quand ils se sont trouvés en position de tir, j'en avais encadré un dans mon collimateur à bonne distance et j'ai ouvert le feu, alors qu'il se trouvait encore derrière nous (avec une légère correction. J'ai vu les traçantes toucher l'ennemi, qui a piqué et disparu dans l'eau en laissant une large flaque d'huile et d'écume. »
Cette première - et dernière - vraie mission de jour du 141 démontre sans la moindre ambiguïté l'incapacité absolue du Defiant de combattre sur un pied d'égalité avec un chasseur monoplace. Avec la montée en puissance de l'industrie aéronautique, le Fighter Command a besoin d'équipages expérimentés pour piloter les avions neufs qui commencent à arriver en nombre et il ne peut se permettre une telle hémorragie au moment où va s'engager l'une des plus terribles batailles de l'histoire de la Grande-Bretagne. La décision de retirer le 141 des opérations est aussitôt prise. Deux jours plus tard, il est envoyé à Prestwick pour y être reconstitué.

Disparition d'un groupe

De terribles combats se déroulent les 24 et 25 juillet qui, chose rarissime à cette période de la guerre, vont entraîner la disparition pure et simple d'un groupe de Bf 109, le III./JG 52.
Le 24 juillet, Kesselring tente une nouvelle tactique en attaquant deux convois simultanément, l'un au large de Douvres et le second dans l'estuaire de la Tamise. Le N° 54 Squadron arrive le premier sur les lieux et, voyant les deux attaques, il est contraint de diviser ses forces. Vers 11h00, des Do 17 survolent à nouveau l'estuaire de la Tamise, escortés par des chasseurs Bf 109. Le 54 est à nouveau de la partie, mais, connaissant la faible allonge du Bf 109, Park envoie quelques minutes plus tard le N° 610 Squadron. Celui-ci tombe sur le III./ JG 52. En quelques minutes, le groupe est décapité. Il perd son Kommandeur, le Major Wolf-Heinrich von Houwald (as de la guerre d'Espagne avec 5 victoires) et trois pilotes. Le III./JG 26 perd deux avions (un tué, un prisonnier) et les Allemands revendiquent quatre victoires (dont la 15e d'Adolf Galland). En fait, les Anglais ne perdent que trois Spitfire.
Le Pilot Officer Colin F. Gray, qui deviendra le plus grand as néo-zélandais de la guerre, fait partie des pilotes victorieux ce jour-là :
« Alors que je volais à 25 000 pieds, j'ai aperçu un ME 109 sous moi, vers 20 000 pieds et j'ai piqué droit sur lui. En arrivant juste au-dessus de lui, j'ai réduit les gaz pour me placer derrière et je lui ai envoyé une longue rafale à environ 50 mètres de distance. Immédiatement, du glycol et de la fumée ont jailli de la machine. Je lui ai envoyé une seconde rafale et le 109 a pris feu. Au même moment, j'ai été attaqué par un autre 109 qui a arraché la fiche de ma radio. Ce 109 utilisait des obus de canon. J'ai aussi aperçu une grosse formation de bombardiers en train de rentrer, mais je n'ai pas été en mesure de l'attaquer. Les 109 semblent avoir des cocardes blanches à l'extrémité de leurs ailes et non jaunes comme jusqu'à présent. »
Le lendemain, 25 juillet, un autre convoi est l'objet d'une attaque en franchisant le Pas-de-Calais. Le111./JG 52 est à nouveau de sortie. Ses Bf 109 sont interceptés par les Hurricane du 32 et les Spitfire du 65. Trois 109 sont abattus, faisant un tué, un disparu et un prisonnier. Un autre pilote se tue en percutant la mer à la poursuite d'un Spitfire. Après avoir perdu huit pilotes en deux combats, le lll./JG 52 est replié en Allemagne, le 1er août.
Ce 25 juillet est marqué par la plus intense activité aérienne depuis l'affaire de Dunkerque. La Luftwaffe a accompli plus de 200 sorties, pratiquement sans interruption entre 11h30 et 20h00. Cela n'a, évidemment, pas été sans casse du côté de la RAF. Sept appareils ont été abattus par les 109 ce jour-là, dont trois du N° 54 Squadron (deux tués). Au bord de la rupture, le 54 doit être envoyé au repos en Écosse, après avoir perdu cinq tués et trois blessés graves en 504 sorties lors des trois dernières semaines.
Le convoi sera malmené par les attaques combinées de la Luftwaffe et des E-Boote, ce qui pose un énorme problème à Dowding soumis à la pression de l'Amirauté pour renforcer la sécurité des navires. Or, il pressent que ce qui vient d'arriver au N° 54 Squadron est un signe avant-coureur des événements à venir, car la vraie bataille n'a pas encore commencé.
Néanmoins, et à l'inverse des Allemands, Dowding ne dérogera pas à la règle qu'il s'est fixée d'envoyer les unités de chasse, aussi précieuses soient-elles, au repos dans le nord du pays de manière régulière. La diminution du stress sur les pilotes et les machines sauvera ainsi, sans aucun doute, quelques vies et quelques appareils.
chasseur allemand Bf 109 détruit pendant la bataille d'Angleterre

Bilan de la première phase

chasseurs BF110 pendant la bataille d'Angleterre
Les pertes subies par la Luftwaffe au cours de la phase initiale ont été supportables. Mais il est clair que la RAF reste une force réelle et qu'elle n'a pas subi de pertes suffisamment lourdes au cours des actions engagées au-dessus de la zone côtière. Il faut maintenant que les Kampfgruppen allemands pénètrent plus avant à lintérieur du pays, afin que les Messerschmitt puissent engager le combat et détruire une proportion plus grande de chasseurs de la RAF que ce n'a été le cas jusqu'à présent.
La phase initiale a également mis en lumière de graves insuffisances, tant en qualité qu'en quantité, au sein de l'aviation de combat allemande.
Les pilotes de chasse de la RAF ont fait montre d'une telle agressivité qu'il a été jugé nécessaire d'aller jusqu'à tripler le nombre de chasseurs d'escorte prévus initialement, pour assurer une protection adéquate aux formations de bombardiers.
En outre. Le chasseur Bf-110 (haut), d'une nécessité vitale pour les pénétrations escortées à grande distance se révèle totalement surclassé par les Spitfire et les Hurricane dans les duels .. chasseur contre chasseur ». Lorsqu ·on les attaque, les Bf 110 sont contraints à la défensive en cercles et même, dans-les cas plus sérieux, ils doivent recevoir la protection des 109.