Plus épouvantable encore était ce qui se déroulait dans les hôpitaux de
campagne. Ici, tout déborde, racontait un
sous-officier atteint d'une grave jaunisse.
Les malades et les hommes légèrement
blessés doivent se trouver un gîte eux-
mêmes. Il devait, pour sa part, passer la
nuit dans la neige.
D'autres souffraient beaucoup plus encore.
Des camions restaient parqués dans la
boue devant l'hôpital, encore chargés de
blessés couverts de pansements, avec,
au milieu d'eux, des cadavres que nul ne
s'était soucié de faire enlever. Les chauf
feurs avaient disparus, médecins et infirmiers étaient trop occupés à l'intérieur, et
les soldats qui passaient à proximité igno
raient les appels à l'aide de ces hommes à
qui personne n'avait donné à boire où à
manger.
Les pseudo-malades ou même les blessés
en état de marcher qui tentaient de se faire
admettre à l'hôpital étaient directement
expédiés à un sous-officier chargé de reformer des unités combattantes de fortune.
Les hommes atteints de gelures étaient,
sauf cas très grave, pansés et renvoyés
au front.
A l'intérieur de l'hôpital
les patients sommeillaient dans un air raréfié
et humide. Ils avaient du mal à respirer, mais,
au moins, une certaine chaleur régnait. Les
infirmiers ôtaient les pansements mis sur le
terrain, dont beaucoup grouillaient déjà de
vermine, nettoyaient les plaies et les pansaient de nouveau, après une piqûre anti-
tétanique.
Les chances de survie d'un homme dépendaient moins du type de projectile qui l'avait
frappé que de l'emplacement de sa blessure.
Le triage s'opérait immédiatement. Les hommes souffrant de blessures graves à la tête
ou a l'abdomen étaient mis de côté et abandonnés à leur sort, car, pour eux, une opération eût exigé une équipe chirurgicale complète et une heure et demie à deux heures,
avec seulement une chance sur deux de
survie.
En cette période, les services de secours étaient si bondées
que les blessés devaient partager leurs couchettes. Souvent quand un homme très grièvement atteint arrivait, porté par ses camarades, le médecin renvoyait ceux-ci, car il
avait déjà trop de cas
désespérés à traiter.
Devant tant de souffrances,
racontait un sergent de la Luftwaffe, tant
d'hommes en proie à d'atroces douleurs, tant
de morts, convaincus qu'il n'y avait rien à
faire, nous remmenâmes sans un mot notre
lieutenant avec nous. Nul ne saura jamais les
noms de tous ces malheureux, qui blottis les
uns contre les autres sur le sol, perdant leur
sang, gelés, moururent finalement parce qu'on
ne pouvait leur porter secours.
Le manque de plâtre faisait que
certains médecins devaient maintenir les membres fracturés avec du papier. Le nombre de
décès par choc postopératoire s'élevait régulièrement, de même que celui des cas de
diphtérie. La vermine et les poux grouillaient sur
les blessés.
Sur la table d'opération, déclarait
un médecin, nous devions gratter la vermine sur
les uniformes et la peau avec une spatule avant
de la jeter au feu. Nous devions également retirer les poux des sourcils et des barbes, où il se
trouvaient en grappes.